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Coronaires

Publié le 31 jan 2006Lecture 4 min

Peut-on se passer du clopidogrel dans l'IDM ?

A. CASTAIGNE, hôpital Henri Mondor, Créteil

Les lecteurs se souviennent des résultats de l’étude CLARITY (Clopidogrel as Adjunctive ReperfusIon TherapY) dans laquelle des malades ayant un infarctus du myocarde (IDM) traité par thrombolyse ont été randomisés pour recevoir soit un placebo, soit du clopidogrel en dose de charge (300 mg) suivie d’un traitement d’entretien à 75 mg/j. Près de 3 500 patients avaient été inclus et le critère de jugement était la perméabilité de l’artère coronaire responsable de l’IDM lors d’une coronarographie faite si possible au 3e jour. Avant cette coronarographie, en cas d’urgence ou dans la foulée de cette coronarographie, un stent pouvait être mis en place à la discrétion du médecin investigateur. Si un stent était utilisé, il était recommandé de faire une dose de charge de clopidogrel aux patients des deux groupes.

Le résultat de cette étude montre que 18 % des artères étaient occluses dans le groupe placebo versus 11 % dans le groupe clopidogrel, une différence très significative. En outre, il avait été prévu d’évaluer les événements cliniques survenus au cours des 30 premiers jours. Les événements étaient moins fréquents dans le groupe clopidogrel que dans le groupe placebo. Ce résultat sur les événements cliniques pouvait, en partie, être expliqué par le fait que les malades du groupe clopidogrel avaient bénéficié d’une imprégnation plus prolongée par ce produit avant une éventuelle angioplastie, ce qui est un facteur protecteur reconnu.   PCI CLARIY Les auteurs avaient prévu de faire une analyse séparée de l’ensemble des malades ayant eu une angioplastie coronaire au cours de leur hospitalisation initiale. Ainsi, parmi les 1 752 patients du groupe clopidogrel, 933 ont eu une angioplastie coronaire, le plus souvent avec pose d’un stent ; et parmi les 1 739 patients du groupe placebo, 930 ont eu une angioplastie. Ces 1 863 malades forment la population d’une étude connue sous le nom de PCI-CLARITY. Lorsque l’on compare les deux groupes, ils sont semblables sauf sur deux points : • le délai entre la randomisation et l’angioplastie est plus long dans le groupe clopidogrel, ce qui reflète que les angioplasties en urgence ont été moins fréquentes dans le groupe clopidogrel que dans le groupe placebo (312 vs 363) ; • l’autre différence porte sur la perméabilité coronaire au moment de l’angiographie, et on retrouve là le résultat principal de l’étude : 87 % de TIMI 2 ou 3 dans le groupe clopidogrel contre 81 % dans le groupe placebo. On relève que 78 % des malades des deux groupes ont reçu une dose de charge de clopidogrel (300 mg) au moment de l’angioplastie. On a donc des malades recevant depuis en moyenne trois jours du clopidogrel et qui ont reçu en plus une dose de charge le jour de l’angioplastie, des malades recevant un placebo et qui ont eu une dose de charge le jour de l’angioplastie et un petit sous-groupe de patients recevant uniquement de clopidogrel depuis 3 jours sans dose de charge le jour de l’angioplastie et un autre petit sous-groupe de patients n’ayant pas reçu du tout de clopidogrel.   Peut-on trouver un peu de clarté dans ce maquis ?   La réponse est oui : • avant le geste d’angioplastie, il y a eu moins d’événements ischémiques dans le groupe clopidogrel que dans le groupe placebo (37 vs 58), p = 0,03 ; • entre l’angioplastie et la sortie, il y a eu moins d’événements dans le groupe clopidogrel (34 vs 58) que dans le groupe placebo, p = 0,008 ; • si l’on compte l’ensemble des événements IDM + AVC + décès cardiovasculaires, les chiffres sont 70 vs 112, avec p = 0,001. Si l’on regarde chacun des éléments de ce critère, ils sont tous améliorés : 13 vs 24 décès, 55 vs 83 IDM et 4 vs 12 AVC. Ces chiffres montrent que le prétraitement par le clopidogrel des malades ayant eu un infarctus du myocarde thrombolysé permet de pratiquer l’angioplastie coronaire plus tard, moins souvent en urgence et avec des résultats cliniques meilleurs qu’en l’absence de prétraitement. Dose de charge ? Un point intéressant est de regarder les fréquences d’événements selon que les malades ont eu ou non une dose de charge de clopidogrel : • les malades du groupe clopidogrel + dose de charge le jour de l’angioplastie ont eu 2,9 % événements cardiovasculaires pendant les 30 premiers jours ; • les malades du groupe clopidogrel sans dose de charge le jour de l’angioplastie ont eu 6,3 % événements cardiovasculaires à 30 jours ; • les malades du groupe placebo qui ont eu une dose de charge le jour de l’angioplastie ont eu 5,2 % événements cardiovasculaires à 30 jours ; • enfin, les malades qui n’ont pas reçu de clopidogrel du tout ont eu 10,1 % événements cardiovasculaires à 30 jours. Il ne faut pas « surinterpréter » les chiffres ci-dessus, même s’ils indiquent un effet important du clopidogrel ; la décision d’administrer une dose de charge dépendait de l’investigateur ; les groupes dont nous parlons ci-dessus n’ont pas été constitués par une randomisation ; les investigateurs pouvaient avoir des raisons de ne pas vouloir administrer une dose de charge et ces raisons peuvent être reliées au pronostic. Toutes ces données doivent être replacées dans ce que nous savons de l’utilité d’administrer du clopidogrel dans les syndromes coronaires aigus (étude CURE) ou lors des angioplasties coronaires avec pose de stent (étude CREDO). Dans toutes ces études, les résultats indiquent que l’adjonction de clopidogrel à un traitement comportant de l’aspirine et de l’héparine permet de réduire le risque de survenue d’un infarctus du myocarde avant et après la pratique de l’angioplastie. Pas d’augmentation d’hémorragies L’une des particularités de l’étude CLARITY est le fait que l’adjonction de clopidogrel ne s’est pas accompagnée d’une augmentation des saignements ; cette particularité est importante si l’on se souvient que l’adjonction d’anti-GPIIb/IIIa à un traitement thrombolytique s’accompagne d’une augmentation des saignements majeurs même quand on utilise la moitié de la dose habituelle de thrombolytiques. La réponse à la question posée en titre est donc qu’il est nécessaire d’adjoindre le clopidogrel au cocktail antithrombotique prescrit à la phase aiguë de l’infarctus du myocarde. Le plus tôt est certainement le mieux afin de préparer un éventuel geste de cardiologie interventionnelle. La pratique du traitement préhospitalier de l’infarctus du myocarde étant très au point en France grâce au système des centres 15 et des SAMU, on attend avec intérêt une étude d’envergure sur cette nouvelle façon de traiter l’infarctus du myocarde : aspirine + dose de charge de clopidogrel le plus vite possible, dès le domicile du patient, quelle que soit la technique de revascularisation choisie (thrombolyse, angioplastie primaire ou angioplastie facilitée).

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