HTA
Publié le 28 fév 2006Lecture 7 min
Place des bêtabloquants vasodilatateurs dans le traitement de l'HTA
M. AZIZI, Hôpital Européen Georges Pompidou, Paris, d’après la communication de S. Laurent, HEGP, Paris
XXVes Journées de l'hypertension artérielle
De récentes données issues de la métaanalyse de Lindholm ont remis en cause le choix des bêtabloquants dans le traitement de l’hypertension artérielle (HTA) en monothérapie. Ces données ont montré une augmentation du risque cérébrovasculaire, plus spécifiquement observée sous aténolol, molécule dépourvue d’effet vasodilatateur. Or, il est probable que les mécanismes de réduction de la pression artérielle (PA) diffèrent selon la nature du bêtabloquant. Rappelons que de l’effet vasodilatateur découle une diminution de la pression pulsée centrale, bénéfique en termes de réduction des événements cardiovasculaires.
Les données issues des métaanalyses
- La métaanalyse des essais randomisés de l’HTA portant sur 18 essais réalisés dans les années 1980 à 1995, incluant un total de 48 220 patients hypertendus, a montré que comparativement au placebo, un traitement bêtabloquant réduit de 29 % le risque d’AVC, de 42 % celui d’insuffisance cardiaque, sans diminuer significativement les événements coronaires, à la différence des diurétiques à faible dose.
- La nouvelle métaanalyse de Staessen en 2003, portant sur 15 études incluant un total de 120 574 patients hypertendus, a montré que la prévention des événements cardiovasculaires avec le traitement antihypertenseur est essentiellement dépendante que de l’amplitude de la baisse de pression artérielle systolique (PAS).
- Plus récemment, la métaanalyse de Lindholm publiée en 2005, incluant 104 000 patients hypertendus, remet en cause le choix des bêtabloquants en monothérapie dans le traitement de l’HTA. En effet, cette métaanalyse montre une augmentation du risque de survenue d’un accident vasculaire cérébral (risque relatif de 1,16), avec les bêtabloquants comparativement aux autres antihypertenseurs plus récents. Cette augmentation du risque est plus spécifiquement observée avec l’aténolol pour lequel le risque relatif de survenue d’un AVC est de 1,26 par rapport aux autres antihypertenseurs.
L’aténolol fait partie des bêtabloquants sans activité vasodilatatrice propre, ayant une activité ß 1 bloquante sélective. Cette classe comporte aussi le métoprolol, l’oxprénolol, le bétaxolol, le bisoprolol, le nadolol, le tertatolol, le cartéolol, et le timolol. Ces bêtabloquants sont différents de ceux ayant une activité vasodilatatrice, tels le labétolol (ß 1 et ß 2 bloquant, et alpha-bloquant), l’acébutolol (ß 1 sélectif et agoniste partiel ß 2), et le pindolol. Le céliprolol a une activité ß 2 stimulante et le nébivolol est considéré comme un donneur de NO.
Quelle est la valeur ajoutée des bêtabloquants avec activité vasodilatatrice ?
Sur le plan tensionnel
L’étude de D. Grassi, qui a comparé l’aténolol 100 mg au nébivolol 5 mg, n’a pas montré de différence significative en termes de baisse de PAS ou de PAD chez des patients hypertendus modérés. En revanche, il est probable que les mécanismes de réduction de la PA soient différents selon la nature du bêtabloquant. En effet, un bêtabloquant comme l’aténolol, sans effet vasodilatateur, abaisse la PA essentiellement par baisse du débit cardiaque, le blocage des récepteurs bêta 1 adrénergiques s’accompagnant d’une tendance à l’augmentation des résistances périphériques totales (libération du tonus alpha vasoconstricteur). L’acébutolol réduit aussi le débit cardiaque, mais son effet sur les résistances périphériques est neutre. Les autres bêtabloquants tels que le céliprolol et le nébivolol modifient peu le débit cardiaque et réduisent les résistances périphériques totales.
Quelles sont les conséquences potentielles de l’effet des bêtabloquants ayant une activité vasodilatatrice ?
Sur le plan vasculaire
Chez l’animal, le nébivolol réduit la rigidité aortique en aigu comparativement à l’aténolol, alors même que la baisse de pression artérielle est identique.
Chez l’homme, l’étude REASON a montré une plus grande réduction de la pression pulsée chez les patients traités par une combinaison IEC + diurétique (perindopril + indapamide) que par l’aténolol. En revanche, chez des hypertendus modérés, un bêtabloquant avec activité vasodilatatrice tel que le céliprolol réduit la pression pulsée centrale de façon similaire à l’énalapril en monothérapie.
Ainsi, les bêtabloquants sans activité vasodilatatrice ont peu d’effet sur la rigidité artérielle.
Ce phénomène s’accompagne d’une augmentation des ondes de réflexion, et ainsi d’une faible diminution de la pression pulsée et de la pression artérielle systolique centrale. En revanche, les bêtabloquants vasodilatateurs réduisent la rigidité artérielle et l’amplitude des ondes de réflexion, d’où une réduction de la pression pulsée et de la PA centrale.
Cette différence d’efficacité sur la rigidité artérielle, les ondes de réflexion et la pression pulsée centrale pourrait avoir une valeur prédictive pour la réduction des événements cardiovasculaires, et l’atteinte des organes cibles.
Sur le plan cardiaque
Dans l’essai LIFE (Losartan Intervention For Endpoints reduction in hypertension) qui comparait le losartan à l’aténolol chez des hypertendus avec hypertrophie ventriculaire gauche à l’électrocardiogramme, la réduction de l’hypertrophie ventriculaire gauche a été nettement supérieure dans le groupe traité par losartan comparativement à l’aténolol, alors même que le contrôle tensionnel a été comparable avec les deux stratégies de traitement. De plus, l’incidence de survenue des accidents vasculaires cérébraux a été plus élevée dans le groupe aténolol que dans le groupe losartan.
La réduction de l’hypertrophie ventriculaire gauche, définie par une réduction de la masse ventriculaire gauche indexée de plus de 25 g/m2, s’est accompagnée d’une réduction significative des décès cardiovasculaires et de la mortalité totale.
L’hypothèse pharmacologique pour expliquer l’efficacité supérieure du losartan sur l’aténolol à réduire la masse ventriculaire gauche passe par l’analyse de l’impact de ces médicaments sur la géométrie vasculaire. En effet, le losartan réduit la rigidité artérielle, les ondes de réflexion et la pression pulsée. Il augmente la lumière des artères de petit calibre. La réduction de la pression pulsée aortique centrale s’accompagne d’une réduction de l’hypertrophie ventriculaire gauche et de l’atteinte des organes cibles et en conséquence des événements cardiovasculaires. L’aténolol n’a pas d’effet vasodilatateur propre.
Sur le plan des événements cardiovasculaires
L’étude ASCOT (Anglo-Scandinavian Cardiac OuTcomes) a montré qu’il existe une différence hautement significative en termes de prévention des événements coronariens en faveur de l’association amlodipine + perindopril par rapport à l’association aténolol + diurétique thiazidique chez des hypertendus à haut risque vasculaire. La réduction du risque était encore plus marquée pour les AVC mortels ou non mortels (hazard ratio : 0,77 (0,66-0,90), p < 0,001).
Les résultats de cet essai peuvent être interprétés de deux façons différentes :
• soit il existe un effet bénéfique indépendant de la baisse de PA de l’association amlodipine + perindopril,
• soit la faible différence de pression artérielle entre les deux groupes (de l’ordre de 1 mmHg en fin d’essai) est susceptible d’expliquer la différence d’événement.
Une étude ancillaire de l’essai ASCOT, l’étude CAFE (Conduit Artery Function Endpoint) offre une nouvelle interprétation des résultats. Cette étude a inclus 2 073 patients, représentatifs de ceux de l’essai principal, chez lesquels l’onde de pression radiale a été mesurée par SphygmoCor® afin d’estimer la PAS centrale et la pression pulsée centrale au niveau de l’aorte. Les patients ont été suivis pendant 3,4 ans en moyenne et 305 événements sont survenus au cours de l’essai. Alors que la différence en termes de PAS humérale était de 0,7 mmHg entre le groupe aténolol + thiazide versus amlodipine + perindopril, elle était de 4,3 mmHg (IC95 % : 3,3-5,4) en termes de PAS centrale, ce qui représente une différence majeure entre les deux thérapeutiques. Le même phénomène est observé pour la pression pulsée : la différence entre les deux groupes de traitement est de 0,9 mmHg pour la pression pulsée humérale, alors qu’elle atteint 3 mmHg (2,1-3,9) pour la pression pulsée centrale.
Les résultats de cette étude ancillaire de l’essai ASCOT permettent d’émettre une nouvelle hypothèse pour expliquer la différence en termes de réduction des événements cardiovasculaires entre le groupe perindopril + amlodipine et le groupe aténolol + diurétique. Une plus grande réduction de la pression pulsée centrale avec l’association amlodipine + perindopril réduit plus la postcharge du ventricule gauche, et donc par ce biais l’hypertrophie ventriculaire gauche. La réduction de l’hypertrophie ventriculaire gauche s’accompagne d’une amélioration de la perfusion coronaire. De plus, la réduction de la pression pulsée centrale réduit le risque de rupture de plaque et le risque de progression de l’athérosclérose.
Une synergie d’action avec l’atorvastatine
De façon extrêmement intéressante, l’association amlodipine + perindopril potentialise les effets de l’atorvastatine qui a aussi été testée au cours de cet essai thérapeutique. En effet, il y aurait un moindre développement de l’athérosclérose avec une réduction du risque de rupture de plaque par moindre contrainte cyclique et moindre expression potentielle de métalloprotéases de la matrice.
Il reste à démontrer une plus grande réduction de l’atteinte des organes cibles ainsi que des événements cardiovasculaires par un bêtabloquant vasodilatateur par rapport à un bêtabloquant non vasodilatateur. Mais il est probable qu’aucune réponse à cette question ne sera apportée après les résultats de l’essai LIFE et de l’essai ASCOT.
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