Publié le 21 sep 2004Lecture 9 min
Cardiologie Pratique a 20 ans - 2 décennies d’essais cliniques
Postinfarctus
Quatre classes thérapeutiques fondamentales et un régime
Sauf contre-indication ou intolérance, 4 classes thérapeutiques et le régime devraient figurer sur l’ordonnance de tout patient ayant fait un infarctus du myocarde.
Aspirine à faibles doses (≤ 160 mg/j)
L’aspirine diminue significativement la mortalité totale et la mortalité cardio-vasculaire du post-infarctus.
Telle est la conclusion de la méta-analyse de l’ATT (BMJ 2002 ; 324 : 71-86) qui a porté sur 12 études regroupant 18 788 patients, dans laquelle l’aspirine 75-150 mg/j a diminué, avec un recul moyen de 2 ans, la mortalité totale de 11 %, la mortalité cardio-vasculaire de 15 %, les récidives d’infarctus non mortel de 28 % et les AVC non mortels de 36 %.
Bêtabloquants
Les bêtabloquants diminuent significativement la mortalité totale de 20 % et plus encore la mortalité subite.
Dans la métaanalyse de Freemantle (BMJ 1999 ; 318 : 1730-7) qui a porté sur 82 essais et 54 234 patients, les bêtabloquants ont diminué la mortalité totale de 23 % (p < 0,01) et la mortalité subite de 43 à 51 % dans les 13 études qui ont analysé le mode de décès. En outre, ils préviennent significativement le risque de récidive d’infarctus.
Le bénéfice des bêtabloquants persiste à l’heure du traitement moderne de l’infarctus du myocarde.
Les bêtabloquants sont d’autant plus efficaces qu’il existe une dysfonction ventriculaire gauche ou une insuffisance cardiaque.
C’est ce qu’ont montré l’étude CAPRICORN ainsi que les études menées dans l’insuffisance cardiaque d’origine ischémique ou non, à savoir l’US Carvedilol Heart Study et l’étude COPERNICUS qui ont évalué le carvédilol, l’étude CIBIS II qui a utilisé le bisoprolol et l’étude MERIT-HF conduite avec le métoprolol.
Inhibiteurs de l’enzyme de conversion
Les IEC diminuent d’environ 20 % à la fois la mortalité totale, la mortalité cardio-vasculaire et la mortalité subite du postinfarctus compliqué de dysfonction ventriculaire gauche.
- Dans la métaanalyse de Domanski (J Am Coll Cardiol 1999 ; 33 : 598-604) qui a porté sur 15 études totalisant 15 104 patients, les principales étant AIRE, SAVE et TRACE, l’IEC a diminué significativement la mortalité totale (14,4 vs 16,8 %), la mortalité cardio-vasculaire (12,5 vs 14,7 %) et la mortalité subite (5,3 vs 6,6 %).
- En outre, la métaanalyse de Flather (Lancet 2000 ; 355 : 1575-81) montre que l’IEC réduit de 20 % les récidives d’infarctus du myocarde et de 27 % les réhospitalisations pour insuffisance cardiaque.
Les IEC restent bénéfiques en l’absence de dysfonction ventriculaire gauche.
- Dans l’étude HOPE (N Engl J Med 2000 ; 342 : 145-53), menée chez 9 297 patients ayant soit une cardiopathie ischémique (80 % des sujets dont 53 % avaient fait un infarctus du myocarde), soit un antécédent d’AVC, soit une artériopathie périphérique, soit un diabète associé à au moins un autre facteur de risque, le ramipril a diminué, pour un suivi médian de 5 ans, la mortalité totale de 16 %, la mortalité cardio-vasculaire de 26 %, les infarctus du myocarde de 20 % et les AVC de 32 %.
- Dans l’étude EUROPA (Lancet 2003 ; 362 : 782-8), qui a inclus 13 655 coronariens stables (dont 64 % avaient un antécédent d’infarctus), le perindopril a diminué significativement, pour un suivi moyen de 4,2 ans, le taux combiné de décès cardio-vasculaires, infarctus ou arrêts cardiaques de 20 %, ainsi que le risque d’infarctus non mortel de 22 %, avec une tendance à la réduction de la mortalité totale et de la mortalité cardio-vasculaire.
Statines
Les statines diminuent d’environ 20 % la mortalité totale.
- Dans la métaanalyse de Larosa (JAMA 1999 ; 282 : 2340-6), qui a porté sur les essais 4S, CARE et LIPID, totalisant 17 617 patients suivis pendant 5 à 6 ans en moyenne, la statine a diminué significativement la mortalité totale de 23 %, la mortalité cardio-vasculaire de 27 % et la mortalité d’origine coronaire de 29 %.
- L’étude HPS a confirmé que l’effet bénéfique des statines était indépendant du taux de cholestérol initial.
Acides gras n-3 polyinsaturés et régime méditerranéen
Le régime améliore le pronostic du postinfarctus.
- Dans l’étude GISSI-Prevenzione (Lancet 1999 ; 354 : 447-55), qui a inclus 11 324 patients suivis pendant 3,5 ans, la supplémentation en acides gras n-3 polyinsaturés a diminué de 20 % la mortalité totale, de 30 % la mortalité cardio-vasculaire et de 45 % la mortalité subite.
- Dans la Lyon Diet Heart Study (Circulation 1999 ; 99 : 779-85), menée chez 605 patients, le régime méditerranéen riche en acide alpha-linoléique a diminué, à 46 mois, de 72 % le taux combiné de décès cardio-vasculaires ou infarctus et de 66 % la mortalité totale.
Autres médicaments
Clopidogrel
Après angioplastie avec stent, le clopidogrel sera associé à l’aspirine pendant au moins un an.
Cette recommandation est une extrapolation des études menées dans les syndromes coronariens aigus sans ↑ ST.
Le clopidogrel peut remplacer l’aspirine en cas d’intolérance.
Telle est la conclusion de l’étude CAPRIE (Lancet 1996 ; 348 : 1329-39) qui a inclus 19 185 patients dont un tiers avaient un antécédent d’infarctus, un tiers un antécédent d’AVC et un tiers avaient une artériopathie des membres inférieurs. Globalement, le clopidogrel, comparé à l’aspirine, a diminué de 8,7 % (p = 0,043) le risque de survenue d’un nouvel événement cardio-vasculaire, l’efficacité étant semblable dans le sous-groupe des patients ayant fait un infarctus du myocarde.
Anticoagulants
Les antivitamines K diminuent la morbi-mortalité cardio-vasculaire.
C’est ce qu’ont montré la Sixty Plus Reinfarction Study (Lancet 1980 ; 2 : 990-4), l’étude WARIS (N Engl J Med 1990 ; 323 : 147-52), l’étude ASPECT (Lancet 1994 ; 343 : 499-503) et la métaanalyse de Anand et Ysuf (JAMA 1999 ; 282 : 2058-67). Cette dernière, qui a porté sur 31 essais regroupant 23 397 patients, montre que l’anticoagulation orale intense (INR 2,4-4,8) diminue significativement de 22 % le risque de décès, de 42 % celui d’infarctus du myocarde et de 63 % tout accident thromboembolique, l’efficacité étant à peine moindre avec une anticoagulation orale modérée (INR 2-3). Cependant, le traitement anticoagulant multiplie par 6-7 le risque de saignement majeur.
L’anticoagulation de forte intensité (INR 3-4) est plus efficace que l’aspirine seule et aussi efficace que l’association d’aspirine à une anticoagulation modérée (INR 2-2,5).
C’est ce qu’ont montré les études ASPECT II (Lancet 2002 ; 360 : 109-13), menée chez 999 patients, et WARIS II (N Engl J Med 2002 ; 347 : 969-74), conduite chez 3 630 patients.
En pratique, compte tenu du risque hémorragique et de la servitude du traitement anticoagulant, celui-ci est réservé aux intolérances à l’aspirine et aux infarctus à risque thromboembolique élevé.
L’association aspirine-ximélagatran est prometteuse.
Telle est la conclusion de l’étude ESTEEM (Lancet 2003 ; 362 : 789-97) qui a inclus 1 883 patients ayant fait un syndrome coronaire aigu et considérés à haut risque cardio-vasculaire. Pour un suivi de 6 mois, le ximélagatran associé à l’aspirine, vs aspirine seule, a diminué significativement le taux d’infarctus ou ischémies myocardiques sévères (12,7 vs 16,3 %) avec, cependant, un risque hémorragique global accru (22 vs 13 %).
Dérivés nitrés
L’intérêt des dérivés nitrés sur le long terme n’a pas été étudié.
Prescrits pendant 5 à 6 semaines dans les études GISSI 3 et ISIS 4, ils n’ont démontré aucun bénéfice notable.
Inhibiteurs calciques
Le vérapamil peut être prescrit en cas d’intolérance aux bêtabloquants et en l’absence d’insuffisance cardiaque.
Telle est la conclusion de l’étude DAVIT II, de l’étude CRIS (Am J Cardiol 1996 ; 77 : 365-9), dans laquelle le bénéfice n’était pas significatif, et de l’étude INVEST (JAMA 2003 ; 290 : 2805-16), menée chez 6 391 coronariens et hypertendus dont un tiers avaient un antécédent d’infarctus du myocarde et dans laquelle l’association vérapamil SR-trandolapril s’est montrée aussi efficace que l’association aténolol-hydrochlorothiazide en prévention de la morbi-mortalité cardio-vasculaire.
Le diltiazem et les dihydropyridines de dernière génération peuvent être prescrits en cas d’angor résiduel ou d’hypertension artérielle.
- Le diltiazem, prescrit en l’absence de dysfonction ventriculaire gauche, a semblé efficace sur les complications ischémiques dans les études MDPIT (N Engl J Med 1988 ; 319 : 385-92) et INTERCEPT (Lancet 2000 ; 355 : 1751-6).
- L’amlodipine et la félodipine, qui n’ont pas été étudiées spécifiquement dans le postinfarctus, sont bien tolérées dans l’insuffisance cardiaque chronique, comme l’ont montré les études PRAISE I et VHeFT III.
Diurétiques antialdostérone
Ils diminuent la mortalité totale et la mortalité subite dans l’insuffisance cardiaque sévère et dans le postinfarctus compliqué d’insuffisance cardiaque.
C’est ce qu’ont montré l’étude RALES, qui a évalué la spironolactone chez 1 663 patients, et l’étude EPHESUS qui a testé l’éplérénone chez 6 642 patients.
Antagonistes des récepteurs de l’angiotensine II (ARA II)
Certains ARA II peuvent remplacer les IEC dans l’infarctus compliqué de dysfonction ventriculaire gauche et dans l’insuffisance cardiaque systolique.
- Dans l’étude VALIANT (N Engl J Med 2003 ; 349 : 1893-906) qui a inclus 14 703 patients ayant fait un infarctus du myocarde compliqué d’insuffisance cardiaque ou ayant une fraction d’éjection ventriculaire gauche ≤ 35 %, le valsartan s’est montré équivalent au captopril en ce qui concerne la mortalité totale et la mortalité cardio-vasculaire avec un recul médian de 2 ans.
- Dans l’étude CHARM-Alternative (Lancet 2003 ; 362 : 772-6), menée chez 2 028 patients en insuffisance cardiaque classe NYHA II-III (d’origine ischémique dans deux tiers des cas) et n’ayant pas toléré un IEC, le candésartan a diminué significativement, pour un suivi moyen de 34 mois, la mortalité cardio-vasculaire et la mortalité totale.
L’adjonction d’un ARA II à un IEC permet de réduire davantage la mortalité cardio-vasculaire chez l’insuffisant cardiaque.
C’est ce qu’ont montré les études VAL-HeFT et CHARM-Added.
Médicaments antiarythmiques (en dehors des bêtabloquants)
Les antiarythmiques de classe I augmentent la mortalité et doivent être évités, notamment en cas de dysfonction ventriculaire gauche.
Telle est la conclusion des études CAST I (N Engl J Med 1989 ; 321 : 401-12), CAST II (N Engl J Med 1992 ; 327 : 227-33) et de la métaanalyse de Teo (JAMA 1993 ; 270 : 1589-95).
L’amiodarone diminue la mortalité subite du postinfarctus et peut être utilisée en cas de dysfonction ventriculaire gauche, mais elle a peu ou pas d’effet sur la mortalité totale et ses effets secondaires extracardiaques en limitent l’utilisation sur le long terme.
- C’est ce qu’ont montré les études EMIAT (Lancet 1997 ; 349 : 667-74), menée chez 1 486 patients dont l’infarctus était compliqué d’insuffisance cardiaque, et l’étude CAMIAT (Lancet 1997 ; 349 : 675-82) qui a inclus 1 202 patients dont l’infarctus était associé à une extrasystolie ventriculaire menaçante.
- Dans la métaanalyse ATMA (Lancet 1997 ; 350 : 1417-24), qui a porté sur 13 essais et 6 553 patients ayant fait un infarctus ou présentant une insuffisance cardiaque, l’amiodarone diminue de 13 % la mortalité totale (p = 0,030) et de 29 % la mortalité subite (p = 0,03).
- La métaanalyse ECMA (Circulation 1999 ; 99 : 2268-75), qui a porté sur les études EMIAT et CAMIAT, montre que l’effet bénéfique de l’amiodarone est surtout net chez les patients traités par bêtabloquants.
Défibrillateur automatique implantable (DAI)
En prévention secondaire, le DAI améliore le pronostic par rapport à l’amiodarone et représente le traitement de première intention.
- La prévention secondaire s’adresse aux patients survivants d’un arrêt cardiaque par tachycardie-fibrillation ventriculaire et à ceux ayant fait un trouble du rythme ventriculaire soutenu mal toléré.
- La métaanalyse de Connolly (Eur Heart J 2000 ; 21 : 2071-8), qui a porté sur les études CASH (Circulation 2000 ; 102 : 748-54), AVID (N Engl J Med 1997 ; 337 : 1576-83) et CIDS (Circulation 2000 ; 101 : 1297-302), montre que le DAI, comparé à l’amiodarone, diminue significativement la mortalité totale de 28 % et la mortalité subite de 50 % pour un suivi moyen de 2,3 ans. La supériorité du DAI n’est cependant retrouvée que lorsque la fraction d’éjection ventriculaire gauche est ≤ 35 %.
En prévention primaire (absence de trouble du rythme ventriculaire soutenu potentiellement mortel), le DAI diminue de moitié la mortalité du postinfarctus lorsque coexistent une dysfonction ventriculaire gauche (fraction d’éjection < 40 %), des TV non soutenues asymptomatiques et une TV inductible.
C’est ce qu’ont montré l’étude MADIT I (N Engl J Med 1996 ; 335 : 1933-40), qui a inclus 196 patients, et l’étude MUSTT (N Engl J Med 1999 ; 341 : 1882-90) menée chez 704 patients.
En prévention primaire, une dysfonction ventriculaire gauche importante (fraction d’éjection ≤ 30 %) pourrait suffire à poser l’indication d’un DAI.
Dans l’étude MADIT II (N Engl J Med 2002 ; 346 : 877-83) qui a inclus 1 232 patients ayant une fraction d’éjection ≤ 30 % au moins un mois après un infarctus du myocarde, le DAI, avec un recul moyen de 20 mois, a diminué significativement la mortalité totale de 31 %.
Le DAI diminue la mortalité des insuffisants cardiaques.
C’est ce qu’a montré l’étude SCD-HeFT (Congrès de l’American College of Cardiology 2004) qui a inclus 2 521 patients ayant une insuffisance cardiaque classe NYHA II-III (d’origine ischémique dans la moitié des cas) et dont la fraction d’éjection était ≤ 35 %. Pour un suivi moyen de 46 mois, le DAI, comparé au groupe témoin, a diminué de 23 % la mortalité globale (p = 0,007) alors que l’amiodarone n’a eu aucun effet significatif.
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