publicité
Facebook Facebook Facebook Partager

Thérapeutique

Publié le 13 oct 2009Lecture 5 min

Prise en charge péri-opératoire d'un coronarien devant bénéficier d'une prothèse totale de hanche

Y. LE MANACH, Groupe Hospitalier Pitié-Salpêtrière, Paris

La gestion péri-opératoire du patient coronarien fait l’objet de recommandations internationales fréquemment actualisées. Ces recommandations reflètent les connaissances actuelles sur le sujet et sont globalement suivies dans la plupart des centres. Dans ces conditions, l’attitude logique devrait être de suivre ces recommandations pour la prise en charge des futurs opérés, et ce chapitre ne devrait être qu’un rappel de ces recommandations. Malheureusement, la prise en charge péri-opératoire de certains cas cliniques n’est pas explicite dans ces recommandations. De plus, il apparaît que ces situations sont fréquentes en pratique clinique. La plupart de ces cas correspondent à des chirurgies fréquentes à risques intermédiaires, pour lesquelles peu d’études sont disponibles. La chirurgie pour prothèse de hanche en est l’illustration retenue ici, mais la chirurgie urologique, ou la chirurgie digestive peuvent correspondre à des problématiques similaires.

Cas clinique M. H., 67 ans, doit bénéficier d’une mise en place de prothèse de hanche gauche. Sa coxarthrose a progressivement limité la capacité à l’effort de cet homme actif, ancien sportif de haut niveau. Elle est actuellement évaluée à 2 Mets. L’examen clinique ne retrouve pas d’anomalie en dehors d’une obésité (110 kg, 180 cm, IMC : 34). La recherche des facteurs de risque retrouve un tabagisme actif évalué à 30 PA. Le traitement médical de ce patient se résume à des antalgiques de niveau II. Aucun antécédent médico-chirurgical notable n’est retrouvé, chez un patient sans suivi médical régulier. Première analyse Ce type de chirurgie orthopédique correspond à un risque intermédiaire dans la plupart des stratifications du risque postopératoire. Pour ce type de risque opératoire, il est recommandé d’utiliser une stratification du risque cardiaque postopératoire utilisant le score de Lee(3). Ce score intègre 6 facteurs de risque : chirurgie de l’anévrisme, aortique, insuffisance coronaire, insuffisance cardiaque, insuffisance rénale, antécédent d’accident vasculaire cérébrale, diabète traité par insuline. M. H ne présente pas d’antécédent connu lors de son examen pré-opératoire. Son score de Lee est donc de 0, son risque de complications cardiaques postopératoires est considéré comme très faible. La prise en charge recommandée pour ce patient est donc simple, et un test d’effort et/ou l’introduction d’une cardioprotection médicamenteuse ne sont pas recommandés au vu des éléments connus. Deuxième analyse Les résultats des examens biologiques, parvenus plusieurs jours avant l’intervention, ont permis le diagnostic d’un diabète et d’une insuffisance rénale modéré (156 µmol/l ; MDRD = 41 ml/ min/1,73 m2) jusqu’à lors inconnus. Le complément de bilan réalisé retrouve une hypercholestérolémie (LDL-C = 2,5 g/l). Le calcul du score de Lee aboutit ainsi à un risque de 2 ; l’attitude préconisée suggère le recours à des tests d’effort et/ou à l’introduction d’un traitement cardioprotecteur péri-opératoire. Le recours à un test cardiaque dynamique est suggéré mais non recommandé de manière implicite. Ceci reflète le manque de preuve disponible pour définir une attitude univoque. Une échocardiographie de stress à la dobutamine est réalisée et retrouve des arguments forts pour une ischémie coronaire et ce patient bénéficie donc d’une revascularisation coronaire. Deux prothèses endocoronaires nues sont implantées sur des lésions significatives de la coronaire droite et de l’artère interventriculaire antérieure. Le traitement cardiovasculaire du patient est alors adapté avec l’introduction d’une statine, d’une bi-antiagrégation et d’un bêtabloquant. Le bilan cardiovasculaire retrouve par ailleurs une sténose carotidienne droite asymptomatique de plus de 70 %. Six semaines après la revascularisation coronaire, le patient est donc opéré d’une endartérectomie carotidienne droite sous aspirine. Troisième analyse Douze semaines après la première évaluation du patient, la chirurgie orthopédique est alors reconsidérée. L’analyse des facteurs de risque retrouve un score de Lee à 3 (risque modéré à fort de complications cardiaques postopératoires). Les facteurs de risque sont maintenant bien contrôlés : sevrage tabagique complet, perte de poids, LDL-C < 1,0 g/l, normoglycémie lors des auto-tests et hémoglobine glyquée à 6,7 %. Le risque cardiaque postopératoire apparent de ce patient est beaucoup plus important que celui qui avait été envisagé lors de la première analyse, néanmoins le risque réel prenant en compte le contrôle des facteurs de risque est plus faible. Figure. Prothèse de hanche. Interprétation Le remplacement prothétique de hanche constitue une chirurgie fonctionnelle, pour laquelle aucun bénéfice direct en termes de mortalité n’est attendu. Dans ces conditions, l’élimination d’un risque péri-opératoire vital, même faible, ne devrait pas être soumise à des impératifs de temps. La pratique est toute différente, car la mobilité est limitée et/ou les douleurs impactent très largement le confort de vie des patients. La demande de l’opération est ainsi souvent très forte, y compris en cas de prise de risque péri-opératoire majeur. Dans le cas présent, la première analyse aurait pu aboutir à une estimation erronée du risque cardiaque postopératoire de ce patient sans suivi médical. La recherche plus approfondie de facteurs de risque a permis de rétablir le diagnostic et de modifier la stratégie thérapeutique. Si la stratification pré-opératoire peut apparaître comme simple, son intérêt est très faible en cas de recherche incomplète des facteurs de risque. De plus, l’utilisation systématique de bêtabloquants en péri-opératoire aurait pu conduire à des complications neurologiques postopératoires en rapport avec la sténose carotidienne. L’objectif de l’évaluation pré-opératoire est de définir si le patient est capable d’être soumis à un stress (parfois intense) et non de savoir si ses pathologies chroniques sont stables pour un mode de vie souvent associé à une tolérance réduite à l’effort (voire nulle). La période péri-opératoire est le plus souvent associée à des stress physiologiques modérés, mais dans certaines conditions (rarement prévisibles), ce stress peut être majeur (complications hémorragiques, septiques). Ces complications sont plus ou moins fréquentes en fonction du type de chirurgie, mais la très grande majorité des complications coronaires apparaissent dans ces conditions. Les événements coronaires après une chirurgie pour prothèse de hanche restent fréquents et parfois sévères. La recherche approfondie des facteurs de risque associée à des stratégies pré-opératoires semble d’autant plus importante que ce type de chirurgie est toujours reportable lorsqu’un risque vital est considéré. En pratique Finalement, la stratification pré-opératoire du risque est une phase majeure de la gestion péri-opératoire du coronarien ; son établissement n’est pas uniquement clinique dans certains cas. Les sous-estimations du risque peuvent aboutir à des stratégies de gestion péri-opératoire simplifiées, potentiellement dangereuses. À défaut de recommandations claires sur les indications des épreuves dynamiques chez ce type de patients, le caractère collégial de la stratification semble être le meilleur outil pour aboutir à une stratégie optimale adaptée aux contraintes de chaque patient.

Attention, pour des raisons réglementaires ce site est réservé aux professionnels de santé.

pour voir la suite, inscrivez-vous gratuitement.

Si vous êtes déjà inscrit,
connectez vous :

Si vous n'êtes pas encore inscrit au site,
inscrivez-vous gratuitement :

Version PDF

Articles sur le même thème

  •  
  • 1 sur 48