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Explorations-Imagerie

Publié le 06 avr 2010Lecture 6 min

Quand adopter ou utiliser un nouveau marqueur ?

F. DIEVART, Dunkerque

Ca y est, les études sont là, elles sont concordantes : la valeur de la métalloprotéinase formaldéhydée sanguine de type 4 a été corrélée de façon puissante et indépendante au risque cardiovasculaire. Le risque croît linéairement avec la valeur sanguine de cette substance. Le dosage est disponible, calibré, reproductible, moyennement onéreux. Faut-il l’utiliser pour évaluer le risque d’un patient puisque de nombreux articles et des présentations lors de congrès de renom indiquent toute la valeur du dosage de ce composé ?

La réponse est non pour de multiples raisons dont quelques-unes seront présentées dans cet article.   Une multitude de marqueurs de risque Une des premières raisons est que de multiples paramètres ont été évalués pour lesquels il est apparu qu’ils sont des marqueurs de risque. Parfois puissants, parfois indépendants. Faut-il donc les intégrer tous ? Sinon, lesquels choisir ? Faut-il intégrer chaque nouveau paramètre dont les mérites paraissent importants ?   Une évaluation parfois imparfaite Si de multiples études ont montré qu’un paramètre est un marqueur de risque, souvent cette évaluation est incomplète ou imparfaite. Cette évaluation a pu reposer sur des études aux méthodes non dénuées de biais, comme les études cas-témoins. Ces études peuvent n’avoir été faites que dans certains types de population (Blancs des pays industrialisés, certaines tranches d’âge…) et le caractère universel de ce nouveau marqueur de risque peut n’être ainsi pas encore établi. Cette évaluation a parfois été faite dans le contexte d’une recherche académique avec des médecins experts et la qualité des mesures du marqueur en pratique courante n’est peut-être pas aussi performante. C’est par exemple ce qui est reproché à la mesure de l’épaisseur intima-média avant de pouvoir être utilisée largement.   Surtout : qu’ajoute ce nouveau marqueur aux outils de prédiction du risque disponibles ? En 2009, deux articles sont parus, l’un dans Annals of Internal Medicine (2009 ; 151 : 474-482) ayant pour titre « Utilisation des facteurs de risque non traditionnels pour évaluer le risque coronaire : une recommandation du groupe de travail des services de prévention des Etats-Unis », l’autre dans Circulation (2009 ; 119 : 2408-16), intitulé « Critères pour l’évaluation de nouveaux marqueurs de risque cardiovasculaire. Un avis scientifique de l’American Heart Association ». Ces deux articles par des approches différentes ont apporté une mise à jour de l’état de la question. Ils arrivent à des conclusions similaires : les nouveaux marqueurs de risque cardiovasculaire ne peuvent être utilisés que s’ils répondent à certains critères. Le principal est que l’ajout de ce marqueur à une équation ou un algorithme d’évaluation du risque, comme la grille de Framingham, doit en modifier significativement les résultats. Pour arriver à une telle conclusion, l’article publié dans les Annals of Internal Medicine a eu pour objectif d’évaluer si l’ajout de nouveaux marqueurs à l’évaluation du niveau de risque de patients classés comme à risque intermédiaire d’après l’équation de Framingham les faisait passer à un niveau de risque supérieur. Les marqueurs utilisés ont été la hs-CRP, l’index de pression systolique, le compte des leucocytes, la glycémie à jeun, l’existence d’une maladie périodontale, l’épaisseur intima-média, le score de calcifications coronaires, l’homocystéine et la Lp(a). Les auteurs de cet article sont arrivés à la conclusion qu’il n’y avait pas de données suffisantes pour utiliser ces marqueurs en pratique courante. L’objectif de l’évaluation d’un nouveau marqueur de risque pour une utilisation en prévention primaire est de répondre à la question : Est-ce que ce nouveau marqueur augmente significativement l’information prédictive fournie par les marqueurs de risque traditionnels ? L’article de la revue Circulation a pris l’exemple de l’intégration du HDL à l’algorithme d’évaluation du risque de l’étude de Framingham pour illustrer ses propos. Premier élément : il avait été montré qu’il existe une relation forte, puissante et indépendante entre la valeur du HDL-cholestérol plasmatique et le risque coronarien. En utilisant l’algorithme de prédiction du risque de Framingham dans une population de 3 264 sujets, et sans utiliser le HDL-cholestérol, il avait pu être établi que 66 % des patients avaient un risque cardiovasculaire absolu (RCVA) < 6 %, 30 % avaient un RCVA compris entre 6 et 20 % et 4 % avaient un RCVA > 20 %. En ajoutant le HDL à l’algorithme prédictif, c’est un peu plus de 65 % des patients qui étaient classés comme ayant un RCVA < 6 %, 30 % qui avaient un RCVA compris entre 6 et 20 % et un peu plus de 4 % qui avaient un RCVA > 20 %. À première vue, ajouter le HDL à l’évaluation du risque n’apportait pas grand-chose puisque la segmentation de la population semblait identique. En revanche en deuxième analyse, il a été constaté qu’en fait 12 % des patients de la cohorte avaient changé de groupe de classement : 6 % avaient été classés à un niveau supérieur en utilisant le HDL et 6 % avaient été classés à un niveau inférieur. Si les trois groupes comprenaient un nombre de sujets presqu’identique, ce n’était plus les mêmes sujets dans les divers groupes après intégration du HDL-cholestérol dans l’équation d’évaluation du risque. Un outil statistique, dénommé NRI pour index net de reclassification, a alors montré que les modifications induites par l’intégration du HDL dans l’équation de prédiction du risque étaient significatives. Le HDL a donc été intégré dans la grille d’évaluation du risque. En ajoutant un nouveau critère, le HDL, à l’équation de calcul du risque de Framingham, la prédiction du risque devenait encore plus fiable. De ce fait, la probabilité qu’un nouveau marqueur modifie la classification du risque devient encore plus faible. L’American Heart Association a donc proposé que l’utilisation d’un nouveau marqueur de risque repose sur l’évaluation de son apport à la reclassification du niveau de risque des patients d’une cohorte dont le risque a été évalué par une grille validée et recourant à des marqueurs traditionnels, telle la grille de Framingham. Or, pour de nombreux marqueurs, cette évaluation n’est pas disponible ou, lorsqu’elle a été faite, elle n’a pas modifié sensiblement la classification des patients. Ce marqueur n’est donc pas utile pour évaluer le risque. Enfin, en cas de modification du niveau de risque des patients, l’étape ultérieure est de démontrer que cette reclassification induit une modification bénéfique de la stratégie de prise en charge. Les phases d’évaluation d’un nouveau marqueur de risque et les questions à résoudre. • Preuve du concept : est ce que le niveau du marqueur est différent chez les sujets ayant eu un événement clinique et chez ceux n’en ayant pas eu ? • Validation prospective : est ce que le nouveau marqueur prédit la survenue d’un événement futur dans une étude prospective ou dans une étude cas-témoins bien conduite ? • Valeur additionnelle : est-ce que le nouveau marqueur apporte une information prédictive supplémentaire par rapport aux marqueurs traditionnels ? • Utilité clinique : est-ce que le nouveau marqueur modifie suffisamment le risque prédit pour modifier la stratégie thérapeutique recommandée ? • Pronostic clinique : est-ce que l’utilisation du nouveau marqueur améliore le pronostic clinique, notamment quand il est évalué dans un essai clinique randomisé ? • Coût-efficacité : est-ce que l’utilisation du nouveau marqueur permet d’améliorer suffisamment le pronostic clinique pour justifier le coût additionnel entrainé par sa mesure et le traitement qui s’ensuivra ?   L’utilisation inappropriée   L’utilisation inappropriée d’un marqueur de risque n’est pas sans conséquences. Si elle contribue à modifier l’estimation subjective du niveau de risque et que cette nouvelle estimation n’est pas fiable : - en reclassant de façon inappropriée le patient à un niveau de risque moindre, elle peut conduire à alléger à tort la stratégie préventive. Elle peut aussi contribuer à rassurer à tort un patient qui sera conforté dans d’éventuels comportements à risque ; - en reclassant le patient à un niveau de risque plus élevé, elle peut conduire à une utilisation inappropriée de traitements et exposer à des effets indésirables. Elle peut aussi conduire à inquiéter à tort un patient. Enfin, dans le plus grand nombre de cas, utiliser un nouveau marqueur qui n’influera pas sur la classification du risque augmente inutilement le coût de la prise en charge.   En pratique   Les marqueurs de risque traditionnels sont puissants, simples, faciles à quantifier et peu onéreux. Ils permettent une estimation fiable du risque cardiovasculaire. L’ajout d’un nouveau marqueur à ceux qui ont été découverts dès les débuts de l’étude de Framingham n’apporte le plus souvent pas d’information complémentaire pertinente.

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