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Insuffisance cardiaque

Publié le 20 nov 2007Lecture 8 min

Quand répéter l'échographie dans le suivi de l'insuffisance cardiaque ?

F. POUSSET, R. ISNARD et M. KOMAJDA, Institut du Cœur, hôpital Pitié Salpêtrière, Paris

L’échocardiographie est un examen clé dans la prise en charge de l’insuffisant cardiaque que ce soit au moment du diagnostic de la maladie ou au cours du suivi. C’est un examen non invasif facilement accessible, dont le résultat est immédiatement disponible. Sa place dans le diagnostic de l’insuffisance cardiaque a été définie par les recommandations de la Société européenne de cardiologie et de la Société française de cardiologie(1). L’échocardiographie est la méthode de choix pour documenter une dysfonction cardiaque ; elle va permettre d’identifier l’insuffisant cardiaque à fonction systolique préservée et l’insuffisant cardiaque à fonction systolique altérée. L’échocardiographie peut être facilement répétée mais la fréquence de réalisation de cet examen au cours du suivi d’un patient insuffisant cardiaque n’est pas bien codifiée.

La filiale d’échocardiographie de la Société française de cardiologie a émis des recommandations qui sont résumées dans le tableau 1, mais les recommandations européennes sont plus restrictives : l’échocardiographie ne doit être répétée que lors d’une modification importante du statut clinique du patient. En pratique, la répétition de l’échocardiographie va s’adapter au type d’insuffisance cardiaque et au cours évolutif de la maladie sous traitement. L’insuffisant cardiaque avec fonction systolique altérée   Quels éléments doit apporter l’échocardiographie ? Au cours du suivi sont étudiés à l’échocardiographie les mêmes éléments qu’au moment du diagnostic. L’examen peut être long car il doit recueillir tous les paramètres nécessaires à l’évaluation morphologique et hémodynamique (tableau 2). Figure 1. Cardiomyopathie dilatée avec dilatation ventriculaire : vue parasternale grand axe. La fonction systolique du VG sera appréciée en incidences apicale 4 cavités et apicale 2 cavités par la méthode de Simpson Biplan avec calcul de la fraction d’éjection. Il ne faut pas hésiter à faire plusieurs mesures. On peut s’aider de produit de contraste ultrasonore afin d’améliorer la qualité de la définition des contours de l’endocarde si nécessaire. La fraction d’éjection mesurée en mode TM est imprécise surtout pour les ventricules avec déformation sphérique ou anomalies de la cinétique segmentaire. Figure 2. Flux mitral restrictif témoignant chez ce patient présentent une CMD de pressions de remplissage élevées. Figure 3. VTI sous-aortique avec aspect de bas débit transaortique. La taille du cœur : le mode TM et la voie parasternale grand axe permettront d’apprécier la dilatation ventriculaire ; le VG est dilaté si le DTD (diamètre télédiastolique) est supérieur à 32 mm/m2. Si le VG est très déformé, on se contentera d’une mesure bidimensionnelle du DTD. Le débit systémique est mesuré à partir de la VTI sous-aortique et du diamètre de la chambre de chasse du VG. Pour le suivi, on peut s’affranchir de la variabilité induite par la mesure du diamètre de la chambre de chasse en comparant les VTI sous-aortiques. L’estimation des pressions de remplissage ventriculaires gauches se fait en comparant le flux transmitral, le flux veineux pulmonaire et le Doppler tissulaire à l’anneau. En rythme sinusal, on peut retenir en faveur de pressions de remplissage élevées : - un flux mitral restrictif (E/A > 2 et le temps de décélération de l’onde E court (<130-150 ms), - en cas de flux mitral normalisé le rapport E/Ea >15 (avec E : vitesse de l’onde E du flux mitral et Ea : vitesse de l’onde Ea mesurée en Doppler tissulaire à l’anneau mitral), - lorsque la durée de l’onde A du flux pulmonaire dépasse de plus de 20 ms la durée de l’onde A du flux mitral. Les pressions pulmonaires sont évaluées à partir du flux d’insuffisance tricuspide et/ou du flux de l’insuffisance pulmonaire. La pression de l’OD est évaluée soit empiriquement (5 ou 10 mmHg chez le sujet normal) soit en tenant compte du diamètre de la veine cave inférieure. Le diamètre de la VCI dépend de la POD mais aussi de la volémie, c’est donc un indice très utile pour guider la thérapeutique (hypervolémie si VCI > 11,5 mm/m2). Le ventricule droit doit être regardé attentivement, son atteinte est importante pour évaluer le pronostic : il faut préciser la taille du VD par rapport à celle du VG, la contractilité du VD visuellement et par mesure du TAPSE et du pic systolique en DTI pulsé au niveau de la paroi libre. On peut estimer la fraction d’éjection du VD par une fraction de raccourcissement de surface. L’insuffisance mitrale (IM) doit être recherchée systématiquement et quantifiée (PISA, fraction de régurgitation) ; il faut se rappeler que l’IM peut varier en fonction des conditions de charge. L’étude des autres valvulopathies et du péricarde sera systématique, l’étude de l’épaisseur des parois et de la cinétique segmentaire oriente vers une étiologie. De plus, si la pose d’un pacemaker biventriculaire est envisagée, l’étude de l’asynchronisme devra faire partie de l’examen, ce qui rallongera le temps de l’examen. Figure 4. Vue apicale 4 cavités : CMD avec déformation sphérique du VG. Figure 5. Doppler tissulaire à l’anneau mitral : vitesse de l’Onde Ea. Suivi échographique La fréquence des échographies chez un patient insuffisant cardiaque varie en fonction du temps. La première année suivant le diagnostic de la maladie est essentielle, la prise en charge et le pronostic vont être conditionnés par la réponse du cœur au traitement médicamenteux institué. Ainsi, la répétition des échocardiographies au cours de cette période dépend de l’évolution sous traitement. Les 6 premiers mois En cas de réponse favorable au traitement avec disparition des signes congestifs sous traitement médicamenteux (diurétiques et régime sans sel, inhibiteurs de l’enzyme de conversion, bêtabloquants), on peut proposer une évaluation tous les 2 à 3 mois. En cas d’aggravation hémodynamique ou d’absence d’amélioration sous traitement, l’échographie sera facilement répétée pour l’évaluation hémodynamique (pressions de remplissage, débit cardiaque et pressions pulmonaires). En fonction de cette évaluation hémodynamique, mais aussi de l’examen clinique et du bilan biologique, on tentera d’adapter au mieux le traitement médicamenteux. S’il y a discordance entre aggravation clinique et évaluation hémodynamique échocardiographique on peut s’aider d’un dosage biologique de BNP. Si l’amélioration clinique est souvent spectaculaire pour le patient avec disparition des signes congestifs, il ne faut pas rechercher trop tôt une amélioration de la fraction d’éjection, au risque d’être déçu. Une variation rapide de la fraction d’éjection ne se voit que dans certaines étiologies et en particulier dans les myocardites. 6 mois après la première poussée le bilan doit être systématique À 6 mois sous traitement médicamenteux stable, quand les doses de bêtabloquants et d’inhibiteurs de l’enzyme de conversion ont pu être augmentées, il est très important de réaliser une évaluation échographique complète, que l’on couplera si possible à une évaluation de la capacité d’effort du patient. Il est très fréquent d’observer une diminution de la dilatation ventriculaire et une amélioration significative de la faction d’éjection après quelques mois de traitement. C’est pourquoi, il faut parfois savoir attendre après la première poussée d’insuffisance cardiaque et réévaluer la fraction d’éjection du VG après 4-6 mois de traitement pour poser l’indication d’implantation d’un défibrillateur. En effet, un patient éligible initialement sur la seule altération de la fraction d’éjection échographique peut avoir, 6 mois après, une FE nettement supérieure au seuil admis d’implantation. À 1 an Ce bilan complet comprenant une échocardiographie et une évaluation de la capacité d’effort sera de nouveau réalisé. On peut alors constater une amélioration sensible de la fraction d’éjection et de la dilatation ventriculaire. Après la première année Si l’évaluation est stable que ce soit au niveau des symptômes, de la capacité d’effort et de l’échocardiographie, le suivi échocardiographique s’adaptera à la gravité de la maladie. Chez les patients en stade III de la NYHA mais stables, ou en cas de dysfonction systolique sévère avec une fraction d’éjection < 25 % en stade 2, une échographie tous les 6 mois semble raisonnable. Chez les patients stables depuis 1 an en stade I et II de la NYHA, si la FE est > 35-40 %, on peut se contenter d’une échographie par an. Mais il ne faut jamais hésiter à refaire une échocardiographie chaque fois que le malade va moins bien. De même, chez les patients porteurs d’un pacemaker biventriculaire, en cas d’aggravation des symptômes, on peut être amené à faire une échocardiographie pour optimiser le réglage du pacemaker avec réglage du délai auriculo-ventriculaire en s’aidant du flux de remplissage mitral, mais aussi réglage du délai entre le ventricule droit et le ventricule gauche, beaucoup moins bien codifié.   Insuffisance cardiaque à fonction systolique préservée L’insuffisance cardiaque à fonction systolique préservée serait responsable de 30 à 50 % des insuffisances cardiaques. Sa prévalence augmente avec l’âge et a considérablement augmenté ces dernières années. Selon les recommandations américaines, le diagnostic doit être évoqué devant l’association des symptômes cliniques d’insuffisance cardiaque et d’une fraction d’éjection du ventricule gauche > 45 % avec un ventricule gauche de taille normale ; il serait plus juste de parler « d’insuffisance cardiaque à fraction d’éjection préservée ». À l’échocardiographie, on recherchera des modifications structurelles du cœur, compatibles avec le diagnostic : une dilation de l’oreillette gauche, une hypertrophie ventriculaire gauche (présente chez plus de 50 % des patients). Selon les recommandations européennes, une anomalie de la fonction diastolique du ventricule gauche doit également être présente pour poser le diagnostic d’insuffisance cardiaque à fonction systolique préservée. Mais les critères échographiques pour affirmer une anomalie de la fonction diastolique restent discutés. Les meilleurs critères en faveur d’une élévation des pressions de remplissage semblent être en rythme sinusal comme dans les dysfonctions systoliques : - le rapport E/Ea (avec E : vitesse de l’onde E du flux mitral et Ea : vitesse de l’onde Ea mesurée en Doppler tissulaire à l’anneau mitral), - la différence entre la durée de l’onde A du flux veineux pulmonaire et la durée de l’onde a du flux mitral. L’échographie permettra d’éliminer d’autres pathologies pouvant être responsables du tableau clinique : valvulopathies gauches sévères, péricardite constrictive, cœur pulmonaire chronique, certaines cardiopathies congénitales. Contrairement à l’insuffisance cardiaque à fraction d’éjection altérée, le traitement et la prise en charge de l’insuffisance cardiaque à fraction d’éjection conservée ne sont pas standardisés. Pour le suivi échographique on peut conseiller, en cas d’amélioration clinique du patient, de refaire une échographie à 6 mois, puis à 1 an. Si la fraction d’éjection reste limite, < 50 %, il est bien de refaire un contrôle échocardiographique annuel. Si la fraction d’éjection est > 55 % et stable, il ne semble pas nécessaire de refaire l’examen. En cas de nouvelle poussée d’insuffisance cardiaque, on répétera l’échocardiographie. Si la fraction d’éjection reste stable, on va essentiellement évaluer les pressions de remplissage du ventricule gauche et essayer d’adapter au mieux le traitement. Dans ces cas, le BNP peut aussi être d’une grande utilité. Il faudra surtout s’attacher à rechercher les facteurs déclenchants de cette nouvelle poussée comme les tachyarythmies supraventriculaires, les poussées hypertensives et les souffrances myocardiques d’origine ischémique.

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