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Coronaires

Publié le 20 nov 2007Lecture 8 min

Qu'apporte l'épreuve d'effort systématique après l'infarctus du myocarde ?

P. SELLIER, hôpital Broussais, Paris

Les suites d’un infarctus du myocarde peuvent être marquées par des complications dont la fréquence est prédominante au cours de la 1re année : récidives d’infarctus du myocarde, angor résiduel pouvant nécessiter des gestes de revascularisation myocardique, insuffisance cardiaque, troubles du rythme ou décès. Ces complications sont plus fréquentes dans certains groupes de patients, ceux qui sont à haut risque parce qu’ils ont des éléments de mauvais pronostic : dysfonction ventriculaire (liée à la taille de l’infarctus), étendue des lésions coronaires (et risque d’ischémie résiduelle), troubles du rythme ventriculaire (souvent liés à la dysfonction ventriculaire).

    Les premiers travaux consacrés à la détection des patients à haut risque (justifiant des investigations complémentaires et des traitements lourds) datent des années 70. Théroux(1) montrait que l’épreuve d’effort avait dans ce contexte une place essentielle, en mettant en évidence que le taux de complications ultérieures (mort subite ou récidive) était près de 20 fois plus important chez les patients ayant une épreuve d’effort positive après infarctus par rapport à ceux chez qui elle était négative. À partir de cette date, l’épreuve d’effort est entrée dans les habitudes des cardiologues pour stratifier le risque après infarctus du myocarde, adapter la thérapeutique et décider des explorations complémentaires. De très nombreux travaux(2) ont été élaborés pour déterminer quelles étaient les anomalies de l’épreuve d’effort qui s’accompagnent d’un surcroît de risque. Plus récemment, la pratique de la coronarographie quasi systématique lors de la survenue d’un infarctus du myocarde a retiré une partie du rôle « filtre » qui caractérisait l’épreuve d’effort, en montrant d’emblée les lésions anatomiques coronaires. L’échographie est devenue l’examen de routine pour apprécier la fonction ventriculaire et le pronostic. Cependant, l’épreuve d’effort est restée un examen de référence parmi les explorations non invasives à faire précocement après infarctus du myocarde pour compléter les données anatomiques de la coronarographie et évaluer le retentissement fonctionnel des lésions coronaires. Dans le contexte économique actuel difficile, cette exploration simple, peu coûteuse mais qui peut donner beaucoup d’informations, reste très utile, notamment pour déterminer les pa-tients à bas risque chez lesquels l’approche peut être plus légère. De plus, l’épreuve d’effort guide le programme de réadaptation cardiaque et les possibilités de réinsertion professionnelle. Pour toutes ces raisons, l’épreuve d’effort après infarctus du myocarde est proposée par la plupart des recommandations concernant la pratique des épreuves, que ce soit au niveau américain ou français(3,4).   Objectif de l’EE précoce après IDM Les objectifs principaux pour lesquels l’épreuve d’effort est proposée dans les suites d’un infarctus du myocarde sont au nombre de trois : - la stratification du risque et l’adaptation du traitement, y compris les explorations complémentaires, - la détermination de la capacité fonctionnelle avant réadaptation cardiaque, - l’évaluation des possibilités de réinsertion sociale. Stratification du risque et adaptation thérapeutique Il a été montré depuis longtemps que l’épreuve d’effort donne des informations intéressantes concernant les trois axes du pronostic après infarctus du myocarde, l’ischémie résiduelle, l’instabilité électrique et, de façon plus accessoire, la dysfonction ventriculaire (figure). Modalités L’épreuve d’effort est habituellement faite 7 à 15 jours après l’infarctus. L’intérêt de la faire tôt est de pouvoir la pratiquer avant la sortie du patient. L’intérêt de la faire plus tard est d’avoir un niveau d’effort plus important et donc une valeur prédictive supérieure. Il s’agit habituellement de tests sous-maximaux limités par les symptômes ou limités en fréquence cardiaque (par exemple, 85 % de la fréquence maximale théorique). La pratique de cette épreuve, avec ou sans traitement antiangineux, a fait l’objet de débats sans fin. L’épreuve d’effort « démaquillée » après arrêt des médicaments antiangineux (notamment des bêtabloquants) a l’avantage de pouvoir donner plus d’informations sur l’état fonctionnel coronaire du patient et d’avoir une valeur prédictive d’événements cardiaques ultérieurs supérieure. En revanche, l’arrêt des traitements antiangineux n’est pas toujours anodin, risquant de décompenser le patient sur le plan angineux ou rythmique. Les anomalies à détecter Les anomalies que l’épreuve d’effort doit s’attacher à détecter sont, d’abord, la positivité, sous forme d’un sous-décalage ST horizontal ou descendant d’au moins 1 mm par rapport la ligne de base, accompagné ou non d’une douleur angineuse (inconstante). Il peut aussi s’agir d’anomalies du profil tensionnel sous forme d’une chute de pression artérielle à l’effort, voire d’une absence de montée. Elles sont plus difficiles à apprécier lorsque les patients sont sous traitement bêtabloquant. Elles sont liées à la dysfonction ventriculaire. La recherche de troubles du rythme ventriculaire induits par l’effort est un élément important. Ils sont souvent liés à la dysfonction ventriculaire. La durée de l’épreuve d’effort est un paramètre pronostique essentiel mais qui ne peut être interprété que si le protocole de l’épreuve d’effort est standardisé. La valeur seuil dépend du protocole d’effort utilisé. Enfin, de façon plus accessoire, signalons le sus-décalage du segment ST (très rare), l’incompétence chronotropique (sans traitement bêtabloquant), etc. Contre-indications à l’épreuve d’effort Les contre-indications classiques (tableau 1) sont l’insuffisance cardiaque, les troubles du rythme ventriculaire ou l’angor instable lorsqu’ils sont non contrôlés par le traitement. L’insuffisance cardiaque stabilisée est devenue au fil des années une indication supplémentaire à faire une épreuve d’effort avec mesure des échanges gazeux pour mieux apprécier le pronostic. Figure. Évaluation du pronostic après infarctus du myocarde. L’épreuve d’effort fait partie des examens servant à évaluer celui-ci dans les 3 domaines essentiels : la fonction ventriculaire gauche, l’ischémie résiduelle et l’instabilité électrique. L’infarctus du myocarde massif, l’existence d’un anévrisme ventriculaire volumineux, notamment s’il existe un thrombus intracardiaque, constituent encore des contre-indications qu’il faut respecter. L’invalidité du patient est parfois un obstacle. Le refus de celui-ci est une raison absolue de ne pas faire l’épreuve d’effort. Enfin, l’âge ne constitue qu’une contre-indication relative, en se basant surtout sur l’âge physiologique. Valeur pronostique des paramètres de l’épreuve d’effort Tout d’abord, plusieurs études ont montré que le pronostic ultérieur est beaucoup plus sévère chez les patients qui n’ont pas pu pratiquer une épreuve d’effort après l’infarctus du myocarde(5). La métaanalyse de Shaw(2) portant sur 54 essais pratiqués dans les années 1980 à 1985 et près de 20 000 patients, a montré que quatre paramètres de l’épreuve d’effort ont une valeur pronostique : le sous-décalage du segment ST, un profil tensionnel anormal à l’effort, une durée d’exercice limitée, la survenue d’une douleur thoracique. L’anomalie du profil tensionnel d’effort (absence ou faible montée) est un élément de mauvais pronostic s’accompagnant d’un risque relatif de décès ultérieur de 4. Il faut noter que ces paramètres ont une valeur prédictive positive faible de l’ordre de 10 %, mais une valeur prédictive négative élevée, aux alentours de 95 %. L’étude de Villela(6), basée sur la population de GISSI-2 est plus récente. Elle confirme la valeur pronostique de la positivité de l’épreuve d’effort avec un risque relatif de 1,9. Elle confirme que l’épreuve d’effort reste un examen utile pour déterminer le pronostic des patients, même à l’heure de l’angioplastie et de la thrombolyse. La valeur pronostique de la présence d’extrasystoles ventriculaires induites par l’effort reste cependant plus discutée. Le tableau 2 montre clairement un risque relatif assez faible de mortalité lorsqu’il y a des extrasystoles induites par l’effort. De plus, peu d’études sont significatives. L’incompétence chronotrope est également prédictive de mortalité et d’événements cardiaques ultérieurs, même lorsqu’on tient compte de la fonction ventriculaire. L’épreuve d’effort après infarctus du myocarde et angioplastie récente Les quelques travaux consacrés à ce sujet ont montré que la sensibilité de l’épreuve d’effort pour détecter une resténose est faible(7). Certains ont même mis en doute sa spécificité. En revanche, il ne semble plus y avoir de débats concernant les risques de l’épreuve d’effort précoce, qui avait été accusée à tort de favoriser les thromboses intrastent(8). Risques de l’épreuve d’effort L’étude de Gibbons(9) portant sur plus de 70 000 patients a montré que le taux de complications était faible (0,8 pour 10 000 tests) et que la récupération était la période la plus dangereuse. Plus récemment, Pavy(10) a montré en France sur plus de 25 000 patients et plus de 42 000 épreuves d’effort que le taux d’événements est très faible (1 pour 8 484 patients). Détermination de la capacité fonctionnelle et évaluation du niveau de réadaptation L’épreuve d’effort faite après infarctus du myocarde a l’avantage majeur de permettre au patient d’apprécier immédiatement ce qu’il peut faire en termes d’activité physique. Lorsque ce patient participe à un programme de réadaptation, l’épreuve d’effort est absolument nécessaire pour déterminer le niveau de réentraînement, basé sur la fréquence cardiaque obtenue à l’effort, en utilisant classiquement la méthode de Karvonen(11). Lorsque l’épreuve d’effort est couplée à une mesure des gaz échangés, on utilise très souvent le seuil anaérobie comme niveau d’entraînement. Évaluation des possibilités de réinsertion sociale De nombreux travaux ont montré qu’il y a une relation entre le niveau d’effort précoce et le pourcentage de patients retravaillant après infarctus du myocarde. L’étude de Varaillac(12) a montré qu’il y a une différence significative de niveau d’effort entre ceux qui ont repris leur travail et ceux qui ne l’ont pas fait à distance de l’infarctus. Cependant, cette différence est relativement faible et pas toujours discriminante pour un patient donné.   En pratique   L’épreuve d’effort reste une exploration non invasive essentielle après infarctus du myocarde pour détecter à la fois les patients à haut risque, nécessitant des explorations lourdes et des traitements plus importants, et les patients à bas risque chez lesquels l’approche peut être plus légère. Les paramètres de l’épreuve d’effort qui sont utiles pour stratifier le risque sont le sous-décalage du segment ST, le profil de pression artérielle anormal à l’effort et une durée d’effort faible. Les troubles du rythme ventriculaire ont une valeur pronostique plus discutée. Par ailleurs, l’épreuve d’effort est indispensable pour permettre la pratique d’un programme de réadaptation cardiaque. Dans la mesure où ce programme devrait être pratiqué presque systématiquement après infarctus du myocarde, le champ de l’application de l’épreuve d’effort est donc très large. Enfin, elle permet d’apprécier les possibilités de réinsertion professionnelle.

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