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Rythmologie et rythmo interventionnelle

Publié le 07 juin 2011Lecture 10 min

Que faire devant des palpitations de l'enfant ?

A. MALTRET, Necker-Enfants Malades, Paris et J. LACOTTE, Institut Cardiovasculaire Paris Sud, Massy

Les palpitations sont, avec les malaises, un motif fréquent de consultation en cardiologie pédiatrique. Comme chez l'adulte, l'interrogatoire occupe une place centrale dans la consultation, interrogatoire qui s'adressera aux parents mais aussi et surtout, à l'enfant. Les parents pourront renseigner les antécédents familiaux, mais c'est à l'enfant de décrire ses symptômes, guidé par des questions adaptées à son niveau de langage.

Le motif de consultation est-il toujours clairement formulé ?   Selon son âge, l'enfant formulera plus ou moins clairement ses symptômes. La plainte fonctionnelle peut être plus vague: maux de ventre, gêne thoracique, lipothymie, difficulté respiratoire. La description des palpitations n'est qu'au deuxième plan. Il arrive aussi que la consultation soit motivée par un parent qui a constaté un rythme cardiaque rapide à la palpation du thorax de son enfant. Le plus souvent cette observation est faite au décours d'un effort ou d'un épisode fébrile. Les parents peuvent être alors rapidement rassurés sans que ne soit réalisé d'investigations complémentaires. Si ces épisodes surviennent au repos, il peut s'agir de véritables accès de tachycardie, en général d'origine supraventriculaire.   Comment mener l'interrogatoire d'un enfant ?   L'interrogatoire reste primordial même s'il est plus ou moins facile selon le niveau de développement du langage de l'enfant. Généralement, à partir de la grande section de maternelle ou du CP, les questions concernant les circonstances de survenue, le mode de début et de fin, la durée et la périodicité peuvent être renseignées. Cet interrogatoire doit être patient et bienveillant. Les questions devront être formulées dans un lexique adapté à l'âge de l'enfant. Par exemple, pour que l'enfant puisse exprimer le mode de début et fin brusques, on peut s'appuyer sur des schémas en« créneau », ou au contraire « en pente douce» pour un début et fin progressifs.   Il est cependant très fréquent que l'enfant, même en cas de tachycardie jonctionnelle documentée, ne soit pas capable de décrire la fin brusque des palpitations, peut-être « lissée» par la tachycardie sinusale réactionnelle à l'épisode.   Plutôt que de demander « combien de fois par mois tu ressens des palpitations ?» on demandera volontiers « combien de fois depuis le début de la rentrée scolaire ou les dernières vacances ?». Les parents peuvent également être d'une aide précieuse, si tant est qu'ils ne monopolisent pas la parole et qu'ils ne répondent pas à la place de leur enfant aux questions qui lui sont directement posées. Ils pourront préciser l'ancienneté de la plainte, mais aussi les antécédents familiaux ou personnels. Le contexte familial et scolaire devra être renseigné afin d'essayer de cerner la personnalité de l'enfant ou de l'adolescent. En effet, les adolescents anxieux se plaignent volontiers d'éréthisme cardiaque au stress, voire à l'effort. L'interrogatoire permet généralement de rectifier le diagnostic.   L'examen physique est-il contributif ?   Rarement, sauf si l'auscultation retrouve des bruits du coeur irréguliers et/ou rapides. Des troubles du rythme sont, certes, décrits dans de nombreux syndromes génétiques (syndrome de Noonan, sclérose tubéreuse de Bourneville, etc.), mais l'arythmie n'est qu'exceptionnellement le point d'appel diagnostique.   Que peut-on attendre de l'ECG intercritique ?   Le plus souvent l'ECG de consultation n'est pas contributif, sauf s'il enregistre l'arythmie. L'anomalie la plus fréquemment découverte sur des palpitations est le syndrome de Wolf-Parkinson-White (WFW).   Rappelons que les ondes T négatives dans les dérivations droites, le bloc de branche droit incomplet ou la surélévation du point J peuvent être normales chez l'enfant. Contrairement au syndrome de Brugada, le segment ST revient à la ligne iso-électrique en VI. En cas de doute, pour un trouble du rythme héréditaire, l'ECG des parents, voire de la fratrie, doit être enregistré lors de la consultation (figure 1).    Figure 1. Aspect normal de l’ECG pédiatrique ou syndrome de Brugada ? Les tests pharmacologiques peuvent être nécessaires en cas d’antécédents rythmiques personnel ou familial. NB : Test à la flécaïne normal chez cette patiente de 8 ans. L'échographie cardiaque a-t-elle une place dans la consultation pour palpitations ?   L'échographie cardiaque a deux objectifs : • s'assurer de la normalité de l'architecture cardiaque. Là encore, les troubles du rythme et les palpitations de l'enfant ne sont pas un mode de révélation habituel de malformation cardiaque méconnue. L'échographie cardiaque peut malgré tout permettre le diagnostic d'une association fortuite avec une malformation congénitale (communication interatriale, anomalie de naissance des coronaires, etc.). Un syndrome de préexcitation à l'ECG doit faire rechercher une malformation d'Ebstein ; • vérifier la bonne contractilité du ventricule gauche, une altération de la FEVG pouvant être secondaire à une tachycardie atriale ectopique mais aussi une extrasystolie ventriculaire incessante.   Quels sont les examens biologiques nécessaires ?   Aucun en première intention. Le bilan thyroïdien ne se justifie que si les investigations ont montré un rythme sinusal moyen anormalement élevé pour l'âge. La recherche de catécholamine urinaire est très exceptionnelle.   Quels sont les outils à mettre en oeuvre pour obtenir un ECG percritique ? Ils sont nombreux et dépendent des facteurs déclenchants et de la fréquence des symptômes : • épreuve d'effort si palpitations d'effort ou symptomatologie de gêne thoracique associée ; • Holter ECG des 24 heures pour des symptômes quotidiens ; • Holter ECG sur plusieurs jours, voire une semaine pour des symptômes hebdomadaires (figure 2).    Figure 2. Accès de tachycardie supra-ventriculaire au Holter-ECG de longue durée (A) en rapport avec un foyer ectopique atrial (B).   Les Holters doivent s'accompagner d'une « feuille de rythme» sur laquelle le patient ou ses parents consigneront les symptômes et leurs heures de survenue. Un Holter normal sans symptôme n'a bien évidemment pas la même signification qu'un Holter normal avec symptôme. • enregistreur à transmission téléphonique pour des symptômes mensuels (figure 3) ; • certificat médical à remettre aux parents si les palpitations sont très sporadiques mais durent suffisamment longtemps pour être enregistrées dans un service d'urgence proche du domicile.    Figure 3. Fin brutale d’un rythme réciproque avec aberration de conduction, tracé obtenu par enregistreur à transmission téléphonique.  Si, malgré ses différents outils, les palpitations n'ont pu être documentées, quels éléments dans l'anamnèse doit inciter à la poursuite des investigations ?   La survenue à l'effort des palpitations, leur association avec une perte de connaissance ou des antécédents de mort subite familiale ou encore la suspicion d'une canalopathie (Brugada, QT long ou court, repolarisation précoce) imposent la réalisation d'examens plus « invasifs», dont la liste suivante n'est pas exhaustive et dépendra de la suspicion diagnostique : • test à l'isoprénaline si le test d'effort n'est pas contributif ; • IRM cardiaque et potentiels tardifs en cas de suspicion de dysplasie arythmogène du VD ; • enregistreur implantable si les palpitations s'accompagnent de perte de connaissance et que le bilan de première intention (Holter, échographie, etc.) reste non contributif ; • test pharmacologique (ajmalinelflécaïnide) pour infirmer ou certifier la présence d'une canalopathie ; • tests génétiques, dont les délais de réalisation (au moins 6 mois) ne permettent pas d'en faire un examen de débrouillage ou d'évaluation initiale.   Quelles sont les étiologies des palpitations de l'enfant ?   Elles sont globalement les mêmes que chez l'adulte. Les particularités pédiatriques sont les suivantes : • la tachycardie jonctionnelle est une cause fréquente. Son substrat diffère selon l'âge. En effet, les réentrées intranodales sont rares avant la puberté, contrairement aux rythmes réciproques ; • le flutter atrial est exceptionnel sur une oreillette saine en dehors de la période néonatale. Il s'agit volontiers d'un flutter cicatriciel survenant à distance de la cure de malformation cardiaque congénitale ; • la fibrillation atriale est rare pendant la période pédiatrique en dehors du syndrome de WPW, des cicatrices atriales complexes (intervention de Senning) ou d'une canalopathie rarissime ; • la tachycardie ventriculaire fasciculaire gauche, dont l'aspect ECG est stéréotypé (retard droit, axe gauche, dissociation VA) mais confondant avec une tachycardie supraventriculaire car les QRS sont peu élargis (figure 4) ; • les causes psychosomatiques de palpitations de l'enfant ne sont pas rares. Comme l'éréthisme cardiaque, elles concernent des enfants anxieux. Les symptômes débutent généralement après un stress (annonce du redoublement, événement familial, etc.). Les investigations doivent être minimales (Holter-ECG des 24 heures) pour ne pas « alimenter» l'anxiété familiale. Le temps nécessaire, entre « psycho» et« rythmo », doit être pris en consultation pour comprendre et expliquer l'origine des symptômes. Ceux-ci s'amendent après avoir rassuré les parents et le patient.    Figure 4. QRS peu élargis de la tachycardie ventriculaire fasciculaire. Diagnostic positif sur l’aspect de retard droit, axe gauche en dissociation auriculo-ventriculaire. Quels sont les antiarythmiques utilisables en pédiatrie ?   En l'absence d'essai clinique bien conduit, le choix de la classe médicamenteuse et de la molécule est variable d'un praticien à l'autre pour une même arythmie.   • L'amiodarone est facile d'utilisation chez le petit enfant. Les effets secondaires sont rares. La dose de charge est de 500 mg/m2/j per os pendant 5 à 7 jours, la dose d'entretien de 250 mg/m2/j en une prise par jour. • Parmi les bêtabloquants, le propranolol est utilisé chez l'enfant en bas âge à la posologie de 3 mg/kg/j per os. L'acébutolol a une présentation pédiatrique (solution buvable de 40 mg/ml). La posologie est de 10 mg/kg/j en 2 prises. Le nadolol peut être utilisé chez l'enfant à la dose de 25 à 50 mg/m2 en 2 prises par jour. Le sotalol semble être une bonne molécule en relais de l'amiodarone quand l'enfant grandit (100 à 200 mg/m2 en 2 prises par jour). • La posologie de la flécaïnide est de 4 mg/kglj. Son indication est le syndrome de WPW lorsque l'ablation n'est pas encore possible. • Les inhibiteurs calciques sont contre-indiqués avant 2 ans en raison de leur effet inotrope négatif.   Quelques situations à savoir gérer   • Le WPW symptomatique : la prise en charge dépend de l'âge et de la fréquence des symptômes. Chez un enfant en bas âge, qui exprime difficilement ses symptômes, l'attitude consiste à prévenir les récidives de tachycardie jonctionnelle par un traitement au long cours, le plus souvent par des bêtabloquants ou l'amiodarone.   En cas de symptômes très sporadiques, l'attitude peut se résumer à une prise de bêtabloquant en cas de crise.   Symptomatique ou non, la fibrillation atriale sur WPW est exceptionnelle chez l'enfant avant 10 ans, la perméabilité antérograde du Kent ne sera donc systématiquement testée qu'à l'entrée au collège, plus tôt chez les enfants très sportifs. Dans environ un tiers des cas, l'épreuve d'effort permet de conclure à la bénignité de la voie accessoire (figure 5). Pour les autres, la perméabilité antérograde sera testée par stimulation œsophagienne ou endocavitaire. L'indication d'ablation sera retenue si le faisceau de Kent est malin (période réfractaire < 250 ms au repos ou < 200 ms à l'effort ou sous isuprel) ou si le patient reste très symptomatique malgré le traitement.    Figure 5. Affinement « d’un battement à l’autre » du QRS à l’épreuve d’effort.   • Les extrasystoles ventriculaires sur coeur sain : dans la grande majorité des cas, il s'agit d'une extrasystolie ou de salves non soutenues d'origine infundibulaire. Leur caractère bénin sera retenu si elles se raréfient ou disparaissent avec l'accélération de la fréquence cardiaque (épreuve d'effort sinon Holter avec période d'activité physique) (figure 6). Dans le cas contraire, les investigations devront être poursuivies surtout pour éliminer une DVDA (IRM, potentiels tardifs). Les troubles du rythme de la tachycardie ventriculaire catécholergique suivent une séquence stéréotypée au cours de l'effort. À partir de 130 bpm apparaissent des ESV monomorphes isolées, qui deviennent de plus en plus nombreuses et polymorphes à mesure que la fréquence cardiaque augmente. Enfin, si l'effort se poursuit, le trouble du rythme prend un aspect de tachycardie ventriculaire bidirectionnelle puis polymorphe (figure 7). Le diagnostic doit être suspecté devant des malaises avec perte de connaissance à l'effort. Les convulsions anoxiques secondaires au trouble du rythme font souvent poser, à tort, le diagnostic d'épilepsie. • Les canalopathies de révélation pédiatrique se manifestent plus par des malaises et syncopes que par des palpitations.   Figure 6. Accès d’ESV et de TV provenant de l’infundibulum pulmonaire (A). Au Holter, disparition du trouble du rythme ventriculaire à l’accélération de la fréquence cardiaque (B). Figure 7. Holter lors d’un bilan de mort subite récupérée : ESV bidirectionnelle typique de tachycardie ventriculaire catécholergique (confirmé génétiquement). Quelle place pour l'exploration endocavitaire et l'ablation ?   L'exploration endocavitaire n'a d'intérêt que pour préciser le mécanisme du trouble du rythme, préambule à toute ablation. On ne la proposera donc jamais à titre diagnostique pour élucider des palpitations non enregistrées, sauf cas exceptionnel faisant craindre un trouble du rythme malin.   Les indications d'ablation, au-delà de l5 à 20 kg, ne sont pas différentes de celles de l'adulte. Cette option sera d'autant plus facilement proposée que l'enfant a une corpulence s'approchant de celle de l'adulte. Le taux de complications est, en effet, lié au poids et à la taille du patient mais aussi à l'expérience de l'opérateur. Cependant, ces limites sont théoriques et à reconsidérer au cas par cas. On peut, en effet, être amené à proposer une ablation chez de très petits enfants, voire des nouveau-nés, dont l'arythmie engage le pronostic vital, en l'absence d'alternative thérapeutique.   La cryoablation est une alternative intéressante chez l'enfant, notamment pour les voies lentes et les voies accessoires parahissiennes. Cependant les contraintes liées à la taille et la rigidité du cathéter dédié rendent son maniement difficile dans un coeur de petite taille. Il faut également garder en mémoire que la taille de la lésion de cryoablation est de 7 mm, ce qui est la taille du triangle de Koch avant 35 kg. L'ablation de la voie lente par cette technique n'est donc pas retenue avant 35 kg.   En pratique   La prise en charge des palpitations de l'enfant diffère peu de celle de l'adulte. L'interrogatoire et l'ECG percritique restent la base du diagnostic. Les outils thérapeutiques sont les mêmes avec une place croissante de l'ablation, notamment pour le Wolf-Parkinson-White après 10 ans. Les troubles du rythme des cardiopathies congénitales opérées dans l'enfance se révèlent généralement à l'âge adulte. Leur prise en charge et leur ablation sont souvent complexes et demandent une proche collaboration entre le cardiopédiatre ou le cardiologue congénitaliste et le rythmologue.

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