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Coronaires

Publié le 15 nov 2005Lecture 19 min

Quelle activité physique conseiller à un coronarien ?

T. LAPORTE, Bordeaux

La lutte contre la sédentarité devient un enjeu majeur de santé publique ; l’inactivité physique, outre le fait qu’elle favorise l’émergence des autres facteurs de risque cardiovasculaires, représente à elle seule un véritable facteur indépendant qui intervient dans les mortalités globale et cardiovasculaire ; ainsi, pour l’organisation mondiale de la santé, la sédentarité est la dixième cause de mortalité. Aussi, en 2005, la problématique dépasse-t-elle celle de l’absolue nécessité d’une activité physique pour aborder celle de la prescription d’une véritable « ordonnance physique » permettant facilement la mise en place d’un programme individuel adapté, efficace et facilement contrôlable ; or, nous constatons que si plus de 90 % des cardiologues sont convaincus du bien-fondé de cette notion, beaucoup se contentent de simples conseils verbaux sans aller jusqu’à rédiger cette véritable ordonnance-programme.
Cet article se consacre au cas du sujet coronarien « avéré », dans le cadre de la prévention secondaire avec la mise en place « d’une ordonnance type » d’activité physique.

Coronaires et activité physique : l'exercise paradox   Les bénéfices de l’activité physique et sportive sont largement démontrés chez les coronariens Une diminution de la mortalité globale et cardiovasculaire a été mise en évidence dans cette population, de 20 à 32 % respectivement, selon les deux grandes métaanalyses de Oldbridge en 1988 et celle de O’Connor en 1989. Ces chiffres sont corroborés par la dernière métaanalyse publiée en 2004 par Taylor et coll. concernant près de 9 000 patients ; les résultats confirment, malgré l’évolution de l’arsenal thérapeutique coronaro-protecteur et l’avènement des angioplasties et des stents, l’indiscutable efficacité de la pratique régulière d’une activité physique sur le taux de mortalité des coronariens. Toutefois, elle ne parvient pas à faire diminuer l’incidence des infarctus ou des nouvelles revascularisations. Les auteurs de cette dernière métaanalyse notent néanmoins une grande disparité dans les programmes d’activité physique proposés et l’intensité des séances imposées, qui peut varier selon les études de 50 à près de 80 % de la VO2max du patient ! Il y a donc un réel effort d’harmonisation à réaliser dans l’élaboration des programmes de réentraînement.   Quels sont les mécanismes responsables du bénéfice observé ? Des effets directs sont toujours observés : avec une amélioration de la capacité de vasodilatation endothéliale (sécrétion et libération de NO) et de l’angiogenèse au niveau de l’arbre vasculaire coronaire, cette vasodilatation accrue à l’effort permet d’augmenter le débit coronaire à l’exercice, compensant ainsi l’incapacité du cœur à augmenter son niveau d’extraction en oxygène qui est déjà maximal au repos, contrairement aux muscles périphériques. Des effets indirects en diminuant, voire en corrigeant, les effets néfastes de certains facteurs de risque « modifiables » avec un meilleur équilibre tensionnel (gain de 7 à 10 mmHg sur la PA systolique, 5 mmHg sur la PA diastolique), une amélioration prouvée du profil lipidique (augmentation du HDL-cholestérol et diminution du taux des LDL « petits et denses » hautement athérogènes, diminution du taux de triglycérides), une baisse de l’insulinorésistance, et des facteurs de coagulation avec une moindre viscosité sanguine par diminution du taux de fibrinogène et de l’hématocrite, enfin une diminution de l’adhésivité plaquettaire.   Les risques cardiaques liés à l’activité physique Ils sont tout aussi réels et démontrés ; il est indiscutable que l’exercice physique, surtout s’il est intense et irrégulièrement ou occasionnellement pratiqué, constitue une « condition idéale » pour la réalisation d’un accident coronarien. Ainsi, chez le sédentaire, le risque de constituer un infarctus lors d’un effort intense est 107 fois supérieur à celui en période d’inactivité ; de plus, le risque de mort subite est significativement supérieur (RR = 2,5) chez le sportif comparativement au sédentaire dans la même tranche d’âge alors que le risque d’accident cardiaque à l’effort est multiplié par près de 60 chez le sédentaire par rapport au sportif et la mortalité d’origine cardiaque multipliée par 2,5, toujours chez l’inactif par rapport au sportif.   Chez le coronarien à l’effort le risque est en fait triple Le risque lié à la sténose athéromateuse et à l’inéquation entre des besoins accrus liés à l’effort et la limitation des apports par diminution « anatomique » du calibre des coronaires : c’est la classique « théorie mécanistique » des années 80. Ce phénomène est amplifié par un possible degré de vasoconstriction « paradoxale » associée à la perturbation de la fonction endothéliale qui se voit dans ces zones ischémiées à l’effort. Le risque beaucoup plus sournois et difficile à dépister est celui lié à la rupture d’une « plaque vulnérable », théorie très en vogue depuis le milieu des années 90. Il est actuellement bien démontré que, sur une plaque coronaire surtout si elle est molle et chargée de dépôts lipidiques, l’intensité de l’effort favorise le risque de rupture par élongation et plicature des coronaires épicardiques ; il se crée par ailleurs des mouvements « en accordéon » et des coudures liées aux contractions du myocarde ; ces phénomènes contraignent mécaniquement les plaques coronaires. L’augmentation de la tension pariétale intracoronaire et les altérations des conditions rhéologiques favorisent d’autant plus ce phénomène de rupture de plaques instables et « cassantes » et ce, même si elles sont minimes. Le risque rythmique : dans la plupart des cas de décès « coronariens » liés à l’activité physique, une arythmie ventriculaire maligne est en cause. Ce risque peut survenir à partir d’une cicatrice d’accident coronarien ancien ou dans un territoire en ischémie aiguë. L’excitabilité myocardique étant par ailleurs nettement accrue par l’imprégnation catécholergique, cette dernière est d’autant plus importante que l’intensité de l’effort est grande, avec notamment une nette augmentation du taux des catécholamines circulantes aux environs de 70 % de la VO2max. Cette zone est souvent dénommée « seuil des catécholamines » ; elle coïncide le plus souvent avec le premier seuil ventilatoire et le premier seuil lactique, cette notion ayant des conséquences très importantes sur la mise en place d’un programme d’activité physique. Par ailleurs, il est clairement démontré que le taux de catécholamines circulantes augmente nettement pour des exercices de longue durée, surtout supérieures à 120 minutes et ce, quelle que soit l’intensité de l’effort soutenu. Enfin, les périodes où le myocarde est le plus vulnérable sont certainement : d’abord, le début d’un effort intense abordé brutalement et sans échauffement préalable où une ESV gâchette peut « allumer le feu » ; mais aussi lors de la phase de récupération en raison de la diminution du retour veineux et de la vasodilatation périphérique, qui sont responsables d’une hypotension et d’une hypoperfusion coronaire. Conséquence pratique : l’absolue nécessité, surtout chez nos coronariens, d’un échauffement suffisant et d’une récupération active…   La balance bénéfices/risques de l’activité physique chez le coronarien Elle penche heureusement nettement en faveur de la pratique régulière d’une activité physique, à condition que celle-ci soit adaptée aux possibilités du patient, individualisée par le biais d’un programme personnel, et en surveillant l’intensité des séances par des moyens simples et reconnus.   Un bilan d’évaluation indispensable avant toute activité physique programmée Avant de se lancer dans une prescription d’activité physique, il faut connaître le profil à la fois physique (niveau de risque de la coronaropathie, condition physique initiale), mais aussi psychologique (niveau de motivation). Un bilan clinique complet est donc nécessaire : – l’interrogatoire permettra de retracer l’histoire évolutive de la maladie coronaire, l’existence ou non de symptômes, le traitement suivi, et le niveau de contrôle des facteurs de risque. Le profil comportemental (stressé, émotif, compétiteur ou passif, dépressif) et les désirs actuels de pratique du patient ainsi que sa disponibilité seront pris en compte ; – l’examen clinique classique avec prise en compte du poids, des chiffres de tension artérielle ; – l’électrocardiogramme de repos complète ces données. À l’issue de cette consultation initiale, le patient sera déclaré apte à l’activité physique programmée s’il est soit asymptomatique, ou stable sous traitement (et ce, quels que soient ses antécédents d’IDM, de dilatation ou de pontages) ; à contrario, toute évolutivité ou instabilité de la maladie coronaire contre-indiquera temporairement la mise en place du programme. L’épreuve d’effort est l’étape initiale fondamentale et indispensable avant la mise en place du programme, véritable passage au banc d’essai de la « machine humaine », permettant de contrôler et d’évaluer les réelles capacités « du moteur et des durites ». Ce test, dans ce contexte de prévention secondaire, est certes avant tout cardiologique ; la qualité du recueil des tracés est primordiale. Le test sur cycloergomètre est donc le plus souvent pratiqué ; s’il est dispensé sur tapis roulant, une préparation minutieuse du contact électrode-peau est indispensable afin d’obtenir des tracés interprétables (surtout si un protocole sans pente sur tapis est mis en place chez un sujet en bonne condition physique). Ce test doit être réalisé « maquillé » ; en effet, la plupart des candidats sont sous bêtabloquants, il faut donc connaître leur profil de fréquence cardiaque à l’effort sous ce traitement pour ne pas fausser les repères qui seront utilisés ensuite en ambulatoire. Le test doit être si possible maximal, à défaut limité par l’ischémie. La récupération sera analysée avec beaucoup d’attention. Ce test permet de connaître le « profil » du sujet : tensionnel, rythmique et, bien sûr, ischémique ; en cas de positivité du test le seuil ischémique sera déterminé et les repères pratiques bien répertoriés (fréquence cardiaque au seuil ischémique, puissance seuil ou vitesse seuil sur tapis). Le profil fonctionnel du sujet est une étape importante à établir. Le niveau d’activité quotidienne permise ainsi et, surtout, le programme de réentraînement vont découler de ces résultats : Si le test est couplé à une mesures des échanges gazeux, outre le pic de VO2 atteint, la fréquence cardiaque maximale (FCmax) et la puissance maximale en Watts sur bicyclette ou en vitesse (ou en nombre de paliers sur un « Bruce ») sur tapis roulant, ce sont surtout les indices intermédiaires qui seront très importants à déterminer ; le premier seuil ventilatoire (ou seuil d’adaptation ventilatoire) doit être déterminé avec beaucoup de précision (puissance, vitesse et surtout fréquence cardiaque atteinte). En cas de test d’effort standard (sans « VO2 »), les paramètres recueillis au dernier palier atteint serviront de précieux éléments pour affiner au mieux les conseils. Dans tout les cas, il faudra se montrer prudent sur l’interprétation « médicale » du test, surtout s’il est « maximal négatif » ; en effet, celui-ci prédit très mal la survenue d’un accident coronaire aigu par rupture de plaque, ou l’incident « rythmique ». L’interprétation fonctionnelle du test et la mise en place du programme devront donc toujours tenir compte de la prudence retenue dans l’interprétation médicale… Un bilan biologique permettra de vérifier le contrôle des facteurs de risque, une attention toute particulière sera portée sur le lipidogramme. L’échocardiographie de repos est conseillée, ne serait-ce que pour objectiver une éventuelle zone akinétique et pour fournir une idée précise sur la fraction d’éjection et le volume d’éjection systolique.   Au terme de ce bilan initial, une stratification du risque peut être obtenue   Sujet à faible risque : peu ou pas de symptômes sous traitement conventionnel, facteurs de risques contrôlés (notamment arrêt du tabac), IDM non compliqué de plus de 3 mois, fonction ventriculaire gauche correcte à l’échographie, épreuve fonctionnelle maximale avec bon niveau de performance et absence d’ischémie électrique à l’acmé de l’effort et en récupération. Sujet à risque intermédiaire : angor modéré mais stable et/ou facteurs de risques mal contrôlés (LDL-C , et surtout poursuite du tabagisme++), IDM récent, athéromatose vasculaire extracoronaire associée, altération modérée de la fonction ventriculaire gauche au repos, niveau de performance médiocre pour l’âge avec pic de VO2 bas et « pouls d’oxygène » bas. Sujet à risque élevé : symptomatique évolutif, lésions coronaires diffuses non revascularisables, risque arythmogène, seuil ischémique bas et très faible niveau de performance avec dyspnée en fin d’effort. À partir de cette « calibration » du candidat, une attitude peut être proposée en concertation avec son environnement médical, familial et professionnel ; cet entourage doit être convaincu du bien-fondé de la reprise d’une activité physique régulière pour le patient. Figure 1. Le seuil des catécholamines se situe généralement entre 60 et 70 % de la VO2max. Quelque soit l’intensite de l’effort, le taux des catécholamines circulantes augmente nettement à partir de 90 min d’activité. La mise en place d’une prescription d’activité physique   Le principe du conditionnement physique : rendre un effort sous-maximal de la vie courante « d’avantage sous-maximal » En effet, les objectifs sont un peu différents de ceux de l’insuffisant cardiaque chez qui le réentraînement permet pour une même intensité d’effort de compenser la faiblesse du volume d’éjection systolique par une meilleure extraction périphérique (meilleure capacité oxydative des muscles striés squelettiques). Chez le coronarien l’objectif est de réduire, pour un même effort de la vie courante, le travail myocardique et donc la consommation d’oxygène du myocarde. L’explication peut être clairement démontrée par un exemple précis : l’homo sapiens a besoin de consommer une certaine quantité d’oxygène pour accomplir un certain niveau d’activité physique ; ainsi, il a été bien démontré que pour courir à 10 km/h, il faut utiliser environ 35 ml/ kg/min (± 3) d’O2 (formule de Léger : VO2 = vitesse x 3,5) : – chez un sujet de 80 kg déconditionné et non entraîné, et selon le principe de la formule de Fick (VO2 = VES x FC x DAV O2) : la VO2 « brute » nécessaire est donc de : 35 ml x 80 kg, soit 2 800 ml/min d’O2. Admettons (valeurs classiquement retrouvées chez un sédentaire) que son VES soit de 100 ml/min, sa DAV O2 de 15 ml/min (pour 100 ml de débit sanguin) ; la fréquence cardiaque (qui n’est qu’un « cardiostat ») doit donc monter à près de 190/min pour « assurer » la consommation d’O2 nécessaire pour l’activité réalisée (course a une vitesse constante de 10 km/h) ; – le même sujet « reconditionné » aura toujours besoin de 35 ml/kg/min pour courir à 10 km/ h… mais les données sont différentes car, même en admettant qu’il n’ait pas perdu un gramme, l’entraînement lui aura permis d’améliorer son VES à l’effort (récemment prouvé pour le coronarien réentraîné). On peut raisonnablement penser qu’il pourrait passer à 130 ml/ min ; de même, sa DAV O2 peut monter à 20 ml/min (pour 100 ml de débit) ; ainsi, la fréquence cardiaque « nécessaire » ne sera plus que de 160/min, avec comme conséquence une consommation d’oxygène myocardique nettement réduite pour un effort équivalent, comme en témoigne la nette diminution du double produit, témoin direct de la consommation d’oxygène du myocarde.   Quelle activité physique proposer ? Il est unanimement admis actuellement que tout programme d’entraînement doit être basé sur une activité physique « aérobie » à forte composante dynamique et donc sollicitant « l’endurance ». Dans la gamme des activités d’endurance, il faut choisir une discipline sollicitant de larges groupes musculaires, facilement accessible, aisément réalisable, facilement contrôlable, et compatible avec une vie sociale et professionnelle. Dans les métaanalyses récentes, il apparaît bien que ce sont la marche et le « jogging » qui sont le plus souvent employés et ce, même chez le coronarien âgé, le vélo (ou le « home-trainer ») arrivant en seconde position. Le plus souvent — et à mon avis malheureusement —, il est simplement conseillé aux patients, en fonction de leur résultat d’évaluation initiale et du pic de VO2 (direct ou estimé) atteint, de pratiquer une activité physique régulière « piochée » dans la classique classification des activités physique en 4 niveaux en fonction du nombre de Mets réalisés (1 Met étant égal à une consommation d’O2 de 3,5 ml/kg/min). Cette procédure ne peut pas résumer le programme d’activité physique, car elle est trop difficilement gérable et surtout quantifiable ; en revanche, le gain d’un niveau voire deux peut et doit être l’objectif du programme, véritable récompense des efforts standardisés réalisés en suivant le programme spécifique de réentraînement en course à pied ou en vélo, que nous allons détailler.   Quelle intensité lors des séances ? Il est bien évident que tout programme doit tenir compte du profil (à risque ou non) du candidat et de la proximité d’un événement coronarien (IDM de moins de trois mois, « stentés » de 6 mois à un an, etc.) ; dans ces cas de figure, la reprise sera très douce et étroitement surveillée. De même, chez le coronarien qui garde une ischémie clinique et électrique, l’intensité sera basée sur une intensité très faible au début, lentement progressive sans jamais dépasser le seuil ischémique (fréquence cardiaque au premier palier où apparaît l’ischémie électrique). Parfois même, un travail musculaire segmentaire (système de poids/poulie) pourra être entrepris au préalable (remplacé ou complété par un programme de « capillarisation » par électrostimulation musculaire) chez les sujets présentant un seuil ischémique précoce ou une cardiopathie ischémique importante. Il existe encore, dans les différentes études publiées, une très grande disparité dans la charge d’entraînement (produit de l’intensité par la durée de la séance) utilisée. L’intensité des séances peut varier de 50 % à près de 80 % de la VO2max, selon les auteurs. Tous néanmoins s’accordent pour utiliser comme repère le premier seuil ventilatoire (hélas encore trop souvent dénommé improprement seuil anaérobie !) qui, pour simplifier, témoignerait de la limite supérieure de « l’endurance pure » et surtout la limite supérieure d’intensité au-dessus de laquelle il se produit une augmentation nette du taux des catécholamines circulantes. Lorsque la mesure des échanges gazeux est réalisée pendant le test d’effort, sa détermination se doit d’être précise et minutieuse (quoique encore très opérateur-dépendant). Sur un test standard, celui ci sera « estimé » et exprimé sous la forme « d’un intervalle de fréquence cardiaque d’entraînement » ; là aussi il existe une grande disparité dans la détermination de cette zone qui se doit pourtant d’être fiable, sûre et efficace... La classique formule de Karvonen est souvent préconisée (FCE = FCR + 0,6 à 0,8 [FCmax - FCR], où FCE représente la fréquence cardiaque d’entraînement et FCR la fréquence cardiaque de repos). Néanmoins, celle-ci fait intervenir deux variables que sont la FCmax, qui doit être la véritable FCmax du patient, déterminée lors du test initial (et non la FCmax théorique pour l’âge, encore bien trop souvent utilisée), et surtout la FCR, qui est beaucoup plus délicate à définir, et sensible aux facteurs environnementaux, qui dans la formule se doit d’être la fréquence cardiaque retrouvée le matin au réveil (moyennée sur trois jours consécutifs). En pratique, il paraît beaucoup plus simple de retenir un pourcentage de la FCmax obtenue lors du test initial : un taux de 70 % (correspondant généralement à 65 % de la VO2max) sera utilisé chez un patient peu actif et /ou déconditionné ; ce taux peut monter à près de 80 % de la FCmax (soit une estimation du seuil à environ 75 % de la VO2max) chez des sujets très actifs ou « déjà endurants ». Il faut enfin tenir compte des conditions de recueil de ces indices (niveau d’hydratation du patient, conditions ambiantes : température et hygrométrie, qui peuvent en cas de déshydratation notamment surestimer les chiffres relevés), et surtout de l’ergomètre utilisé. En effet, toutes les études comparatives montrent que les valeurs de fréquence cardiaque maximale et « au seuil » sont plus hautes d’environ 5 à 10 battements/minute sur tapis roulant par rapport au cycloergomètre et inversement.   Quelle durée pour les séances ? Ni trop longues, ni trop courtes : la durée recommandable et utilisée dans les publications est classiquement comprise entre 30 et 40 minutes (nécessairement un peu plus longues sur vélo) incluant toujours une phase d’échauffement de 5 à 10 minutes et une phase de retour au calme de la même durée avec quelques étirements surtout après un footing. Dans certains cas (groupe à faible risque), une séance en « fractionné » peut être proposée avec une succession de périodes d’accélération et de récupération de durée courte et d’intensité programmée (par exemple trois séries d’accélération à 90 % de la FCmax pendant 1 à 2 minutes séparées par 3 minutes de récupération active à 70 % de la FCmax). Cette technique, très utilisée chez les sportifs, permet de supporter des charges de travail plus intenses que lors des séances en continu, sans que le travail cardiaque ne soit augmenté de façon majeure, certains auteurs les ont inclus dans leurs programmes. Figure 2. Étude de Wanamethee et coll. 2000 : suivi de 772 coronariens stables sur 5 ans ; données ajustées pour l’âge, le tabagisme, le diabète, les antécédents d’IDM et d’AVC. Quelle périodicité hebdomadaire ? Là aussi, les avis divergent ; certains auteurs préconisent une pratique quotidienne avec un risque potentiel de fatigue progressive par récupération insuffisante entre les séances. Je partage plutôt la position de ceux préconisant entre 3 et 4 séances par semaine, ce qui permet de respecter le phénomène physiologique de la récupération et de la surcompensation (figure 3). Figure 3. Moment optimal pour la fréquence de la pratique sportive. Comment contrôler l’efficacité du programme d’activité physique et sportive (APS) ? Ce contrôle sera, bien sûr, réalisable à partir de quelques moyens simples mais subjectifs, comme l’amélioration de la tolérance fonctionnelle aux différentes activités quotidiennes (indice de Borg). La réalisation d’une épreuve d’effort annuelle permettra d’objectiver l’amélioration par le déplacement vers la droite du seuil ischémique, et/ou par le gain en termes de puissance maximale (ou de vitesse sur tapis), ainsi qu’au niveau des valeurs « seuils » retrouvées ou estimées lors du test initial. De façon plus simple et pratique, le patient pourra juger objectivement de ses progrès par différents moyens : – le test de marche sur 6 minutes est souvent proposé ; il est facile à mettre en œuvre mais, en raison d’une certaine variabilité individuelle, il faut un gain de temps supérieur à 20 % pour qu’il soit estimé comme significatif ; – récemment Sato et coll. (2005) ont insisté sur la valeur de la baisse de la fréquence cardiaque à la première minute de récupération après une séance habituelle, car il s’agit d’un bon reflet du tonus vagal, un score de 5 battements est jugé faible, un score de 15 battements excellent ; – enfin, le plus simple reste tout simplement de comparer, tous les mois par exemple, sur un parcours bien kilométré, le temps de passage sur un kilomètre déterminé, en gardant la même fréquence cardiaque ; – si l’entraînement est efficace, le temps de passage sera meilleur ; inversement, en restant à la même vitesse, la fréquence cardiaque nécessaire sera plus basse.   D’autres renseignements précieux tirés de l’utilisation du cardiofréquencemètre La découverte d’irrégularités de la fréquence cardiaque permet souvent de dépister des troubles du rythme ventriculaire et incite à la pose d’un holter avant qu’un problème aigu ne survienne. L’augmentation insolite de la fréquence cardiaque au cours d’une séance continue peut être le témoin précoce d’une déshydratation, dont les effets peuvent être très dangereux chez le coronarien.   Le coronarien et les compétitions sportives La prudence, en raison des implications médico-légales, sous-tend la plupart des attitudes. Des recommandations nord–américaines remises récemment à jour ont le mérite d’exister. Elles font référence à la classique, bien que discutable, classification de Mitchell, qui ordonne les sports en fonction de la part « dynamique » et de la part « statique » de chaque spécialité. Néanmoins, elle ne tient pas compte des conditions environnementales, du risque cardiovasculaire « en amont », c’est-à-dire lors de la période d’entraînement préalable, ni enfin de l’intensité individuelle de réalisation de la compétition (par exemple, un sujet prend moins de risque à courir un marathon à 60 % de sa VO2max qu’à 80 %). L’approche « européenne », récemment publiée dans European Heart Journal en mai 2005, toujours basée sur la même classification, repose sur l’évaluation individuelle du risque cardiovasculaire. La prudence « européenne » reste de mise car, même dans le groupe à faible risque (pas de sténose résiduelle, épreuve d’effort normalisée sans ischémie ni arythmie maligne, fraction d’éjection normale), seuls les sports de type 1A et 1B sont autorisés en compétition. En cas de probabilité élevée, la compétition est contre-indiquée, quel que soit le sport pratiqué. Malgré toutes ces précautions, le risque zéro n’existe pas et, que ce soit en prévention primaire ou secondaire, il est très délicat de prévoir et surtout de quantifier le risque de « rupture de plaque », aucun examen à l’heure actuelle ne permettant une approche efficace de ce risque majeur : l’épreuve d’effort est prise en défaut. Les Américains ont élaboré un score de calcification coronaire sur un angioscanner : supérieur à 100, il aurait une réelle valeur prédictive positive de rupture de plaque : les équipes françaises interrogées récemment sur la question paraissent plus réservées. Ainsi donc, il faut prendre un maximum de précautions chez nos patients et, outre un programme de réentraînement individualisé, il convient de proposer un véritable équipement avec un cardiofréquencemètre au poignet et autour de la poitrine, une ceinture porte-bidon autour de la taille, un petit spray de trinitrine « au cas où » dans une poche adjacente, et pourquoi pas, un téléphone dans la même poche.   Au total L’amélioration de nos connaissances, de notre motivation et de nos prescriptions devrait permettre de placer l’APS en première position dans l’arsenal thérapeutique « anti-angineux », surtout en suite logique au séjour en réadaptation chez les sujets les plus touchés. Un programme bien établi grâce aux renseignements fournis par le test d’effort initial, idéalement couplé à une mesure des échanges gazeux, doit permettre au sujet d’effectuer sa propre « reprise en main » physique puisqu’il peut surveiller très précisément l’intensité de ses efforts par le contrôle de la fréquence cardiaque. Cette facilité de mise en œuvre, couplée à un programme simple mais bien expliqué, devrait certainement permettre une meilleure observance et donc de meilleurs résultats sur la mortalité mais aussi, nous l’espérons, sur la morbidité cardiovasculaire qui reste encore le talon d’Achille des programmes de réentraînement actuels.       Les sept règles d’or de l’activité physique et sportive La pratique d’une activité physique régulière est une thérapeutique efficace chez le coronarien avéré à condition que l’ordonnance soit bien rédigée, que la prescription soit facile à suivre et quelle puisse être facilement contrôlée. Mais il ne faut pas que le remède soit plus dangereux que le mal ; il faudra éduquer son patient en lui rappelant les bonnes pratiques de l’activité physique et sportive (APS), qui peuvent se résumer en sept règles : • respecter toujours les trois phases d’une APS : échauffement, travail, récupération « active et douce » ; • respecter une hydratation correcte, surtout l’été ou en cas de sortie longue ; • tenir compte des conditions ambiantes, savoir s’abstenir en cas de forte chaleur ou de grand froid ; • bannir toute consommation de tabac surtout dans les trois heures suivant une séance ; • écouter ses sensations et ne pas minorer les symptômes ; • savoir s’abstenir en cas de fatigue ; • ne pas hésiter à consulter à nouveau en cas de nouveaux symptômes, d’anomalies détectées sur le cardiofréquencemètre ou de baisse inexpliquée des « performances ».

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