Publié le 13 oct 2009Lecture 6 min
Qu'est ce qu'une urgence hypertensive ?
J. AMAR, Pôle cardiovasculaire et métabolique, CHU Toulouse
L’urgence hypertensive est une situation où l’élévation tensionnelle est associée à des signes de souffrance viscérale. L’incidence des urgences hypertensives s’est réduite depuis la généralisation des traitements antihypertenseurs : elles concerneraient 1 à 2 patients/100 000/an. Parmi les facteurs prédisposants, on retient l’ethnie noire et un statut social précaire associé à des difficultés d’accès aux soins. Aux États-Unis, 25 % des hémorragies cérébrales observées chez l’hypertendu sont imputables à l’absence de traitement.
Le diagnostic repose sur :
La validation de l’élévation tensionnelle
Elle est fondée sur la mesure répétée de la pression artérielle en consultation ou au lit du patient après une période de repos et après s’être assuré de l’absence de problème technique :
Diagnostic de la souffrance viscérale
L’examen recherche :
– un déficit neurologique focal évoquant un accident vasculaire cérébral
– des céphalées intenses avec confusion ou convulsion évoquant une encéphalopathie
– une orthopnée ou une dyspnée de repos avec des râles crépitants évoquant une insuffisance cardiaque
– un angor ou des signes électrocardiographiques d’insuffisance coronaire aiguë.
– une douleur thoracique sans modification ECG mais avec disparition d’un pouls évoquant une dissection aortique
– une protéinurie chez une femme au troisième trimestre de la grossesse évoquant une éclampsie imminente
– une altération de l’état général avec asthénie amaigrissement, polyurie et soif parfois accompagné d’une diminution de l’acuité visuelle évoquant une HTA maligne à confirmer par l’examen du fond d’œil.
Si ces signes sont présents conjugués à l’élévation tensionnelle, le diagnostic d’urgence hypertensive est posé.
Des diagnostics différentiels
L’élévation tensionnelle sans souffrance viscérale
Même en présence d’une pression artérielle élevée, la présence de signes neuro-sensoriels tels que des céphalées, des sensations pseudo vertigneuses et des bourdonnements d’oreille n’argumentent pas la présence d’une urgence hypertensive.
D’autre part, contrairement à ce qui est couramment admis, la survenue d’une épistaxis ne constitue pas un critère de gravité de l’élévation tensionnelle ou de l’HTA permanente.
Elle peut par contre nécessiter une prise en charge ORL spécialisée. Au décours de l’épisode aigu un bilan de l’hypertension artérielle doit être envisagé.
Hypertension sévère sans souffrance viscérale
La définition de l’HTA sévère fait référence à un niveau manométrique en consultation supérieure à 180/110 mmHg. Les recommandations isolent sur plusieurs points l’HTA sévère. Tout d’abord, elles soulignent qu’il s’agit d’une HTA à haut risque cardiovasculaire. Au plan étiologique, elles invitent à rechercher lorsqu’elle est d’installation brutale une hypertension artérielle secondaire. Parmi les causes, les plus souvent retrouvées dans ce contexte figurent les infarctus du rein, la prise de toxique ou plus rarement le phéochromocytome. De fait dans ces situations, l’interrogatoire est d’une aide précieuse. À titre d’exemple, la survenue quelques jours avant l’installation d’une HTA sévère de douleurs lombaires chez un patient jeune parfois attribué à des coliques néphrétiques doit faire évoquer une dissection artérielle rénale sur des lésions dysplasiques.
Au plan thérapeutique, une fois le diagnostic d’HTA sévère validé, les recommandations suggèrent d’installer sans attendre un traitement médicamenteux couplé aux mesures hygiéno-diététiques et autorisent le passage très rapide (dans le mois) à une bithérapie antihypertensive.
Étiologie et éléments de physiopathologie
Toutes les formes d’hypertension artérielle essentielle ou secondaire peuvent conduire à l’urgence hypertensive si on les laisse évoluer sans traitement. Au plan physiopathologique, les urgences hypertensives se présentent dans la majorité des cas avec un tableau d’hyperangiotensinémie et d’hyperaldostéronisme secondaire. En effet, l’élévation brutale de la pression artérielle induit des dégâts endothéliaux via l’angiotensine II et/ou des facteurs d’inflammation. Ceci a comme traduction, une ischémie rénale et une réduction de la capacité de vasodilatation compensatrice artériolaire. Dès lors on rentre dans un cercle vicieux où l’élévation de la pression artérielle s’auto-entretient. En l’absence de traitement, le pronostic spontané de l’HTA maligne est le décès dans 100 % des cas par insuffisance cardiaque, insuffisance rénale ou complications neurologiques.
Prise en charge
L’urgence hypertensive justifie l’hospitalisation qui est en effet indispensable pour obtenir une baisse de la pression artérielle en quelques heures grâce à l’administration d’hypotenseurs injectables.
En pré-hospitalier
Il est recommandé de ne pas utiliser la nifedipine 10 mg par voie orale ou sub-linguale. En effet, ce médicament ne dispose plus de l’AMM pour poussée hypertensive depuis 1996. Ce retrait d’AMM s’explique par le caractère imprévisible des baisses de pression artérielle induites par le médicament et les accidents qui en ont découlé.
En attendant le transfert à l’hôpital, la prescription sera guidée par le type d’atteinte viscérale :
En cas de déficit neurologique focal, un traitement antihypertenseur d’urgence ne doit pas être administré avant de disposer d’une imagerie cérébrale : la nature de la prise en charge dépendra en effet du caractère ischémique ou hémorragique des lésions.
En présence d’un œdème aigu du poumon, l’administration d’un diurétique de l’anse et/ou d’un dérivé nitré reste d’actualité.
En cas de douleurs thoraciques, on administrera un dérivé nitré.
Organiser le transfert médicalisé
C’est une phase essentielle de la prise en charge. Il faut s’assurer avec l’aide du médecin régulateur du SAMU de l’adéquation entre l’hôpital d’accueil et le type de souffrance viscérale auquel on est confronté. La disponibilité d’un scanner ou d’une IRM est indispensable en cas de souffrance neurologique associée. En cas d’éclampsie, la patiente doit être transférée dans une maternité disposant d’une unité de réanimation de néonatologie. Si l’on suspecte un infarctus du myocarde ou une dissection aortique, le patient sera orienté vers une structure disposant d’une unité de soins intensifs de cardiologie et d’une chirurgie cardiovasculaire.
Pendant l’hospitalisation
Il faut pouvoir surveiller de manière continue l’état clinique, la pression artérielle, l’ECG, la diurèse, les constantes biologiques.
L’objectif tensionnel
L’objectif sera de réduire de 25 % la pression artérielle moyenne en quelques minutes à deux heures puis l’on cherchera à obtenir une réduction graduelle vers 160/100 mmHg en 2 à 6 heures.
On a le souci d’éviter une réduction trop rapide de la pression artérielle pour ne pas dépasser les possibilités d’auto régulation des débits cérébraux, coronaires et rénaux.
Quels sont les hypo-tenseurs utilisables ?
La nicardipine et l’urapidil sont utilisés en première intention dans la majorité des urgences hypertensives.
La nicardipine est un inhibiteur calcique disponible sous forme injectable. Son action est rapide (5 minutes) et son effet se prolonge 30 à 60 minutes après l’arrêt de la perfusion.
Sa perfusion prolongée est mal tolérée localement (risque de veinite) en raison de son ph acide : parmi les excipients figure en effet de l’acide chlorydrique.
L’urapidil est avant tout un alpha bloquant. D’action rapide, il est bien toléré localement.
Le furosémide et le dinitrate d’isosorbide sont à réserver aux urgences hypertensives compliqués d’œdème aigu du poumon.
La dihydralazine exerce une vasodilatation artériolaire périphérique. Il est utilisable dans l’éclampsie.
D’autres produits disposent de l’AMM dans l’urgence hypertensive : le labetalol, la clonidine, le nitroprussiate de sodium. L’esmolol, bêtabloquant d’action courte est à réserver aux élévations tensionnelles périopératoires
Cas particulier des urgences neurovasculaires
L’urgence hypertensive est associée dans près de 25 % des cas à un accident vasculaire cérébral ischémique (85 %) ou hémorragique (15 %). Dans l’attente de déterminer la nature de l’accident vasculaire, il est recommandé de ne pas faire baisser la pression artérielle lors de la prise en charge initiale. L’avis d’un neurologue est ensuite souhaitable pour prendre la décision de mise en route d’un traitement antihypertenseur. Chez l’hypertendu connu, le traitement antihypertenseur pris habituellement est généralement poursuivi. Il n’est renforcé que si les chiffres de PA dépassent 220/120. Si une fibrinolyse est envisagée, la PA devra être abaissée en dessous de 185/100 mmHg. Dans les autres cas (sujets non hypertendus antérieurement), le maintien d’une PA modérément élevée est souhaitable (160-180/90-100 mmHg).
En pratique
L’HTA sévère est définie par une PA de consultation supérieure à 180/110 mmHg. Il faut distinguer parmi les HTA sévères, les urgences hypertensives où l’élévation de la pression artérielle est associée à une souffrance viscérale. Ces situations imposent une hospitalisation immédiate avec une prise en charge adaptée à l’organe cible atteint. L’HTA sévère sans situation d’urgence hypertensive reste une situation à haut risque cardiovasculaire. D’installation brutale, elle impose un bilan étiologique fouillé. Elle requiert une prise en charge thérapeutique médicamenteuse non différée, une fois le diagnostic validé. Le passage à la bithérapie doit être accéléré en référence aux recommandations HAS 2005.
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