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Rythmologie et rythmo interventionnelle

Publié le 24 mar 2009Lecture 7 min

Réduire ou ralentir la fibrillation auriculaire : quels médicaments choisir ?

J.- F. LECLERCQ, Paris et Le Chesnay

Les Journées européennes de la SFC

Les études comparant les deux stratégies, maintenir le rythme sinusal ou ralentir la fibrillation auriculaire (FA), sont toutes non concluantes, notamment AFFIRM et AF-CHF, les deux principales en termes de nombre de patients. Donc les cardiologues ont le droit de choisir l’une ou l’autre, chose qui n’est pas si fréquente en cette époque de restrictions croissantes de nos degrés de liberté… Encore faut-il savoir quels médicaments utiliser.

Ralentir une FA Ralentir une FA fait appel aux médicaments agissant sur la conduction du nœud AV. Il y en a trois types : Les digitaliques se résument maintenant à la digoxine, seule commercialisée. Son effet ralentisseur est modeste, lié essentiellement à un effet parasympathicomimétique, donc maximal la nuit, et est totalement levé par l’activité physique comme le montrent les épreuves d’effort. C’était le médicament-roi de la mitrale en stade IV, confinée au lit dans les années 50-60. Ce n’est pas celui du patient ambulant de 2009. Il n’a donc plus qu’un rôle d’appoint. Les bêtabloqueurs sont les plus efficaces, à condition d’utiliser des produits qui n’ont pas d’activité sympathomimétique intrinsèque. Ils ont de plus un effet favorable sur l’irrégularité de la fréquence ventriculaire qui est en elle-même un facteur délétère au plan hémodynamique. Leur effet est dose-dépendant et facile à adapter, notamment sur un Holter de 24 heures. On estime que le but est d’obtenir une fréquence moyenne < 90 le jour et à 80 la nuit. Les calcium-bloqueurs n’ont pas tous un effet ralentisseur sur le nœud AV. En pratique, seuls deux ont montré leur efficacité : le vérapamil et le diltiazem. Ils sont plus efficaces que la digoxine. Leur effet « régularisant » est moins évident que pour les bêtabloqueurs. Ils ont indiscutablement leur place en thérapeutique, ne serait-ce que chez les patients ne tolérant pas les bêtabloqueurs, comme les asthmatiques. Les recommandations en vigueur (Task Force européenne et américaine) sont indiquées dans le tableau ci-dessous. En allant plus loin dans la compréhension des effets médicamenteux sur la conduction nodale, ces effets apparaissent compliqués et variables d’un patient à l’autre, reflétant la complexité de cette structure. Très schématiquement, la réponse nodale en FA peut être : bimodale, ou monomodale à front raide du côté des fréquences rapides. Il semble que le type de réponse bimodale corresponde à une dualité fonctionnelle comme dans le Bouveret. Or, les médicaments ralentisseurs sont nettement plus efficaces dans ce cas, en réduisant ou supprimant ce passage par la « voie lente » du nœud AV, tandis que leur effet est moins marqué quand la réponse est monomodale. La figure 1 montre deux exemples de cette différence. Tout se passe comme si les médicaments n’agissaient que sur la partie centrale du nœud AV et sa corne postérieure, et non sur les zones transitionnelles. On comprend alors qu’un certain nombre de patients ayant une voie « rapide » très perméable ne peuvent être ralentis médicalement. Ceux-là sont candidats aux techniques d’ablation si l’on veut obtenir un rythme ventriculaire correct. Figure 1. Comparaison des effets ralentisseurs de la digitaline et du propranolol sur les histogrammes de 24 heures des espaces RR chez deux patients, l’un avec réponse bimodale (à gauche) et l’autre avec réponse monomodale (à droite). Le propranolol est toujours plus efficace que la digitaline, mais l’effet ralentisseur est de toute façon plus prononcé chez le patient à réponse bimodale. Maintenir le rythme sinusal Maintenir le rythme sinusal chez un patient ayant de la FA paroxystique ou une FA persistante qui a été réduite, fait appel essentiellement aux médicaments des classes I et III de la classification de Vaughan-Williams (même si celle-ci paraît souvent bien obsolète). Parmi les médicaments de classe I, seuls ceux des sous-classes IA et IC ont une efficacité démontrée. Seuls restent commercialisés en France : la quinidine et le disopyramide (IA), le flécaïnide, la propafénone et la cibenzoline (IC). De nombreux éléments de preuve montrent que les seconds sont plus efficaces que les premiers, qui ne sont plus guère prescrits. Les deux écueils des I-C sont leurs effets proarythmiques, auriculaires (avec transformation en flutter) et ventriculaires. Ils sont contre-indiqués dès qu’il existe une cardiopathie sous-jacente significative. Dans les médicaments de classe III, seuls le sotalol et l’amiodarone sont à ce jour dans les pharmacies françaises. On peut donc « traduire » en français les recommandations en vigueur comme dans la figure 2. Figure 2. Arbre décisionnel du traitement selon l’existence d’une cardiopathie sous jacente. Dans toutes les situations, le traitement de première intention est médicamenteux, l’ablation n’étant envisagée éventuellement qu’en seconde intention. Mais le choix du traitement de première intention (et de seconde) n’est pas le même pour tous les patients. Quand il n’y a pas de cardiopathie significative, le traitement de première intention est à choisir entre flécaïnide, propafénone ou sotalol. Il en est de même en cas d’hypertension sans retentissement sur le VG. L’amiodarone n’est indiquée qu’en seconde intention, au même niveau que l’ablation. Il va de soi que le choix entre ces deux derniers traitements est alors fonction de nombreux éléments, qui ne sont pas tous médicaux (l’âge, les pathologies associées, le degré de gêne fonctionnelle, les souhaits du patient, la conviction du médecin, etc.). En cas d’insuffisance coronarienne ou d’altération de la fonction VG, les antiarythmiques de classe I sont contre-indiqués. Restent l’amiodarone et le sotalol. Chez les coronariens à fonction VG correcte, le sotalol a montré une efficacité intéressante (Singh et al, N Engl J Med 2005 ; 352 : 1861) et est donc le traitement de première intention. En seconde intention, on discutera l’amiodarone ou l’ablation. Dans l’insuffisance cardiaque ou l’HTA avec franche HVG, l’amiodarone sera le traitement de première intention et l’ablation celui de seconde intention. Telles sont les indications thérapeutiques applicables chez nous selon les recommandations en vigueur. Est-ce tout ? Non : le dofétilide, un médicament de classe III qui a l’AMM mais qui n’est pas actuellement commercialisé en France est placé en première intention au même niveau que le sotalol dans les recommandations internationales. Parmi les médicaments non commercialisés mais dont le dossier est bien avancé, on trouve la dronédarone et le vernakalant. Ce sont des concurrents potentiels de l’amiodarone dont les effets secondaires thyroïdiens limitent trop souvent l’utilisation à long terme. N’étant commercialisés nulle part, ils ne figurent pas pour l’instant dans les recommandations. Cette fois-ci, c’est tout pour les antiarythmiques au sens où l’entendait M Vaughan-Williams, c’est-à-dire les produits agissant sur les canaux ioniques membranaires. Rappelons en effet que les bêtabloqueurs ou les calcium-bloqueurs n’ont pas d’effet antiarythmique dans la FA et que les digitaliques sont proarythmiques. Mais dans les autres prescriptions habituelles du cardiologue, on trouve aussi les IEC et les sartans. Or, ces produits sont manifestement intéressants chez les patients ayant de la FA : ceci s’explique au plan physiopathologique et confirme que c’est bien un trouble de la compliance du VG qui favorise la FA sur cœur sain. Ainsi, on dispose à présent de nombreux travaux expérimentaux et cliniques montrant qu’un traitement au long cours par un de ces produits diminue clairement l’incidence de survenue de FA, que ce soit en prévention primaire ou secondaire, par exemple après cardioversion (dans ce cas, ils sont toujours associés à un antiarythmique classique). A priori on ne voit donc pas pourquoi on ne les prescrirait pas à tous les patients ayant de la FA… D’autant qu’ils sont bien tolérés. Bien entendu, il ne s’agit là que d’un traitement d’appoint. Place respective des médicaments et des techniques ablatives Si l’on choisit le contrôle de la fréquence, on choisit la facilité car on obtient une fréquence moyenne correcte chez la grande majorité des patients avec les médicaments. Ce n’est que chez environ 10 % d’entre eux que l’objectif n’est pas atteint et qu’il faut envisager de supprimer la conduction AV et de mettre un stimulateur. Ce traitement a en outre l’avantage de rendre la fréquence ventriculaire régulière, ce qui est bénéfique au plan hémodynamique. Si l’on choisit le contrôle du rythme, c’est plus difficile… surtout si l’on prétend supprimer tous les épisodes de FA. Mais tel ne doit pas être le but en pratique : la FA génère deux types de complications, l’AVC embolique et l’insuffisance cardiaque. La première se voit quel que soit le type de FA, paroxystique, persistante ou permanente, et justifie un traitement anticoagulant dans tous les cas où existe un risque significatif. En revanche, l’insuffisance cardiaque ne se voit guère qu’au stade de FA permanente (cf. le récent EuroHeart Survey). Le but du traitement antiarythmique est donc de prévenir le passage en FA permanente, ce qu’il convient de bien expliquer au patient qui, lui, est surtout préoccupé par ses palpitations récurrentes… Mais, même si on se limite à cet objectif, il faut bien reconnaître que cette stratégie comporte un risque d’échec important si on se limite au traitement médicamenteux. Ainsi, les techniques d’ablation dans l’OG font mieux, comme le montre par exemple la récente étude A4 (figure 3). Au moins à court terme car, au fil du temps, les résultats se dégradent, ce que montre un autre travail récent (figure 4). Le choix du contrôle du rythme expose donc en 2009 à un risque d’échec important. C’était la conclusion des auteurs de l’étude AFFIRM : ce serait probablement mieux, mais on ne sait pas bien le faire… Il y a donc de la place pour de nouveaux traitements, médicamenteux ou instrumentaux ! Figure 3. Résultats comparés du traitement médicamenteux renforcé (AAD) et de l’ablation (RF) dans les FA rebelles à un premier traitement antiarythmique. Figure 4. Evolution des résultats à long terme de l’ablation dans la FA. On voit que le taux de maintien du rythme sinusal continue à décroître même au-delà d’un an après l’intervention.

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