Publié le 07 mar 2012Lecture 6 min
Revascularisation chez le diabétique : stent ou chirurgie ?
D. CARRIÉ, Service de cardiologie, CHU Rangueil, Toulouse
Les patients diabétiques au cours de leur vie vont développer un processus athérosclérotique coronarien qui nécessitera, dans une grande majorité des cas, en association au traitement médical, une revascularisation myocardique chirurgicale et/ou interventionnelle.
Le débat reste entier de savoir quelle est la méthode de revascularisation à privilégier, même si la chirurgie de pontage aortocoronaire reste la méthode de référence en termes de réduction de réinterventions.
Épidémiologie et spécificités de la maladie coronaire chez le diabétique
Dans les pays industrialisés, environ 8 % des sujets adultes vont développer un diabète et ces patients diabétiques représentent environ un quart de nos patients revascularisés.
Comparativement aux sujets non diabétiques, ces patients, le plus souvent asymptomatiques sur le plan clinique, vont développer des atteintes coronaires plus diffuses, plus sévères et de pronostic beaucoup plus péjoratif. Sur le plan angiographique, et à l’inverse des patients non diabétiques qui n’ont qu’un tiers de lésions complexes, les sujets diabétiques ont autant de lésions complexes de type B2 ou C que de lésions simples de type A ou B1 (tableau). En raison des atteintes micro- et macroangiopathiques, le risque d’événements cardiovasculaires type infarctus du myocarde (IDM), insuffisance cardiaque (IC) voire accident vasculaire cérébral (AVC) est multiplié par 3.
Même si de nombreux progrès restent à faire, l’arrivée depuis la dernière décennie des stents actifs et des pontages artériels a largement contribué à améliorer le pronostic de ces patients diabétiques, notamment en termes d’événements cardiaques majeurs voire de nouvelles revascularisations.
Évolution du choix de la revascularisation myocardique
Historiquement et à l’ère de l’angioplastie coronaire au ballon, l’étude BARI dans les années 1990 fut la première à rapporter un meilleur pronostic concernant la survie à 7 ans (76,4 % vs 55,7 % ; p = 0,0011) puis à 10 ans (57,8 % vs 45,5 % ; p = 0,025) des patients revascularisés par chirurgie de pontage.
Puis une métaanalyse reprenant 10 études randomisées, dont 6 avec angioplastie au ballon seul et 4 avec l’utilisation de stent nu, a confirmé l’avantage en termes de survie de la chirurgie chez les patients diabétiques multitronculaires. Sur les 7 812 patients inclus, 1 233 étaient diabétiques (pontage : n = 615 ; angioplastie : n = 618). La mortalité à 5 ans était de 20 % dans le groupe angioplastie versus 12,3 % dans le groupe pontage (OR : 0,70 ; IC : 0,56-0,87) chez ces sujets diabétiques alors qu’il n’y avait aucune différence chez les sujets non diabétiques (OR : 0,98 ; IC : 0,86-1,12). Toutefois et du fait du caractère très strict des critères d’inclusion, ces études randomisées ne représentaient qu’une faible proportion (5 à 10 %) des patients diabétiques revascularisés.
L’arrivée dans les années 2000 des stents actifs a transformé le pronostic des patients revascularisés par angioplastie en diminuant très significativement le taux de resténose intrastent, d’autant plus que les lésions sont longues et que le diamètre des artères est réduit, caractéristiques angiographiques typiques du diabétique. L’étude ARTS II avec le stent actif Cypher® coaté au sirolimus, non randomisée mais comparée aux résultats chirurgicaux antérieurs de l’étude ARTS I a, pour la première fois, montré une équivalence de résultats en termes de survie à 2 ans mais aussi de nouvelles revascularisations. C’est pourquoi a débuté en 2005 la première grande étude randomisée SYNTAX.
SYNTAX
Cette étude a inclus 1 800 patients (28 % de sujets diabétiques) porteurs de lésions coronaires multitronculaires avec tirage au sort stent actif Taxus™ recouvert de paclitaxel ou chirurgie de pontage aortocoronaire. Dans cette population, un tiers des sujets présentaient une atteinte du tronc commun gauche isolée ou associée à d’autres lésions coronaires. Le grand mérite de cette étude a été de définir un score Syntax (figure 1) qui évolue en fonction de la sévérité des lésions angiographiques et notamment de la présence d’une lésion du tronc commun gauche, de bifurcations, de calcifications, d’occlusions chroniques, de thrombus, voire de tortuosités… permettant ainsi d’établir une corrélation anatomoclinique à moyen terme concernant les événements cardiaques majeurs. Dans les groupes lésion du tronc commun isolée ou associée à d’autres lésions coronaires avec un score Syntax allant de 0 à 22 ou de 23 à 32, le bras angioplastie coronaire avec stent actif fait jeu égal à 3 ans avec le groupe pontage aortocoronaire en termes d’événements cardiaques majeurs (décès, IDM, AVC), y compris en termes de revascularisations itératives. En revanche, dans le groupe Syntax score ≥ 33, la différence est très significative en faveur de la chirurgie (21,2 % vs 37,3 %) non pas tant pour la survie, qui est identique, mais pour le taux de revascularisations itératives en relation avec les resténoses intrastent (figure 2).
Dans l’étude SYNTAX, le sujet diabétique, du fait le plus souvent de l’ancienneté de la maladie, présente des lésions coronaires diffuses avec un score Syntax élevé englobant parfois une lésion du tronc commun gauche. Les résultats à long terme sont donc globalement plus favorables en termes de revascularisation ultérieure avec la chirurgie de pontage alors que le taux de survie reste identique entre les deux groupes.
Il est intéressant de noter qu’en termes de coût à 1 an, plus le score Syntax est élevé et plus l’angioplastie par stenting est onéreuse avec un coût moindre de la chirurgie pour des scores Syntax > 33 du fait des revascularisations itératives dans le bras stenting.
Avec les résultats de l’étude SYNTAX, les nouvelles recommandations nord-américaines et européennes publiées récemment admettent comme une alternative à la chirurgie le traitement des lésions du tronc coronaire gauche par angioplastie avec stent actif (classe IIbB) à condition que les patients soient à faible risque de complications, c’est-à-dire avec des conditions anatomiques favorables à un tel geste interventionnel.
Figure 1. Score Syntax permettant de quantifier la sévérité des lésions angiographiques.
Figure 2. Taux d’événements cardiaques majeurs à 3 ans en fonction du score Syntax.
CARDIA
Une autre étude prospective randomisée anglo-saxonne, CARDIA, a comparé les deux modes de revascularisation myocardique (pontage vs stent : 31 % de stents nus et 69 % de stents actifs) uniquement chez les sujets diabétiques avec lésions multitronculaires à l’exception des sténoses du tronc commun coronaire gauche. Là encore, si le critère combiné mortalité, AVC, IDM est non significativement différent à 1 an entre les deux groupes (10,5 % groupe chirurgie et 13 % groupe angioplastie), le taux de revascularisations myocardiques secondaires est significativement plus élevé dans le groupe stent (11,8 %) que dans le groupe chirurgie (2 %) (p = 0,001).
Il est possible que la nouvelle étude internationale FREEDOM, dont le design est à peu similaire à celui de l’étude CARDIA, mais avec tout stent actif de 1re génération, donne des résultats tout à fait similaires. Il faudra attendre de nouvelles études randomisées (étude EXCEL en cours d’inclusion) avec les stents actifs de 2e voire de 3e génération pour espérer améliorer les résultats en termes de revascularisation myocardique secondaire. En effet, ces nouveaux stents, en raison de la réduction de l’épaisseur des mailles, de la présence de polymère biodégradable voire de l’absence totale de polymère, semblent donner des résultats encore meilleurs en termes d’événements cardiaques majeurs, de resténose, voire de thrombose de stent à distance des implantations.
Toutefois à l’heure actuelle, les sociétés savantes européennes à la fois de cardiologie et de chirurgie thoracique reconnaissent la chirurgie de pontage comme le traitement de choix dans la revascularisation myocardique des patients diabétiques (classe de recommandation IIa ; niveau de preuve B).
Que devons-nous attendre du futur ?
Malgré tout le respect que nous avons pour les avancées technologiques chirurgicales ou interventionnelles chez le diabétique, il semble tout aussi judicieux d’étendre nos atouts thérapeutiques à la prévention et au meilleur équilibre du diabète. En effet, le sujet diabétique est d’une complexité rare, alliant des anomalies coronaires diffuses (occlusion de plusieurs segments, petit calibre artériel, réseau collatéral peu développé, etc.) à une comorbidité très importante, notamment sur le plan rénal.
Bien sûr, le traitement médical va rester la règle allant des antiagrégants plaquettaires aux inhibiteurs d’enzyme de conversion de l’angiotensine (IEC), en passant par les hypocholestérolémiants, voire les bêtabloquants en l’absence de contre-indications telles que l’artérite sévère des membres inférieurs. Les objectifs tensionnels (PA < 130/85 mmHg) ou lipidiques (LDL-cholestérol < 1 g/l) doivent être, bien sûr, atteints mais la meilleure compréhension physiopathologique de l’hyperagrégabilité plaquettaire du diabétique nous incite à augmenter les doses d’aspirine, voire de clopidogrel ou prasugrel, chez ce type de patients.
Demain arriveront des molécules HDL-like probablement capables de faire régresser les plaques d’athérome riches en lipides et d’éviter ainsi la diffusion trop rapide de la maladie athérosclérotique, surtout chez le diabétique.
Enfin, n’oublions pas que tout déséquilibre du diabète avec augmentation de 1 % du taux d’HbA1c va augmenter à moyen terme d’environ 20 % le risque de complications micro- et/ou macrocirculatoires.
C’est dire l’importance d’un suivi diabétologique très rigoureux permettant d’adapter le mieux possible le traitement antidiabétique oral ou par insuline et d’éviter les complications de cette maladie.
"Publié dans Diabétologie Pratique"
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