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Insuffisance cardiaque

Publié le 04 nov 2008Lecture 7 min

Rôle de la dysfonction du ventricule droit dans l’insuffisance cardiaque systolique

N. LAMBLIN, unité « Insuffisance cardiaque et Cardiomyopathies », pôle des maladies cardiaques et vasculaires, CHRU Lille

Les Journées françaises de l'insuffisance cardiaque

L’insuffisance cardiaque droite est un syndrome clinique associant des signes de rétention hydro-sodée d’amont (hépatomégalie, turgescence jugulaire et reflux hépato-jugulaire, œdèmes des membres inférieurs, épanchement des séreuses jusqu’à l’état d’anasarque) et des signes d’aval liés à la diminution de la réserve systolique associant intolérance à l’effort et fatigue. Il faut distinguer l’IC droite, de la « dysfonction » du ventricule droit (VD) qui correspond à des anomalies de remplissage et/ou de contraction du VD sans nécessairement présence de signes d’IC droite. L’IC droite ou la dysfonction VD peuvent exister d’emblée lors du diagnostic ou apparaître secondairement au cours du suivi des patients et de l’évolution de la maladie.

Préalable physiopathologique important La dysfonction VD peut avoir plusieurs causes. La principale est probablement l’élévation chronique des pressions de remplissage du ventricule gauche, responsable d’une hypertension pulmonaire. Celle-ci constitue une élévation chronique de la post-charge du VD susceptible, à terme, d’entraîner une dysfonction VD. C’est ainsi qu’il a été montré une bonne corrélation entre le niveau de pression artérielle pulmonaire (PAP) moyenne et la fonction VD évaluée en hémodynamique chez 379 patients atteints de CMD (n = 250) ou de cardiopathies ischémiques (n = 129). Il est également connu que chez certains patients, cette hypertension pulmonaire post-capillaire puisse « devenir autonome » avec le développement d’une atteinte artérielle pulmonaire caractérisée par un remodelage des artérioles pulmonaires et des résistances pulmonaires fixées. La dysfonction VD peut aussi être liée à une atteinte intrinsèque du VD par la cardiomyopathie ou par l’extension au VD d’un infarctus du myocarde, à la compression du VD lors de la dilatation importante du VG, à l’action inotrope négative des neuro-hormones et des cytokines sur le myocarde du VD ou éventuellement à l’ischémie myocardique sous-endocardique lors de l’élévation des pressions intracavitaires. Évaluation de la fonction VD Les marqueurs de dysfonction VD sont nombreux (tableau). Ils sont actuellement dominés par les différentes mesures ou estimation de la performance systolique du VD (« fraction d’éjection » ou FEVD) : hémodynamique, isotopique, échographique ou IRM. Davantage en raison de son ancienneté avec une reproductibilité correcte, la méthode de référence reste communément la mesure de FEVD isotopique en mode plan (par opposition à la tomographie cavitaire qui sans doute améliorera la technique dans le futur). La valeur seuil retenue est souvent une FEVD ≤ 35 % (issue d’études pronostiques détaillées ci-après).     L’étude échographique de la fonction VD est difficile en raison de l’anatomie du VD (pyramide tronquée enroulée en croissant autour du VG) et de la physiologie du VD qui comporte en réalité deux chambres distinctes, la base du VD et l’infundibulum. Ces deux chambres participent à l’éjection de façon complémentaire mais elles ne sont pas visibles sur une même coupe échographique. Toute évaluation échographique de la fonction VD doit être morphologique (taille du VD mais aussi de l’oreillette droite, reflet de l’élévation chronique des pressions de remplissage VD) et hémodynamique (évaluation des pressions pulmonaires à l’aide du flux pulmonaire antérograde, du flux d’insuffisance pulmonaire, du flux d’insuffisance tricuspide et de la pression de l’oreillette droite sur l’aspect de la veine cave inférieure). La fonction systolique du VD est évaluée par différents indices qui doivent être confrontés entre eux et seule leur concordance permettra une estimation assez fiable de la fonction systolique du VD : • la fraction de raccourcissement de la surface VD (lorsque la définition de l’endocarde le permet) ; • le TAPSE pour Tricuspid Annular Plane Systolic Excursion, qui est la mesure de l’amplitude (en millimètres) sur une coupe apicale 4 cavités en mode TM, du déplacement antérieur de la partie latérale de l’anneau tricuspide lors de la systole ; • la vélocité maximale de l’onde « Sa » en mode Doppler tissulaire (doppler tissu imaging ou DTI) à l’anneau tricuspide, à sa jonction avec la paroi libre du VD. Ces derniers paramètres ont l’avantage de la simplicité et d’une bonne reproductibilité. D’autres indices existent comme l’indice de performance globale (« Tei » index) ou plus récent, l’étude de la déformation (strain) à l’aide du mode « speckle tracking » disponible sur les échographes les plus récents. Enfin, lors de l’évaluation de la fonction VD, il faut toujours avoir à l’esprit les conditions de charge du VD. La fonction VD et les tailles des cavités droites sont, probablement encore plus que pour le ventricule et l’oreillette gauches, sensibles aux pressions intracavitaires. Ainsi, toute évaluation de la fonction VD devra être faite parallèlement à l’évaluation de l’état d’hydratation du patient, de la pression pulmonaire et, plus difficilement, du caractère fixé ou réversible d’une hypertension pulmonaire. Impact de la fonction VD sur les capacités d’effort La prévalence de l’IC droite et/ou de la dysfonction VD au cours de l’IC systolique est assez mal connue. Elle va dépendre de la population d’IC sélectionnée, de la technique de mesure et de la valeur seuil retenue. Sur une population d’IC systolique (définie par une FEVG ≤ 45 %, n = 546), en stade II à IV de la New York Heart Association (NYHA), stable et sous traitement médicamenteux depuis 3 mois, 43,3 % présentaient une FEVD isotopique ≤ 35 %, dont 23,1 % avec FEVD < 25 % (données non publiées du service). Les capacités d’effort des sujets IC sont multifactorielles, il est donc très difficile d’étudier avec précision les parts respectives des différents facteurs (en particulier les rôles du VG et du VD). Il existe une corrélation significative entre la FEVD de repos en isotopes et le pic de VO2. La FEVD est aussi corrélée à la FEVG et inversement corrélée à la PAP systolique, donc directement liée à la sévérité de l’IC. Dysfonction VD et pronostic C’est surtout sur le pronostic vital que l’impact de la dysfonction VD a été étudié depuis plusieurs années. En 1995, Di Salvo et coll. sur leur population de 67 patients retrouvaient une augmentation de la mortalité totale des patients avec FEVD isotopiques < 35 % (p < 0,03). En analyse multiple, une FEVD < 35 % restait significativement associée à une augmentation de mortalité totale (p = 0,006). Du fait de l’effectif limité, ces résultats ont été confirmés par de Groote et coll. chez 205 patients, en stade II à IV de la NYHA, avec une FEVG moyenne à 29,3 ± 10,1 %. La médiane de FEVD isotopique était de 39 % et la valeur seuil établie à l’aide d’une courbe de ROC était de 35 %. La FEVD isotopique était significativement associée à une augmentation de mortalité cardiovasculaire, en analyse univariée (p = 0,0002) et en analyse multiple avec comme autres marqueurs indépendants, la classification NYHA et le pic de VO2 en pourcentage de la théorique (figure 1).   Figure 1. Rôle pronostique de la dysfonction VD. Enfin, dans cette étude, il était observé un « effet dose » avec un impact pronostic défavorable croissant en fonction de la sévérité de la dysfonction VD (≥ 35 %, < 35 % et < 25 %). Sur une autre cohorte de 379 patients IC, il a été montré que plus que la FEVD elle-même, c’était la FEVD en fonction du niveau de pression artérielle pulmonaire (PAP) qui était le facteur le plus associé à la survie des patients, le groupe avec une FVD basse et une PAP élevée ayant la mortalité la plus élevée (figure 2).   Figure 2. Pronostic : interaction fonction VD/pressions pulmonaires. Plus récemment, c’est l’association des marqueurs échographiques de dysfonction VD avec le pronostic des patients IC qui a été testée. Le TAPSE a été associée à la mortalité totale ou la transplantation en urgence de patients IC (n = 140) avec FEVG < 35 %. C’est pour une valeur de TAPSE ≤ 14 mm que les patients avaient un pronostic défavorable. L’autre indice étudié a été la vitesse maximale de l’onde S à l’anneau tricuspide en mode DTI (Sa). Sur une population de 139 patients IC à FEVG < 40 %, la valeur de Sa était significativement associée à la survie des patients (p = 0,048) et à la survie sans événement cardiaque majeur (p < 0,001). En analyse multiple, avec une valeur seuil déterminée à l’aide d’une courbe ROC à 10,8 cm/s, la vitesse Sa restait associée au pronostic, indépendamment des autres variables. Place de la dysfonction VD dans la prise en charge de l’insuffisance cardiaque Au-delà de l’aspect pronostique purement descriptif, l’évaluation de la fonction VD a de plus en plus une importance pratique dans la prise en charge des patients IC graves. Tout d’abord, il a été suggéré que l’existence d’une dysfonction VD pouvait être associée à une réponse moins bonne au traitement bêtabloquant (remodelage inverse en particulier. Cette observation sur un nombre limité de patients n’a cependant pas été confirmée. Lors d’un traitement de resynchronisation par stimulation multisite, même si une amélioration de paramètres de fonction VD est souvent observée, certains auteurs ont suggéré que l’existence préalable d’une dysfonction VD sévère était un marqueur de moins bonne réponse à la resynchronisation. Enfin, il ne faut pas oublier le développement ces dernières années de l’assistance mécanique monoventriculaire gauche implantable et ambulatoire. Ces traitements lourds de l’IC, envisagés en attente de la transplantation ou pour certains patients en traitement définitif (« destination therapy »), permettent une décharge hémodynamique du VG mais nécessitent une bonne fonction du VD. En effet, lors de la mise en route de l’assistance, le retour veineux (précharge VD) va brutalement augmenter et il va être demandé une augmentation brutale du débit VD. Une évaluation rigoureuse préalable de la fonction VD est donc fondamentale. Lors des études d’assistance monoventriculaire gauche implantable, l’existence d’une dysfonction VD sévère a été associée à une fréquence plus importante de défaillances cardiaques droites postopératoires, elles-mêmes associées à une plus forte mortalité périopératoire.

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