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Coronaires

Publié le 09 déc 2008Lecture 7 min

SCA : comment améliorer l'application en pratique des données validées ? Des pistes pour diminuer l’écart entre les données validées de la science et la pratique médicale

F. DIEVART, Dunkerque

Une fois reconnu l’écart entre les données validées de la science et leur mise en application dans la pratique médicale et, une fois enregistrées les hypothèses avancées pour expliquer cet écart, un des enjeux est d’évaluer si une méthode adaptée à une hypothèse permet de corriger cet écart. L’évaluation de ces hypothèses a montré que la diffusion de l’information est non suffisante pour modifier et améliorer la pratique médicale et qu’il est nécessaire de développer des outils d’aide à la pratique.

Diffusion de l’information et formation Un des paradoxes de la science est qu’il ne suffit pas qu’une vérité soit établie, qu’une information existe pour en tirer les conséquences en pratique. Si l’information est nécessaire, elle n’est pas suffisante pour qu’un comportement s‘y adapte. En pratique médicale, certains problèmes propres à l’information peuvent en limiter la portée : - tout en étant disponible, l’information lorsqu’elle est diffusée passivement, n’est parfois ni vue, ni lue ; - elle est parfois complexe et mal adaptée à une pratique particulière ; - inversement, elle est parfois trop simple pour qu’elle soit jugée valide ; - elle peut paraître absconse ; - elle est tellement protéiforme et multiple que son application ne peut être que partielle. Deux exemples, issus de travaux de l’école de pharmacologie clinique de Lyon, illustrent l’imperfection et l’insuffisance de la seule diffusion de l’information médicale. En 1999, les auteurs ont demandé à des enseignants de thérapeutique cardiovasculaire de leur fournir le texte des cours enseignés aux étudiants et les ont classés sur une grille de 1 à 10 (1 : cours non conforme aux données validées de la science ; 10 : cours hautement conforme). Sur 34 documents provenant de 43 facultés, le score moyen du classement a été de 5,43 indiquant que les données de l’enseignement médical sont juste à la moyenne de ce que devrait être une formation fondée sur les données validées de la science. Par ailleurs, dans ces documents, le raisonnement physiopathologique était largement préféré pour justifier les choix thérapeutiques proposés aux étudiants. Les mêmes auteurs ont mené l’essai randomisé CARDIODAS, pour déterminer si la diffusion d’une information thérapeutique et des cours de formation à la méthodologie des essais cliniques améliorent la résolution de cas cliniques, comparativement à la diffusion passive de l’information thérapeutique. Aucun effet n’a pu être mis en évidence concernant le transfert passif de résumés alors que le transfert actif entraîne une amélioration significative des intentions de prescription conformes aux données acquises de la science et des connaissances des praticiens. Néanmoins, l’amplitude de cette amélioration a été faible.   Les outils d’aide pour la pratique Schématiquement, les outils permettant d’améliorer la pratique sont concentrés autour de peu de paramètres : - l’information doit être synthétisée : les recommandations pour la pratique (même critiquables) remplissent cet objectif ; - le médecin ne peut ni toutes les lire, ni les retenir ni les appliquer : il lui faut une aide ; - les caractéristiques spécifiques d’un patient font qu’il est parfois impossible d’appliquer une recommandation générale bien que sa pathologie le justifierait. Depuis plusieurs années, ont été développés des systèmes d’aide à la décision qui permettent d’adapter les stratégies à un patient donné, de ne pas oublier un élément particulier d’une stratégie et de vérifier son efficience.   Prise en charge hospitalière Les grandes étapes de la démarche pour améliorer la pratique sont : - l’élaboration d’un protocole : en réunion collégiale, dans un service hospitalier, avec éventuellement des intervenants de différentes disciplines, il est décidé de créer une fiche référentielle concernant la prise en charge optimale d’une pathologie donnée et de l’actualiser chaque fois qu’un nouveau texte de recommandations et/ou un essai clinique pertinents conduisent à en modifier un élément ; - l’utilisation du protocole : cette fiche (tableau 1) devient un protocole de service et le médecin confronté à un patient ayant la pathologie concernée utilise la fiche pour bien appliquer la stratégie ou justifier les raisons d’une non-application ; - l’évaluation régulière : elle consiste en une approche statistique souvent simple (tableau 2) : en dénominateur est inscrit le nombre de patients hospitalisés pour la pathologie définie, en numérateur le nombre de patients auxquels a été appliqué chacun des éléments de la stratégie. Cette méthode permet d’analyser la performance et de juger des raisons d’une non-application d’un des éléments de la stratégie. L’exemple du syndrome coronaire aigu Les études ayant évalué ce type d’approche ont régulièrement mis en évidence une amélioration des performances des services. Ainsi, une initiative dénommée CHAMP (Cardiac Hospitalization Atherosclerosis Management Program) a montré que l’utilisation d’un protocole standardisé mis à jour lorsqu’une donnée importante justifiait une modification de protocole pouvait être très rapidement appliquée en pratique. Dans ce protocole, alors que les résultats de l’étude CURE, parus en mars 2001, démontraient le bien-fondé de l’association de clopidogrel et d’aspirine lors de la prise en charge d’un syndrome coronaire aigu, en avril 2001, dans cette situation clinique, chez les participants du programme CHAMP, le taux de la coprescription de clopidogrel et d’aspirine atteignait 48 % et, en août 2001, 82 %. Cette démarche peut aussi être appliquée lors de la sortie du milieu hospitalier et pour le suivi à long terme en médecine ambulatoire.   Le SCA après l’hôpital Après une hospitalisation pour un syndrome coronaire aigu, deux éléments sont importants : - l’information du patient sur sa pathologie, les facteurs de risque de sa pathologie, les bénéfices et risques des traitements proposés, et la nécessité d’avoir un suivi médical régulier ; - l’information du médecin de soins ambulatoires qui prend en charge le patient, sur la pathologie, les traitements appliqués et la raison pour laquelle certains traitements n’ont pas été appliqués, le rappel des principaux objectifs thérapeutiques et les grande modalités du suivi. Aux États-Unis, une initiative nationale d’amélioration des pratiques, CRUSADE (Can Rapid Risk Stratification of Unstable Angina Patients Suppress Adverse Outcomes with Early Implementation?) utilise une fiche de sortie destinée au patient et au médecin permettant l’information des deux parties (tableau 3). Dans ce programme, 138 719 patients ont été inclus entre juillet 2001 et mars 2005 par 521 hôpitaux ; les taux moyens de prescriptions à la sortie du milieu hospitalier étaient, pour l’aspirine de 91 % (de 96 % pour les centres d’excellence à 80 % pour les centres les moins performants) et ceux du clopidogrel de 60 % (de 68 % à 41 %). Ces taux n’ont fait qu’augmenter pendant l’étude. Ainsi, entre janvier et mars 2005, période pendant laquelle 41 952 patients ont été inclus dans le registre, les taux moyens de prescriptions à la sortie étaient, pour l’aspirine de 95 % (de 98 % à 87 %) et ceux du clopidogrel de 74 % (de 82 % à 62 %). Le traitement de sortie de l’hôpital est un élément important qui conditionne la stratégie thérapeutique en phase chronique. Ainsi, dans le registre GRACE (Global Registry of Acute Coronary Events), plus de 80 % des traitements prescrits à la sortie de l’hôpital seront encore prescrits 6 mois plus tard. Les indicateurs de qualité des soins évalués au niveau européen Le registre Euro Heart Survey fournit une démonstration pertinente de l’intérêt d’évaluer les pratiques en vue d’une amélioration de la qualité des soins et de la prise en charge des patients. Des résultats préliminaires d’Euro Heart Survey ACS III ont été présentés lors du dernier congrès de la Société européenne de cardiologie. Dans ce registre ont été inclus plus de 8 000 patients admis pour SCA dans 138 centres de 36 pays européens, répartis en trois zones géographiques (Europe centrale, Europe méditerranéenne et Europe de l’Ouest regroupant la Belgique et la France). Les indicateurs principaux de qualité de la prise en charge, permettant d’évaluer la qualité des soins, ont été définis sur la base des recommandations et corrélés à la mortalité hospitalière. Parmi ces indicateurs, ont été retenus, entre autres, les prescriptions d’aspirine, de clopidogrel, l’antagonistes du système rénine angiotensine et d’anticoagulants, durant la phase hospitalière. Si l’aspirine est largement prescrite (96,2 %) avec un bénéfice significatif en termes de survie (OR : 3,15), le clopidogrel est moins prescrit (77,1 %, 95 % en Europe de l’Ouest) malgré un bénéfice également significatif sur la survie hospitalière (OR : 2,23). À noter également qu’à la sortie, le pourcentage de prescription du clopidogrel chute à 67,5 % (85,4 % en Europe de l’Ouest). D’après Schiele F et al. Quality indicators in management of acute coronary syndromes in Europe. Results from Euro Heart Survey – ACS III. ESC Congress 2008. M. D. Le suivi ambulatoire Des fiches comparables à celles utilisées en hospitalisation peuvent être utilisées pour le suivi en ville ; elles peuvent contenir les principaux indicateurs (LDL-C, PA, etc.), les traitements nécessaires, les modalités de surveillance, etc. Il peut s’agir d’une fiche actualisant et adaptant celle fournie au patient lors de la sortie de l’hôpital. L’initiative CHAMP a démontré, avec un suivi moyen de 8 ans, que l’utilisation d’un protocole standardisé en ville après un événement aigu permet d’améliorer très significativement les pratiques, lorsque sont évalués l’atteinte des objectifs thérapeutiques et les taux de prescriptions des traitements validés. Enfin, le médecin devra avoir à sa disposition les outils et recommandations lui permettant de prendre en charge les effets secondaires et les principales situations auxquelles est confronté un patient sous une thérapeutique particulière. Ainsi, il semble logique qu’il ait à disposition aussi rapidement que possible, les recommandations pour la prise en charge de patients sous antiagrégants plaquettaires et devant avoir une chirurgie endobuccale, une endoscopie digestive, une chirurgie…   En pratique Tout indique que le recours à la seule expertise de l’esprit humain n’est plus suffisant pour assurer une médecine de qualité permettant une prise en charge des patients qui soit adaptée aux données acquises de la science. L’amélioration de la pratique passe par des solutions collégiales définissant des protocoles de soins adaptés, des outils d’application de ces protocoles et par une évaluation régulière de leur efficience. Cette évaluation doit permettre d’identifier les carences et de proposer des actions pour les corriger.

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