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Cardiomyopathies

Publié le 06 mar 2007Lecture 8 min

Sémiologie des myocardites en IRM

Ph. GERMAIN1, P.-M. COULBOIS2, Ch. JAHN1, B. FRENZEL1 et A. KOENIG3 1 hôpital Civil Strasbourg, 2 clinique St Joseph Colmar, 3 CMCO Schiltigheim

Depuis 3 à 4 ans, l’IRM avec « rehaussement tardif post-gadolinium » a trouvé des applications importantes dans les cardiopathies ischémiques (détection des petits infarctus, viabilité) mais cette technique a également permis de très bien visualiser les atteintes cardiaques en cas de myocardite et d’affirmer ainsi le diagnostic. Nous présentons ici les principaux aspects identifiables à la lumière de nos observations pendant les deux dernières années au CHU de Strasbourg.

Contexte clinique de la myocardite Les principaux tableaux cliniques de la myocardite publiés dans les n° 761 et 765 de Cardiologie Pratique sont brièvement rappelés par E. Donal dans ce numéro. Dans notre expérience, sur une période de 18 mois, 42 explorations IRM à la recherche d’une myocardite ont été réalisées (38 hommes pour seulement 4 femmes, âge moyen : 35 ± 12 ans) ; 33 patients présentaient des lésions typiques d’une myocardite ; le bilan s’est révélé négatif chez les 9 autres sujets. Dans la plupart des cas, le tableau clinique typique était celui d’une vive douleur thoracique simulant un syndrome coronaire aigu (29 fois sur 33), le plus souvent sans syndrome grippal ou infectieux associé. Face à des troubles de repolarisation à caractère équivoque, avec élévation enzymatique (moyenne à 9,2 ± 8,6 ng/ml – n < 0,1 ng/ml), une coronarographie était réalisée et l’absence de lésion sténosante significative conduisait à poser le diagnostic de myocardite. Les autres circonstances cliniques étaient une maladie de système (sarcoïdose, scléromyosite et vascularite de Churg et Strauss) et une défaillance cardiaque inaugurale avec élévation de la troponine, coronarographie normale et aspect de cardiopathie dilatée hypokinétique. La distribution saisonnière de l’affection est caricaturale comme le montre la figure 1 qui collige les 25 observations qui sont survenues durant une année, entre mai 2005 et avril 2006. La prévalence est fortement accrue en hiver avec un pic en janvier, ce qui est concordant avec la nature, vraisemblablement infectieuse virale, de ces affections. Figure 1. Important accroissement des myocardites en hiver par rapport aux autres saisons. Séquences d’IRM permettant de visualiser les foyers de myocardite Comme pour la plupart des lésions tissulaires (infarctus, tumeurs…), les foyers inflammatoires de myocardite peuvent être observés soit avec des séquences pondérées T2 sans injection de gadolinium (hypersignal T2), soit avec des séquences pondérées T1 réalisées 5 à 20 minutes après injection de gadolinium (hypersignal T1 post-gadolinium). L’apparition, en 2001, de ces séquences très fortement pondérées T1, en inversion-récupération segmentée ne nécessitant qu'une apnée d’une douzaine de battements cardiaques a grandement amélioré les performances de l’IRM pour la détection des petits infarctus et des myocardites. L’allongement du T2 résulte de l’infiltrat inflammatoire avec œdème. L’allongement du T1 post-gadolinium est la conséquence d’une quantité accrue de produit de contraste au niveau de la lésion comparativement au myocarde sain (wash-out diminué et volume de distribution augmenté, soit en raison de l’œdème à la phase aiguë, soit en raison de la fibrose à la phase chronique). La figure 2 illustre les résultats obtenus avec ces différentes séquences et montre la primauté du T1 post-gadolinium. Les séquences T1 post-gadolinium 3D sont préférables car elles permettent d’obtenir 12 coupes en une apnée et de couvrir ainsi l’ensemble du volume cardiaque avec des contrastes optimaux. La sensibilité de cette méthode est très supérieure à celle obtenue avec les séquences pondérées T2. Figure 2. Trois séquences d’imagerie peuvent montrer les foyers de myocardite : - l’image du milieu utilise la séquence de référence (inversion récupération segmentée post-gadolinium). Plusieurs foyers d’hypersignal sont visibles, distribués dans le sous-épicarde des portions médianes et distales des parois antérieure et inférieure (flèches) ; - l’imagerie T2 (séquence STIR, à gauche, effectuée avant injection de gadolinium), ne révèle qu’imparfaitement les anomalies, en méconnaissant l’atteinte de la paroi antérieure. À droite, la séquence ciné TrueFisp réalisée après injection de gadolinium (diastole en haut et systole en bas), offre un contraste T1 suffisant pour repérer les lésions inflammatoires. Comme pour l’étude de l’infarctus, l’imagerie T2 pourrait être intéressante pour discriminer les lésions récentes actives (hypersignal T2) des lésions cicatricielles chroniques (sans hypersignal T2, alors qu’un hypersignal T1 post-gadolinium restera présent). Une fois les lésions repérées avec une séquence 3D, l’analyse est complétée par d’autres orientations de coupe avec, d’une part, notamment des recoupements orthogonaux et, d’autre part, éventuellement par des séquences 2D qui offrent une meilleure résolution spatiale. Pour que le contraste soit optimal avec un myocarde « bien noir », ces séquences nécessitent un réglage du temps d'inversion (Ti) ; cela est parfois un peu délicat, obligeant à retoucher ce Ti au cours des acquisitions successives car sa valeur évolue en fonction du délai par rapport à l'injection de gadolinium. D’autres séquences particulières sont disponibles pour ces ajustements (Look-Locker) ou permettent même de s’en affranchir (PSIR). Il faut signaler que les séquences ciné actuelles (SSFP), malgré leur pondération mixte, a priori peu intéressante (en T2/T1), offrent souvent un contraste suffisant pour visualiser assez correctement les foyers de myocardite (figure 2).   La localisation des hypersignaux de myocardite est sous-épicardique Avec ces techniques, la lésion de myocardique se caractérise par une ou plusieurs plages d'hypersignal, dont le caractère sous-épicardique constitue l'élément primordial (figure 3). Figure 3. Différents types d’hypersignaux T1 post-gadolinium : localisation sous-endocardique dans l’infarctus (à gauche), hypersignal enchâssé dans l’épaisseur du myocarde en cas de cardiomyopathie hypertrophique (au milieu) et topographie sous-épicardique dans la myocardite (à droite). En effet, c'est cette localisation qui va permettre de faire le diagnostic différentiel avec les lésions d'origine ischémique dont la localisation est soit sous-endocardique soit transmurale mais jamais sous-épicardique et intéresse un territoire coronaire systématisé. Dans notre série, le doute entre ischémie et inflammation ne s’est posé qu’une seule fois sur 33 car la lésion était presque transmurale en apico-latéral (coronarographie normale). En cas de cardiomyopathie hypertrophique, les plages d’hypersignal, identifiées dans 80 % des cas, prédominent dans l’épaisseur du myocarde hypertrophié où elles apparaissent enchâssées (il s’agit de foyers de nécrose ou de fibrose segmentaire).   L'aspect des hypersignaux de myocardite est variable Il s’agissait de taches nodulaires 19 fois sur 33 et de plages plus étalées 14 fois sur 33. L’aspect le plus rudimentaire se limite à un nodule unique (figure 4). À un stade plus étendu, on observe des nodules multiples qui s’organisent volontiers en bandes verticales (figure 5). Enfin, la confluence de nombreux foyers lésionnels conduit à un aspect en large plaque sous-épicardique étendue à toute la paroi latérale (figure 6). Figure 4. Lésion centimétrique isolée inféro-latérale. Patient de 37 ans avec troponine à 4 ng/ml. Foyer d’hypersignal sous-épicardique latéral distal à contour net, prenant le tiers externe de la paroi myocardique, avec prise de contraste étendue au péricarde (coupes 4 cavités et petit axe). Figure 5. Lésions latérales en bandes chez un jeune patient de 18 ans. Multiples foyers d’hypersignal sous-épicardique de la paroi latérale. Noter l’étalement vertical en bande crânio-caudale, bien visible sur l’incidence petit axe alors que la coupe 4 cavités ne révèle que des petites lésions punctiformes éparses (intérêt des coupes orthogonales). Figure 6. Lésion latérale étendue en plaque diffuse. Patient de 22 ans avec troponine à 7 ng/ml. Aspect confluent d’hypersignal sous-épicardique de toute la paroi latérale, prenant la moitié externe de l’épaisseur myocardique et étendue au péricarde. La topographie des lésions de myocardite prédomine en latéral Dans notre étude de 33 cas, la topographie latérale des lésions sous-épicardiques est retrouvée dans 29 cas. L'atteinte touche la paroi inférieure dans 18 cas, la paroi antérieure dans 3 cas et le septum dans 2 cas seulement. Une localisation toute inféro-basale, jouxtant l’anneau mitral, a été observée plusieurs fois et requiert alors l’application d’impulsions de saturation des graisses pour s’assurer qu’il ne s’agit pas de franges graisseuses épicardiques. Enfin, des localisations multiples ont été observées dans 15 cas.   Atteinte péricardique associée L’implication du péricarde ne s’est jamais exprimée sous forme d’épanchement péricardique dans notre série de patients. Cependant, un épaississement péricardique, localisé en regard des zones d’hypersignal sous-épicardique, a été noté chez 8 patients, permettant de parler de myopéricardite (surtout en inférieur et en latéro-basal). Des exemples sont donnés dans les figures 4, 6 et 7 (où l’atteinte péricardique prédomine). Figure 7. Myopéricardite inféro-latérale chez un patient de 25 ans. Hypersignal intéressant essentiellement le péricarde inféro-latéro-basal, s’étendant sous forme d’une mince ligne sous-épicardique comportant des indentations dans la face inférieure du ventricule gauche. Répercussions sur la fonction VG Les conséquences fonctionnelles des myocardites observées dans notre série sont très limitées. La FEVG n’était inférieure à 55 % que chez 3 patients sur 33 (dont figures 8 et 9). La figure 3 montre par exemple l’absence d’anomalie de la contraction segmentaire en cas de lésions punctiformes multiples antérieures et inférieures, à l’instar des petites nécroses myocardiques sous-endocardiques qui ne s’accompagnent généralement que de peu d’hypokinésie séquellaire. La découverte d’hypersignaux sous-épicardiques post-gadolinium dans un contexte de défaillance cardiaque avec un aspect de cardiomyopathie dilatée hypokinétique laisse espérer que le processus est aigu et des observations de normalisation de l’atteinte cardiaque ont été rapportées, notamment sous immunosuppresseurs, avec disparition des hypersignaux IRM. Figure 8. Patient de 35 ans avec élévation importante de la troponine à 38 ng/ml et FEVG diminuée à 50 %. Multiples foyers nodulaires d’hypersignal sous-épicardiques intéressant les parois antérieure, inférieure et latérale. Figure 9. Foyer unique d’hypersignal sous-épicardique inféro-latéral médian chez un patient de 44 ans admis pour défaillance cardiaque inaugurale, soulevant la question de la myocardite comme facteur étiologique possible de la cardiomyopathie (VTD 320 ml, FEVG initiale à 25 %). Histoire naturelle, évolution dans le temps Sachant que les lésions histologiques associent inflammation et destruction tissulaire, il n’est pas étonnant qu’une tendance à la régression partielle des zones d’hypersignal puisse être observée lors du suivi évolutif. Cependant, chez les 5 patients que nous avons pu suivre dans les mois qui ont suivi l’épisode aigu, des foyers très similaires d’hypersignaux pathologiques ont toujours été retrouvés, sans grande régression comparativement aux données initiales. Cela doit vraisemblablement s’interpréter comme des cicatrices fibreuses au même titre que les séquelles d’infarctus. Ces territoires sous-épicardiques lésés semblent être moins importants sur le plan fonctionnel que les territoires sous-endocardiques impliqués dans les atteintes ischémiques. L’évolution clinique, électrique et biologique (marqueurs myocytaires et inflammatoires) est, du reste, très généralement favorable après 6 semaines de traitement par aspirine. En fait, l’évolution chronologique des anomalies IRM n’est pas encore bien connue et la littérature reste évasive sur ce sujet car les études longitudinales sont encore en cours.   En pratique Penser plus souvent à l’IRM lorsqu’une myocardite est suspectée L’identification d’hypersignaux sous-épicardiques postgadolinium en IRM constitue vraisemblablement le marqueur le plus sensible pour assurer le diagnostic de myocardite dans un contexte de douleur thoracique suspecte avec modifications ECG aspécifiques et élévation des marqueurs myocytaires biologiques. L’examen IRM permet en outre de cartographier les lésions et d’en préciser l’extension (notamment au péricarde, même en l’absence d’épanchement liquidien). Sauf cas particulier, cette technique ne permettra cependant pas d’éviter la coronarographie d’urgence face à un tableau de syndrome coronaire aigu. En pratique, l’examen IRM sera donc réalisé secondairement, après s’être assuré qu’il n’y a pas d’occlusion ni de sténose coronaire critique à stenter.

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