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Rythmologie et rythmo interventionnelle

Publié le 18 oct 2011Lecture 7 min

Comment diagnostiquer et traiter la dysfonction sinusale ?

B. BREMBILLA-PERROT, CHU de Brabois, Vandœuvre-les-Nancy

Le malaise chez le sujet âgé est un motif fréquent de consultations, d’hospitalisations et de demandes d’examens complémentaires multiples, enregistrement Holter, échocardiographie, test d’inclinaison et examens neurologiques. La dysfonction sinusale qui concerne habituellement les sujets âgés représente une des causes possibles de malaise et il est donc important d’en faire le diagnostic. Les recommandations européennes concernent les syncopes et il est souvent difficile de faire la part entre un simple malaise sans perte de connaissance et une vraie syncope, notamment chez le sujet âgé.

Place de la dysfonction sinusale dans l’étiologie des malaises L’incidence de la dysfonction sinusale reste peu connue car l’affection est souvent asymptomatique. On sait simplement que ce diagnostic expliquerait le motif d’implantation d’un pacemaker dans 10 (Rasmussen) à 25 % des cas (Jensen, Rockseth). Les dysfonctions sinusales sont le plus souvent d’origine dégénérative, mais elles peuvent s’observer au cours de diverses cardiopathies. Dans certains cas, elles s’associent à des arythmies atriales paroxystiques (FA, flutter) qui peuvent elles-mêmes entraîner un malaise, réalisant un syndrome brady-tachycardie. Il est souvent difficile chez le sujet âgé d’attribuer le malaise à une dysfonction sinusale car il y a habituellement des causes variées susceptibles d’expliquer les symptômes et/ou la bradycardie : – La polymédication est habituelle et il faut absolument vérifier la liste des médicaments. La recherche de la prise d’inhibiteurs calciques, de bêtabloquants, de digitaliques, d’un anticholinestérasique utilisé dans le traitement des démences, voire de Procoralan® est nécessaire en cas de bradycardie. – La recherche d’une hypotension orthostatique éventuellement favorisée par un traitement hypotenseur ou la prise de vasodilatateurs est obligatoire. – Un bilan biologique doit vérifier l’absence d’hyperkaliémie. – La notion d’antécédents de cardiopathie conduira aussi à rechercher une autre cause cardiaque de malaise ou syncope comme un trouble du rythme ventriculaire.   Diagnostic de la dysfonction sinusale (tableau 1) – L’examen clinique oriente vers ce diagnostic en présence d’une bradycardie spontanée < 50/min. – L’ECG de surface est l’examen indispensable en cas de malaise ou syncope : il peut retrouver des pauses sinusales ou une bradycardie sinusale spontanée < 50/min, ces anomalies étant notées dans 3 % des ECG d’une population admise pour syncope. L’ECG permet aussi d’évoquer d’autres étiologies en cas de bloc auriculo-ventriculaire du 1er degré, de bloc de branche, de séquelles d’infarctus du myocarde ou d’allongement de QT. – L’examen clef est l’enregistrement Holter ECG des 24 heures, voire un enregistrement de plus longue durée par des enregistreurs externes maintenant de très bonne qualité durant 15 jours ou plus si les malaises sont fréquents. Ces examens ont toutes les chances d’enregistrer une pause sinusale ou des épisodes de bradycardie sinusale. Seules les pauses > 3 sec ou des épisodes de bradycardie sinusale diurne < 40/min sont retenus comme pathologiques. En effet, s’ils ne surviennent que la nuit, ils ne sont pas spécifiques et peuvent témoigner d’une hypervagotonie, ou il faut rechercher un syndrome d’apnée du sommeil chez un sujet obèse. Il faut noter que l’interprétation de l’enregistrement Holter est souvent difficile, car les sujets âgés ont très fréquemment des extrasystoles auriculaires qui sont bloquées si elles sont précoces. Elles sont peu visibles dans l’onde T et le repos compensateur entraîné par cette extrasystole cachée peut conduire à un diagnostic erroné de pause sinusale. Ce diagnostic doit être privilégié quand il y a de nombreuses extrasystoles auriculaires au cours de l’enregistrement. – L’épreuve d’effort est utilisée parfois chez les sujets qui ont une bradycardie sinusale permanente pour voir si le patient a une adaptation physiologique de sa fréquence à l’effort ou non. Cet examen est, par ailleurs, indispensable si le malaise survient à l’effort pour rechercher d’autres anomalies (ischémie ou troubles de l’excitabilité auriculaire ou ventriculaire). – L’étude électrophysiologique fut longtemps l’examen de référence pour faire le diagnostic de dysfonction sinusale, mais est beaucoup moins utilisée. La fonction sinusale est évaluée de façon indirecte par l’étude de la pause post-stimulative. La pause dépend du cycle sinusal moyen de base et c’est le temps de récupération sinusal corrigé (TRSC) qui est utilisé en pratique ; il correspond à la valeur de TRS – le cycle sinusal moyen, et doit être de moins de 550 ms. La mise en évidence d’un TRSC > 525 ms chez un patient exploré pour syncope inexpliquée est considérée comme la cause possible de cette syncope.      En revanche, la mesure du temps de conduction sino-auriculaire (TCSA) selon les méthodes de Narula ou de Strauss est abandonnée, car leur valeur diagnostique est médiocre. Malheureusement, l’étude de la fonction sinusale réalisée en l’absence de test médicamenteux a une sensibilité qui ne dépasse guère 50 %. L’injection d’un antiarythmique de classe I de courte demi-vie (Ajmaline) a été largement utilisée pour dévoiler une dysfonction du sinus en répétant les méthodes de stimulation. Cependant, ce produit n’est plus commercialisé et il n’est plus utilisé de façon systématique en électrophysiologie. L’étude électrophysiologique est actuellement indiquée essentiellement lorsque d’autres causes de malaises peuvent être évoquées, notamment en cas de suspicion de bloc auriculo-ventriculaire devant la présence d’un bloc de branche sur l’ECG ou d’un allongement de PR et surtout en cas de cardiopathie sous-jacente et notamment des séquelles d’infarctus du myocarde pour vérifier que les symptômes ne sont pas dus à une tachycardie ventriculaire qui serait mise en évidence par la stimulation ventriculaire programmée. L’étude doit donc être complète. – Il est très rare d’avoir besoin d’implanter un enregistreur Holter (REVEAL) pour le diagnostic de dysfonction sinusale et seulement dans le cas de malaises graves avec chutes, dans l’hypothèse où les examens précédents seraient restés négatifs.   Le traitement (tableau 2) Il fait appel à l’implantation d’un pacemaker. Seules les formes symptomatiques devront être traitées par électrostimulation permanente soit si possible mono-chambre atrial, soit plus souvent sur un mode double-chambre. Les indications doivent être posées strictement car la dysfonction sinusale est fréquente chez le sujet âgé et habituellement ce sujet reste asymptomatique.      Les pauses qui ne sont que rarement très prolongées n’induisent le plus souvent que des malaises ou lipothymies brèves, sans véritable syncope. De plus, 20 % des patients implantés pour dysfonction sinusale ont à nouveau des syncopes, souvent en raison d’une cause réflexe vaso-dépressive associée. Les dernières recommandations européennes concernant les syncopes publiées en 2009 considèrent qu’il y a une indication d’implantation de pacemaker dans 3 cas : – lorsque l’on a pu prouver que le malaise ou la syncope était en rapport avec une pause sinusale (classe I niveau C), ce qui est évidemment difficilement possible à moins que le patient ne présente un malaise pendant son enregistrement Holter de longue durée ; – en cas de syncope, si le sujet a eu une étude électrophysiologique et que le TRSC est > 525 ms (classe I niveau C) ; – en cas de syncope et de maladie du sinus et pauses diurnes asymptomatiques ≥ 3 sec en l’absence de traitement (classe I niveau B). Lorsque le patient reste peu symptomatique et qu’on note une bradycardie sinusale < 50/min ou une pause de plus de 3 secondes, l’indication n’est plus que de classe II niveau C. Certains éléments aideront à prendre cette décision : – il convient d’évaluer le risque de chute, surtout chez un patient traité par anticoagulant ; – un traitement par bêtabloquant est indiqué si la dysfonction sinusale est associée à une cardiopathie ischémique ; – la dysfonction sinusale est associée à des troubles de l’excitabilité supraventriculaire (syndrome brady-tachycardie ou maladie de l’oreillette) : les patients sont souvent plus gênés par le trouble de l’excitabilité que par la dysfonction sinusale, et le pacemaker est indiqué pour pouvoir utiliser un traitement antiarythmique ou bêtabloquant.      En cas d’association avec une fibrillation ou tachycardie atriale paroxystique, le traitement aura alors trois objectifs : 1. Prévenir les arythmies atriales par la prescription antiarythmique de classe I, II ou III (amiodarone, dronédarone) selon les recommandations européennes de 2010 sur la fibrillation auriculaire, basées sur la présence d’une cardiopathie. Ces différents produits dépriment la conduction sino-atriale et risquent de majorer les troubles existants, ce qui impose le recours fréquent à l’électrostimulation définitive qui, de plus, peut avoir un effet préventif par elle-même sur les récidives d’arythmies ; la bradycardie favorise une inhomogénéité des périodes réfractaires auriculaires et donc le risque de fibrillation auriculaire. Il faut noter cependant que ce n’est pas toujours le cas et, qu’à l’inverse, la mise en place du pacemaker peut se compliquer par l’apparition d’une fibrillation auriculaire permanente. 2. Prévenir les syncopes par la stimulation permanente sur un mode atrial ou double-chambre. 3. Prévenir les accidents thromboemboliques par le traitement anticoagulant (antivitamines K - INR 2 à 2,5). Les patients âgés ont un score de CHADS2 VASC ≥ 1. Dès qu’ils ont 75 ans et en l’absence d’autres facteurs de risque, ils ont un score à 2 qui conduit à la prescription d’antivitamines K. Il faut noter que les recommandations de 2010 sur la FA ont aussi rapporté un score de risque hémorragique (HAS-BLED) où l’âge > 65 ans est un facteur de saignement. Ceci impose un contrôle plus fréquent de l’INR. Chez les autres patients qui ont des malaises peu fréquents et une bradycardie sinusale qui reste modérée ≥ 50/min ou des pauses inférieures à 3 s, il vaut mieux temporiser pour l’indication du pacemaker et confier au patient ou à son médecin la liste des médicaments qu’il ne doit pas recevoir. Il a pu être proposé des traitements de fond à base de théophylline pour accélérer la fréquence cardiaque, mais ce traitement est peu recommandé chez les sujets âgés car il peut être arythmogène.   En pratique   La dysfonction sinusale est avant tout un diagnostic soupçonné par l’enregistrement Holter ECG, mais il doit être confronté à l’histoire clinique. Une pause sinusale ne conduit pas systématiquement à l’implantation d’un pacemaker, à moins d’avoir un malaise contemporain de cette pause ; sinon il faut vérifier qu’il n’y ait pas d’autres pathologies, cardiaque ou neurologique et vérifier tous les traitements.

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