Publié le 12 sep 2006Lecture 6 min
Sténoses artérielles périphériques - Plaidoyer pour le Doppler continu
M. TANITTE, Grenoble
L’avènement du Doppler continu, il y a plus de vingt ans, a rapidement permis de mieux sérier les indications d’artériographies. L’étude vélocimétrique auditive aveugle de l’écoulement artériel points par points en fut le premier pas. L’échographie bidimensionnelle a suivi, puis couleur, puissance, harmonique, etc. sont apparues dans un deuxième temps pour se rapprocher de l’imagerie visuelle de référence qu’était l’artériographie. Que reste-t–il à présent du Doppler continu ?
Rappels pratiques de l'hémodynamique vasculaire périphérique
En fonction des territoires, les résistances peuvent être :
- élevées et l’écoulement intermittent sera systolique (muscles au repos),
- basses, et l’écoulement sera de type continu systolo-diastolique (cerveau, rein).
L’écoulement artériel de laminaire devient turbulent dès qu’existe un rétrécissement luminal important, c’est-à-dire une sténose.
L’équation de continuité reste la base des études vélocimétriques :
- à partir des vitesses enregistrables en Doppler continu, elle permet d’approcher le degré de rétrécissement, les vitesses de transfert local étant inversement proportionnelles à la section du vaisseau si le débit est constant ;
- le débit et ses variations conditionnent le retentissement sur l’écoulement. Pour un même degré de rétrécissement artériel, toute augmentation de débit entraînera une accélération des vitesses, seule variable qui sera considérablement majorée dans la zone artérielle la plus serrée (figure 1).
Figure 1. L'équation de continuité.
Qu’est-ce qu’une sténose hémodynamiquement significative au Doppler ?
L’hémodynamique se caractérise par le débit, les gradients de pression, les vitesses et les profils d’écoulement ; seuls ces deux derniers paramètres sont facilement étudiables en Doppler continu.
En périphérie, le débit est difficilement mesuré directement et le gradient est difficilement mesurable, sauf lorsqu’un brassard de contre-pression peut être posé. La sténose se caractérise par une accélération de vitesse ponctuelle. Quant aux régimes circulatoires, certaines zones présentent indiscutablement des écoulements anormaux, notamment lorsqu’existent des phénomènes de Venturi post-sténotiques avec un coup de râpe systolique (figure 2).
Figure 2. Écoulement turbulent post-sténotique.
En pratique, les lésions sont souvent en série et multiples
La collatéralité se développe au fil du temps, en même temps que la lésion tronculaire s’aggrave, ce qui rend l’étude plus difficile.
La quantification de la collatéralité reste problématique et il faut s’aider des épreuves d’effort pour majorer les débits locaux et les sténoses, s’aider aussi des manœuvres de compression sélectives pour favoriser tel ou tel système de collatéralité, en fait, faire venir le débit.
L’écho 2D permet, dans un second temps, l’analyse morphologique de l’atteinte artérielle – on passe de « l’oreille à l’œil » – et par la visualisation autorise une mesure plus précise des vitesses.
Les calcifications artérielles s’opposent au passage des ultrasons, se caractérisent par une surdité du Doppler continu et par une cécité de l’échographie 2D. Il n’y a plus d’étude directe possible et l’appréciation des lésions se fera de manière indirecte.
Les calcifications artérielles se caractérisent par une surdité du Doppler continu et par une cécité de l’échographie 2D.
L’artériographie reste la référence dans l’appréciation des lésions artérielles et a permis nombre d’études prospectives princeps bien que les critères de quantification des lésions artérielles artériographiques soient eux-mêmes discutés.
Méthodologie
On ne peut que rappeler l’importance préalable de connaître le tableau clinique avant de commencer tout examen.
Le Doppler continu, sonde crayon, simple, rapide, sans réglage, arrose l’arbre artériel et écoute directement point par point les vaisseaux en comparant un côté par rapport à son homologue :
• si les flux sont normaux et symétriques : il n’y a pas de lésion marquée ; un effort peut confirmer, en augmentant les débits, l’absence d’accélération ponctuelle et de turbulence ;
• en cas de silence audio : il s’agit soit d’une erreur de tir, soit d’une oblitération, soit d’une calcification du vaisseau ;
• en cas d’accélération ponctuelle, lors de l’étude directe : il y a un rétrécissement artériel qu’il faudra confirmer et essayer de quantifier par la Vmax, et rechercher des turbulences d’aval plus ou moins démodulation. Après avoir reconnu cette sténose, il faut la visualiser, l’écho 2D et les autres méthodes de coloriage intraluminal vont s’attacher à la préciser et à la décrire avec toujours un essai de mesure directe de la section résiduelle par rapport au diamètre « sain », essai de transposition à l’artériographie ;
• si cela est possible, l’effort sera utilisé pour augmenter le débit et faire apparaître des phénomènes de Venturi. L’étude indirecte e fera vers l’amont et vers l’aval pour apprécier le type d’écoulement et le comparer à son homologue controlatéral. L’appréciation de la collatéralité s’aidera de la topographie échographique au terme de ces manœuvres ; on doit apprécier, en fonction de la topographie lésionnelle et du retentissement hémodynamique, s’il y a une corrélation entre l’atteinte artérielle et les signes fonctionnels.
Applications générales : les trois territoires concernés
L’étage carotidien
Les études NASCET (North American Symptomatic Carotid Endarterectomy Trial) et EUSCET (European Union Symptomatic Carotid Endarterectomy Trial) ont démontré le bénéfice chirurgical de la correction des lésions carotidiennes dans les préventions primaire et secondaire des accidents vasculaires cérébraux (AVC). Les conclusions de ces études sont que plus l’atteinte carotidienne est importante et symptomatique, plus le bénéfice chirurgical l’est, pour autant que l’équipe chirurgicale soit entraînée.
Pour la rigueur scientifique, les critères de sélection ont reposé sur l’image artériographique (œil) de la lésion qui laisse supposer des perturbations d’écoulement (oreille). Les deux études avaient le même but mais la méthodologie de mesure du degré de sténose était différente, ce qui confirme la difficulté de mesure exacte de ce qu’est le véritable degré de sténose et son retentissement. Des tables de correspondances ont été éditées.
Le Doppler continu n’entend que des vélocités, c’est-à-dire qu’il ne s’occupe que de l’écoulement et de la Vmax. Il enregistre la sténose point par point pour avoir le maximum de l’accélération qui peut contraster avec l’aspect anatomique, d’autant que le débit chute souvent avec l’âge.
En écho 2D, on peut approcher l’aspect anatomique de ce qui reste la référence artériographique et correspond aux critères décisionnels initiaux, mais pas forcément à la dynamique artérielle.
La sténose sera jugée « significative « s’il y a accélération directe au Doppler, quel que soit l’aspect anatomique. Si l’accélération est absente, on conclut à la présence de lésions importantes mais non sténotiques.
D’un côté l’œil, de l’autre l’oreille…Cependant toutes les études ont été menées avec « l’œil ». On considère que la Vmax locale > 140 cm/s est en faveur d’une sténose > « 70 % », qu’une Vmax à 250 cm/s correspond à une sténose > « 80 %» ; le rapport systolique > 3 serait en faveur d’une sténose > « 70 % » .
Enregistrer des phénomènes de Venturi post-sténotiques est spécifique d’une sténose significative pour les débits qui y passent. On comprend ainsi que les sténoses en écho-Doppler puissent être appréciées par certains comme serrées, très serrées, semi-occlusives, sans donner de chiffre de rétrécissement sur des critères auditifs « non scientifiques ».
L’étage artériel rénal
Le plus souvent, l’étude se fait par balayage écoute Doppler sur les trajets artériels repérés par écho couleur. La définition de la paroi est le plus souvent médiocre en raison de la profondeur des vaisseaux.
L’accélération locale > 150 cm/s reste l’élément diagnostique fidèle pour autant que le débit ne soit pas réduit par des résistances circulatoires d’aval élevées.
L’étage artériel des membres inférieurs
La clinique oriente l’examen dans l’objet de réaliser une cartographie « hémodynamique ».
L’audition comparative Doppler continu rend très vite compte de la topographie lésionnelle, l’écho précise l’aspect, les épreuves d’effort en faisant quelques exercices musculaires simples sensibilisent la collatéralité en majorant les débits. La réécoute Doppler confirme l’importance des lésions et leur concordance clinique.
Conclusion
Le signal auditif du Doppler continu reste un outil clinique fidèle, simple, « bon marché », permettant de dépister aisément et rapidement l’atteinte sténotique artérielle et sans retentissement.
« Prêter l’oreille puis l’œil », et enfin savoir réécouter restent des éléments de base en pratique quotidienne.
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