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Rythmologie et rythmo interventionnelle

Publié le 09 sep 2008Lecture 7 min

Stimulation cardiaque : où placer les sondes ?

J. LACOTTE, J. SEITZ, Hôpital de la Pitié-Salpêtrière, Paris

De plus en plus de patients sont implantés d’un stimulateur cardiaque avec des sondes positionnées de façon originale, loin des sites classiques que sont l’apex du ventricule droit et la paroi latérale de l’oreillette. S’agit-il d’une mode ou d’une révolution ?

La force de l’habitude La possibilité d’implanter une sonde définitive n’importe où dans les cavités cardiaques droites requiert l’utilisation d’une sonde à fixation active, c’est-à-dire à vis. Pendant les premières décennies de la stimulation endocavitaire, seules les sondes à barbillons étaient disponibles. Les sites alors utilisables étaient l’apex du ventricule droit et l’auricule, régions capables d’accrocher la sonde et d’en minimiser les déplacements. Ces sites, aujourd’hui qualifiés de conventionnels, ont pourtant démontré de longue date qu’ils ne reproduisaient pas la séquence conventionnelle de l’activation cardiaque. En effet, la stimulation ventriculaire via l’apex droit était déjà considérée comme délétère par Wiggers en 1925. Ses observations, réalisées chez l’animal, concluaient à la présence d’un remodelage cardiaque consécutif à la stimulation ventriculaire à partir du myocarde commun.   Stimuler moins, stimuler mieux Les grandes études réalisées depuis ont permis de confirmer cliniquement les effets néfastes de la stimulation cardiaque, qu’il s’agisse d’insuffisance cardiaque ou de fibrillation atriale. L’origine de ces maux a longtemps fait l’objet d’un débat sur la responsabilité du mode de stimulation (simple ou double chambre), pour finalement découvrir que c’était le pourcentage de stimulation ventriculaire qui était corrélé à ces troubles. Plus le ventricule droit est stimulé, plus le patient est susceptible d’être hospitalisé pour une insuffisance cardiaque ou de présenter une fibrillation atriale, qu’il soit stimulé en VVI ou en DDD. La réponse proposée par les industriels a été de développer ces dernières années des algorithmes favorisant la conduction atrio-ventriculaire spontanée, afin de moins stimuler le ventricule. Parallèlement, les connaissances sur la physiologie des asynchronismes et leur correction par la stimulation biventriculaire ont progressé spectaculairement et ont remis en avant l’importance du positionnement des sondes.   Sites alternatifs, sites physiologiques ? Les caractéristiques du site idéal répondent à un lourd cahier des charges : bons seuils de détection et de stimulation (et parfois de défibrillation), facilité et rapidité d’implantation sans matériel dédié, taux minimal de déplacement, stabilité des paramètres électriques au long cours. À cela se rajoute le caractère physiologique de la stimulation, c’est-à-dire le respect ou la reproduction de l’activation électrique et mécanique. Naturellement, ces sites sont à rechercher près de voies de conduction, autrement dit à proximité des connexions inter-atriales et du réseau de His-Purkinje.   La stimulation ventriculaire septale : limites et incertitudes L’alternative à l’apex ventriculaire est logiquement constituée par l’infundibulum pulmonaire et les différents segments du septum. À ce jour, aucune étude randomisée n’a été réalisée à grande échelle, les nombreuses publications disponibles portant sur quelques dizaines de patients, avec généralement peu de recul. En effet, la démonstration de la supériorité de la stimulation ventriculaire septale se heurte à de nombreux problèmes : limites de la classification radiologique du site d’implantation, grande variabilité individuelle en termes d’anatomie et de conduction inter- ou intraventriculaire, bénéfice certainement long à apparaître cliniquement au plan collectif. En outre, les patients susceptibles d’être aggravés par la stimulation apicale sont bien souvent ceux qui sont aussi candidats à un système multisite. Parmi les publications récentes, citons celle de Muto (JCE 2007) : la stimulation septale est supérieure (NYHA, FE, qualité de vie) à celle de l’apex, après ablation de la jonction, chez des patients présentant une fibrillation permanente et une dysfonction systolique, cette analyse rétrospective portant sur 230 patients. Une analyse plus détaillée a été réalisée par Liebermann chez 31 patients (JACC 2006), faisant l’objet d’une étude hémodynamique invasive peropératoire, selon plusieurs configurations de stimulation (AAI, DDD apex VD, DDD latéral VD, DDD septal VD, DDD latéral VG, BIV). Ce travail confirme les effets délétères de la stimulation apicale et ceux, bénéfiques, de la stimulation gauche ou biventriculaire, mais il ne permet pas d’identifier un site ventriculaire droit supérieur dans tous les cas. Notons par ailleurs, qu’aucune donnée publiée ne rapporte un taux supérieur de complications per- ou postopératoires avec ces sites alternatifs.   À la recherche du QRS le plus fin En l’absence de certitudes ou de recommandations, le bon sens doit aujourd’hui inciter à implanter la sonde ventriculaire là où le QRS stimulé est le plus fin. Cette attitude est d’autant plus pertinente que le patient présente une dysfonction systolique et que sa conduction auriculo-ventriculaire est précaire, laissant présager une stimulo-dépendance. Cette stratégie d’implantation nécessite d’investiguer quelques sites septaux, parfois de varier les incidences radiologiques et dans tous les cas d’évaluer la durée du QRS capturé, cette mesure étant semi-quantitative via les écrans de monitoring (figures 1 et 2). Influence de la position des sondes. Patient implanté d’un stimulateur DDDR pour une dysfonction sinusale, avec un PR spontané variant entre 160 et 220 ms. Figure 1. Les deux sondes ont été implantées en position classique : sur la paroi latérale de l’oreillette et à l’apex ventriculaire. Le stimulateur est réglé avec un DAV à 200 ms. Le QRS stimulé est très large. Figure 2. La sonde atriale est toujours sur la paroi latérale de l’OD. Par contre, la sonde ventriculaire a été vissée sur le septum moyen. La programmation du stimulateur est inchangée. Le QRS stimulé reste large, mais un peu plus fin qu’en stimulation apicale. Pourquoi ne pas stimuler directement le His ? Cette solution, proposée par plusieurs équipes, n’a jamais dépassé le stade expérimental en raison des limites qu’elle présente. La capture directe du faisceau de His nécessite un repérage minutieux et sous-entend que la conduction distale est préservée. De plus, elle requiert un voltage beaucoup plus important et le recours à une sonde dotée d’une vis plus longue.   Dans l’oreillette, les enjeux sont différents, mais non négligeables Le positionnement de la sonde atriale conditionne en grande partie la durée de l’activation atriale et celle de la conduction atrio-nodale, avec des conséquences logiques sur la vulnérabilité rythmique de l’oreillette ainsi que sur le remplissage. Plus le site d’implantation de la sonde atriale est distant du nœud auriculo-ventriculaire, plus l’espace PR sera long, surtout en cas de trouble conductif intra-atrial, exposant le patient à un pourcentage de stimulation ventriculaire plus important (figures 3 et 4). Les sites les plus physiologiques semblent correspondre au septum dans sa portion haute (près du faisceau de Bachman) ou basse (près de l’ostium du sinus coronaire), les moins logiques correspondant à la paroi latérale et à l’auricule. Une réduction de la charge en FA a été rapportée par plusieurs études au bénéfice de la position septale, avec le risque de voir apparaître une écoute croisée sur ces sites atriaux proches du ventricule. Figure 3. Même position des sondes qu’en 2, mais le stimulateur a été programmé avec un hystérésis positif du DAV. Celui-ci permet d’allonger le DAV jusqu’à 350 ms afin de favoriser la conduction physiologique, mais au prix d’un PR très long, potentiellement délétère sur le remplissage. Malgré cet hystérésis, le patient risque être souvent stimulé dans le ventricule. Figure 4. La sonde atriale a été implantée sur le septum haut, la sonde ventriculaire restant en position septale. Ce site atrial permet d’obtenir une onde P plus brève ainsi qu’un PR plus court qu’en stimulation latérale de l’OD. Le stimulateur reste programmé avec un hystérésis du DAV afin de favoriser la conduction physiologique. Le pourcentage de stimulation ventriculaire sera certainement inférieur à celui de la configuration précédente. La stimulation physiologique doit-elle s’appliquer à tous les patients ? Les efforts de positionnement de sonde et de réglage du délai AV seront d’autant plus payants que le patient s’expose à une stimulation ventriculaire fréquente et qu’il existe une cardiomyopathie. Dans ces cas, il sera parfois tentant de proposer une stimulation biventriculaire, toujours plus physiologique que la stimulation droite, même si on recourt à un site alternatif. Chez de rares patients, notamment ceux porteurs d’une cardiomyopathie hypertrophique obstructive, la stimulation apicale reste la priorité pour des raisons hémodynamiques. Ces indications ont toujours été marginales et sont devenues exceptionnelles depuis l’alcoolisation septale. Une autre réserve concerne les patients implantés avec un défibrillateur, l’efficacité du choc de cardioversion semblant en partie conditionnée par la proximité de la sonde avec l’apex. L’étude SEPTAL, comparant les positions septale et apicale de la sonde de défibrillateur en aigu, devrait nous préciser s’il est possible de positionner la sonde droite sur un site plus favorable à l’hémodynamique chez ces patients généralement porteurs d’une cardiomyopathie.   En pratique À l’heure où le stimulateur cardiaque semble avoir atteint un plafond technologique, les regards se tournent vers les sondes dont on attend au mieux qu’elles resynchronisent le patient, au pire qu’elles ne le désynchronisent pas. En attendant le verdict d’une grande étude comparant les stimulations apicale, septale et biventriculaire à grande échelle, il n’y a aucune raison de se priver de visser des sondes ailleurs que dans l’auricule ou à l’apex ventriculaire.

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