Rythmologie et rythmo interventionnelle
Publié le 23 nov 2004Lecture 7 min
Stimulation cardiaque : quelles nouveautés ?
P. DJIANE, CHU Timone, Marseille, et F. HIDDEN-LUCET, hôpital Pitié-Salpêtrière, Paris
Depuis 1958, date de la première implantation d’un stimulateur cardiaque fonctionnant sur le mode asynchrone, des progrès techniques spectaculaires ont permis de nombreuses avancées. Elles ont conduit au développement de stimulateurs double chambre, des capteurs d’asservissement, de mémoires de plus en plus importantes autorisant l’automatisation de fonctions complexes et la conservation d’informations très utiles pour le suivi du patient et le diagnostic des arythmies. L’apparition de stimulateurs multisites a fait évoluer les indications d’implantation du simple traitement des bradycardies à celui de l’insuffisance cardiaque. Tout récemment, ont été mis sur le marché des stimulateurs dotés d’algorithmes spécifiques, capables de prendre en charge les tachyarythmies en tentant de les prévenir, et même de les réduire.
Automatisation des fonctions de stimulation
Mesure du seuil
Parmi les innovations dans ce domaine, la mesure automatique du seuil, appelée selon les marques autocapture ou autoseuil, représente une avancée intéressante en termes de sécurité pour le patient et d’économie d’énergie. De plus, les fonctions diagnostiques associées à cet algorithme permettent d’obtenir des informations importantes sur l’évolution du seuil.
Le stimulateur mesure périodiquement le seuil de stimulation par une succession de séquences tests à intervalles réguliers. La méthode communément utilisée pour confirmer la capture ventriculaire est la détection du signal de réponse évoquée (dépolarisation ventriculaire au voisinage de l’électrode).
Lorsqu’aucune réponse évoquée n’est détectée après un spike, il est considéré comme inefficace et le stimulateur délivre une impulsion de secours de 4,5 V/0,5 ms afin d’assurer la capture ventriculaire. Une fois le seuil déterminé, l’amplitude de stimulation est automatiquement reprogrammée en respectant une marge de sécurité variable selon les marques et parfois programmable.
La courbe d’évolution du seuil au cours du temps est disponible à chaque interrogation de l’appareil, ce qui constitue un moyen simple d’évaluer l’influence des stéroïdes, d’un traitement antiarythmique ou de l’effort, de diagnostiquer des comportements anormaux tels que des microdéplacements de sonde.
Pour le moment, cette mesure automatique du seuil, qui nécessite la détection d’une réponse évoquée d’une certaine amplitude, est disponible seulement sur le canal ventriculaire.
Recherche de complexes ventriculaires spontanés
Chez les patients présentant une conduction auriculo-ventriculaire intacte de façon permanente ou intermittente, la stimulation ventriculaire droite peut être délétère, surtout en cas de dégradation de la fonction ventriculaire gauche, car elle provoque ou aggrave une désynchronisation interventriculaire. Pour préserver le plus possible la conduction spontanée, certains stimulateurs sont dotés d’une fonction qui porte des noms différents selon les constructeurs (hystérésis du délai AV, recherche de la conduction intrinsèque, mode DDD-CAM), mais dont l’objectif commun est de rechercher la présence de complexes ventriculaires spontanés conduits en allongeant automatiquement et périodiquement le délai AV programmé d’une valeur d’hystérésis elle-même programmable. Cet allongement est maintenu tant que la conduction atrio-ventriculaire reste présente.
Les stimulateurs DDDR, AAIsafeR
Très récemment a été mis sur le marché un stimulateur DDDR, programmé sur un mode particulier, le mode AAIsafeR, disponible dans le stimulateur Symphony d’ELA Médical. Ce mode privilégie le fonctionnement du stimulateur selon une architecture AAI, ce qui implique qu’il n’y a pas de délai AV déclenché et que l’intervalle d’échappement auriculaire est déclenché sur tout événement auriculaire.
Grâce à une surveillance ventriculaire permanente, le stimulateur commute automatiquement en DDD lorsqu’une dégradation de la conduction auriculo-ventriculaire est détectée. Ainsi, une commutation temporaire sur le mode double chambre s’effectue automatiquement en cas de BAV 1 prononcé (DAV > 300–400 ms) et prolongé sur plus de 6 cycles consécutifs et en cas de BAV 2 ou 3. Si la conduction s’améliore, l’appareil commute à nouveau sur le mode AAI ; a contrario, si le nombre d’épisodes de BAV dépasse 15 par jour, une programmation automatique et définitive en mode DDD a lieu.
Ce fonctionnement particulier peut être à l’origine de l’enregistrement de quelques ondes P bloquées (3 au maximum), qu’il ne faut pas interpréter comme une anomalie de stimulation ventriculaire. Le mode AAIsafeR est recommandé en cas de dysfonction sinusale, de maladie de l’oreillette et de BAV paroxystique.
Optimisation de l’asservissement
La stimulation asservie se doit d’apporter un soutien approprié sur toute la plage d’activité des patients. Bien souvent, la programmation de l’asservissement reste un compromis entre des réglages adaptés à des efforts modérés et d’autres correspondant à des efforts plus intenses. Le réglage des paramètres d’asservissement, seuil et pente, peut s’avérer difficile à standardiser d’un patient à l’autre.
Les stimulateurs sont capables de réaliser un réglage automatique de ces paramètres en fonction des informations obtenues à partir des histogrammes de fréquence capteur. Ce réglage s’effectue en prenant comme référence un histogramme établi à partir d’un échantillon représentatif d’une population type de stimulés. Cependant, si cela est nécessaire, il est possible de modifier les paramètres pour répondre aux besoins spécifiques d’un patient en lui faisant réaliser un protocole d’effort reproduisant des exercices de la vie courante.
Une fonction de modélisation est disponible sur certains appareils ; elle fournit une représentation graphique de la réponse en fréquence avec les réglages programmés des paramètres d’asservissement ; chaque modification de ces paramètres permet de visualiser la courbe correspondante.
La modélisation capteur enregistre également la fréquence spontanée du patient durant le test, information qui permet d’évaluer sa compétence chronotrope.
Fonctions diagnostiques
À l’heure où les stimulateurs sont de plus en plus élaborés et automatisés, un des points forts des dernières générations actuellement proposés est d’incorporer des fonctions diagnostiques pointues.
Ce concept de diagnostic s’est rapidement développé avec la mise en œuvre de nombreuses améliorations autour des fonctions mémoires qui sont actuellement équivalentes à celles équipant les défibrillateurs. Comme la mise en route est automatique dès l’implantation dans les versions les plus récentes, il est difficile de passer à côté d’un trouble du rythme, dont l’heure de survenue, le mécanisme de déclenchement et la durée peuvent être précisés.
Les électrogrammes endocavitaires mémorisés (EGM), auriculaires et ventriculaires de nouvelle génération, enregistrés sur deux traces distinctes pendant l’épisode et quelques secondes avant, et leur association aux marqueurs d’événements représentent aujourd’hui une aide au diagnostic postimplantation considérable.
L’ensemble du système d’analyse diagnostique permet, en pratique quotidienne, une meilleure compréhension des arythmies, surtout à l’étage atrial, grâce à l’établissement d’un journal accompagné d’histogrammes selon l’heure de démarrage dans la journée, selon la durée de l’épisode et le nombre d’extrasystoles précédant les épisodes. Cet historique rythmique fournit des informations indispensables pour le suivi rythmologique des patients implantés pour une dysfonction sinusale ou une maladie de l’oreillette, chez lesquels les consultations régulières ne permettent pas toujours de juger de la parfaite efficacité des traitements proposés. Une optimisation thérapeutique est ainsi possible.
Prévention et thérapie des arythmies atriales
Les nouveaux stimulateurs apportent également une réponse aux trois stratégies de prise en charge des tachyarythmies atriales :
- maintien du rythme sinusal par des algorithmes de prévention ayant pour objectif la stabilisation du rythme atrial par la stimulation auriculaire préférentielle, l’accélération sur quelques battements après une ESA, l’overdrive postcommutation de mode et la limitation de la décélération de la fréquence en fin d’effort ;
- restauration du rythme sinusal, lorsque la prévention a été inefficace, en tentant de réduire les arythmies par la stimulation rapide antitachycardique ;
- contrôle du rythme ventriculaire en cas d’échec de réduction par une commutation de mode rapide, à bon escient, et par un lissage évitant les variations brutales du rythme, gênantes pour le patient.
Ce type de stimulateurs est actuellement indiqué uniquement en cas d’arythmies atriales répétées, répondant mal au traitement antiarythmique et mal tolérées chez des patients présentant par ailleurs une indication de stimulation cardiaque définitive.
Home monitoring
Ce nouveau concept, développé par Biotronik, permet une surveillance des patients à distance de façon automatique et instantanée.
Les stimulateurs équipés de ce système de transmission des données possèdent dans leur connecteur une antenne qui envoie automatiquement des données vers un boîtier externe placé au domicile du patient ou porté à la ceinture pour une transmission hors domicile. Ces données sont ensuite transmises via le réseau SMS des opérateurs téléphoniques GSM nationaux vers un centre de contrôle, d’où elles sont adressées par fax ou par Internet au cardiologue assurant le suivi du patient en l’informant, dans un délai de quelques minutes, sur son statut rythmique et l’état du système implanté. Les données sont transmises automatiquement toutes les 24 heures ou par le patient en appliquant un aimant sur son stimulateur dès lors qu’il ressent des symptômes.
Cette fonction facilite la reconnaissance précoce des événements asymptomatiques et permet une intervention plus rapide. Elle constitue une sécurité supplémentaire pour le patient, mais ne dispense pas de la réalisation des visites de surveillance routinière dont elle est le complément.
Conclusion
La stimulation cardiaque a considérablement évolué durant les 10 dernières années, avec des stimulateurs dotés d’algorithmes de plus en plus performants, respectant ou mimant la physiologie, destinés à améliorer les capacités fonctionnelles et la sécurité des patients implantés. Le volume des boîtiers restant stable, une longévité accrue des batteries est attendue grâce aux systèmes de suivi automatique des seuils de stimulation ventriculaire. Les fonctions mémoires permettent une surveillance rythmique rapprochée, plus fiable grâce à l’enregistrement d’électrogrammes de bonne qualité.
L’évolution ultérieure viendra de systèmes complémentaires de transmissions téléphoniques automatiques des données des stimulateurs au centre de surveillance, s’intégrant dans le cadre de la télécardiologie.
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