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Thérapeutique

Publié le 29 mar 2011Lecture 5 min

Les antiagrégants plaquettaires dans le diabète

L. DROUET, C. BAL dit Sollier et P. HENRY, Hôpital Lariboisière, Paris

L’ensemble des données de la littérature montre que le sujet diabétique, en particulier de type 2, a un niveau de risque similaire à celui des patients ayant eu un événement coronaire et que les diabétiques ayant un événement clinique coronaire ont un risque de récidive coronaire beaucoup plus important que le coronarien non diabétique.
L’incidence élevée des événements ischémiques cardiovasculaires au cours du diabète de type 2 s’explique par l’association de plusieurs mécanismes :
– le développement de lésions spontanées,
– la récidive de ces lésions en cas de geste endovasculaire,
– l’hyperthrombogénicité des diabétiques qui associe hyperactivité plaquettaire, hypercoagulabilité et hypofibrinolyse,
– le bénéfice des antiplaquettaires majeurs (aspirine et clopidogrel) inférieur à celui observé chez le patient non diabétique.

Les plaquettes du diabétique jouent un rôle primordial dans cette incidence des événements thrombo-ischémiques du fait de leur activité mais aussi de leur moindre réponse au traitement antiplaquettaire, en particulier aux deux traitements fondamentaux actuels : l’aspirine et le clopidogrel. On commence à mieux comprendre pourquoi les sujets diabétiques ne tirent pas le même bénéfice des traitements antiplaquettaires que les sujets non diabétiques, ce qui a des conséquences pratiques importantes et devrait permettre d’améliorer le traitement antiplaquettaire des sujets diabétiques.   Diabète et aspirine Si le bénéfice d’environ 25 % de réduction des événements cardiovasculaires par un traitement par l’aspirine observé dans la population cardiovasculaire générale s’appliquait aux diabétiques, il serait majeur, compte tenu de l’incidence de la pathologie coronaire dans cette population. Malheureusement, l’ensemble des études est assez cohérent pour montrer que tant pour les patients diabétiques qui n’ont pas fait d’accident coronaire (prévention primaire) que pour les patients diabétiques ayant fait un événement coronaire (prévention secondaire), le bénéfice de l’aspirine est nul ou en tout cas bien moindre qu’attendu par rapport à celui obtenu dans une population de patients non diabétiques(1). En revanche, la réponse des patients coronariens diabétiques aux thérapeutiques majeures (inhibiteur de l’enzyme de conversion, statine, bêtabloqueur) est de l’ordre de celle attendue chez les non-diabétiques. Il n’y a donc spécifiquement que pour l’aspirine que les diabétiques ne tirent pas un bénéfice du même ordre que celui obtenu dans la population générale. L’explication qui prévaut n’est pas celle de la mauvaise observance qui n’est pas différente chez les diabétiques et les non-diabétiques. Il semble que ce soit dû au fait que les plaquettes des patients diabétiques se caractérisent par une hyper-activabilité qui se traduit par un turn-over plaquettaire accéléré. L’accélération de la génération de nouvelles plaquettes fait qu’une part importante du pool de plaquettes circulantes se renouvelle au cours du nycthémère. Les plaquettes générées après que la prise d’aspirine a exercé son effet acétylant sont jeunes, hyperactives et non inhibées. Quand cette fraction de plaquettes non acétylées dépasse le tiers des plaquettes circulantes, elles sont capables d’entraîner les autres plaquettes (même celles déjà acétylées) dans une réaction thrombotique normale. Cela explique, comme nous l’avons montré(2), que chez un pourcentage significatif de patients coronariens, la prise d’aspirine a bien l’effet antiplaquettaire immédiat attendu mais, après quelques heures, l’aspirine n’exerce plus cette activité et cette absence de protection durable sur le nycthémère participe à expliquer les récidives thrombotiques artérielles. Les  facteurs d’accélération du turn-over sont d’abord le diabète, et tout particulièrement son déséquilibre avec les pics d’hyperglycémie, de même que les conditions associées, en particulier inflammatoires, et le tabagisme persistant. Une possibilité de contourner cette absence de maintien de l’efficacité de l’aspirine sur le nycthémère serait de répéter la prise d’aspirine sur le nycthémère. Nous avons montré que deux prises de la même dose d’aspirine (50 mg prise en 2 fois) augmentent significativement le pourcentage de patients diabétiques chez lesquels l’efficacité antiplaquettaire de l’aspirine perdure sur le nycthémère comparativement à ceux qui avaient pris la même dose mais en une seule fois(3).   Diabète et clopidogrel L’efficacité du clopidogrel (Plavix®) chez les patients diabétiques apparaît moins régulière que chez les patients non diabétiques si bien que, dans l’évaluation de la réactivité plaquettaire, sous traitement par clopidogrel, voire sous l’association de clopidogrel + aspirine, le pourcentage de patients conservant une réactivité plaquettaire forte est plus important dans la population des patients diabétiques que dans les populations de patients non diabétiques(4). Dans cette relative moindre efficacité du clopidogrel chez le patient diabétique, l’augmentation du turn-over plaquettaire peut jouer un rôle du fait de la génération de nouvelles plaquettes dont les récepteurs n’ont pas été inhibés pendant la période où le métabolite actif du clopidogel était biologiquement  disponible. Le clopidogrel agissant par inhibition irréversible des récepteurs P2Y12 plaquettaires, la récupération globale de la fonctionnalité du pool plaquettaire est nettement moins importante que celle observée pour l’aspirine. Cependant, le clopidogrel est une prodrogue qui doit d’abord être absorbée puis ne pas être catabolisée par les activités digestives et circulantes ; enfin, une fraction modérée (aux alentours de 15 %) de la molécule disponible suit un schéma métabolique assez complexe dans lequel interviennent plusieurs enzymes, en particulier le cytochrome P450 2C19 (CYP 2C19) et, plus récemment décrite, la paraoxonase-1 (PON-1)(5). Ces dernières années, un intérêt particulier a été porté aux niveaux individuels d’activité de la CYP 2C19. En effet, cette activité peut être modifiée par des interactions médicamenteuses, la CYP 2C19 étant aussi utilisée par d’autres molécules, en particulier les inhibiteurs de pompe à protons de type oméprazole, et également par des différences génétiques du fait de plusieurs polymorphismes fonctionnels situés sur ses enzymes, traduisant une variabilité individuelle de métabolisme… Cette variabilité joue un rôle, mais limité étant donné que la part la plus importante du clopidogrel (80 à 90 %) de la molécule a été dégradée par les estérases. Or, une des caractéristiques métaboliques du diabétique est de présenter une augmentation des activités estérasiques. On comprend donc que, chez les diabétiques, la part dégradée de la molécule absorbée va être plus importante. La conduite thérapeutique peut alors être : – l’augmentation de la dose de clopidogrel de façon à obtenir une quantité plus importante de molécule présentée à la voie métabolique, – l’utilisation d’antiplaquettaires ne passant pas par la voie des estérases. Parmi les nouveaux antiplaquettaires agissant comme inhibiteurs de la voie de l’ADP, à côté du clopidogrel, apparaît le prasugrel qui utilise la voie des estérases non pas pour cataboliser la molécule mais pour participer à la génération du métabolite actif. Cela pourrait expliquer les résultats de l’étude Triton, où pour la première fois un antiplaquettaire a démontré un bénéfice supérieur chez les diabétiques comparativement aux non-diabétiques : environ 30 % de réduction des événements ischémiques contre 18 %. Parmi les nouvelles molécules, le ticagrelor est directement actif, donc ni métabolisé ni catabolisé par les estérases, ce qui explique qu’il ait une efficacité du même ordre dans les populations diabétiques comme dans les populations non diabétiques.   En pratique   La meilleure compréhension de l’efficacité différentielle des antiplaquettaires chez les diabétiques comparativement aux non-diabétiques devrait dans les années à venir modifier les habitudes thérapeutiques dans cette population de patients. Il reste à confirmer cliniquement chez les diabétiques le bénéfice attendu fondé sur des arguments biologiques.

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