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Insuffisance cardiaque

Publié le 24 jan 2006Lecture 5 min

Traitement de l'insuffisance cardiaque aiguë : la place du lévosimendan

J.-N. TROCHU, CHU de Nantes

AHA

Deux essais cliniques concernant le lévosimandan dans l’insuffisance cardiaque aiguë ont été présentés. Le lévosimendan est un nouveau composé pharmacologique de la classe des sensibilisateurs de la fibre au calcium, qui combine des effets vasodilatateurs et inotropes positifs.

Ce composé maintient un niveau constant de calcium dans la fibre myocardique mais augmente la sensibilité de l’appareil contractile au calcium en favorisant les interactions calcium/protéines dans le cardiomyocyte. A contrario des autres inotropes positifs, le lévosimendan n’augmente pas la teneur en calcium dans le cardiomyocyte, mécanisme incriminé dans la surmortalité de ces composés utilisés dans le traitement de l’insuffisance cardiaque. Les effets hémodynamiques du lévosimendan sont donc caractérisés par une augmentation rapide et soutenue du débit cardiaque associée à une diminution des pressions de remplissage. L’insuffisance cardiaque aiguë, comme cela a été rappelé par A. Mebazaa, est un problème de santé publique majeur et représente 1 million de patients chaque année aux États-Unis et 1,7 million par an en Europe. Il n'existe que peu de traitements pour la prise en charge de ces patients et aucun médicament n'a jusqu'à présent montré un bénéfice réel sur la survie.   REVIVE II L'étude REVIVE II (Randomized Multicenter Evaluation of Intravenous Levosimendan Efficacy) est une étude prospective randomisée en double aveugle contrôlée qui avait pour but d'évaluer les effets du lévosimendan dans l'insuffisance cardiaque aiguë. - Six cents patients hospitalisés pour une insuffisance cardiaque aiguë avec une fraction d'éjection < 35 % et une dyspnée au repos requérant un traitement par diurétique intraveineux ont été inclus aux États-Unis, en Australie et en Israël. Le critère principal de l'étude était un critère combiné observé à 5 jours, qui prenait en compte une autoévaluation par les patients de leurs symptômes, la mortalité toute cause, la persistance ou l’aggravation clinique nécessitant le maintien des traitements par voie intraveineuse (diurétique vasodilatateur ou inotrope). Les patients ont été randomisés pour recevoir soit du lévosimendan soit en bolus suivi d’une perfusion de 24 h associé au traitement usuel, soit un placebo en plus du traitement usuel. Les patients traités par lévosimendan se sont améliorés plus souvent comparativement au groupe placebo (19,4 vs 14,6 %, soit + 33 %) et moins de patients recevant du lévosimendan se sont aggravés (19,4 vs 27,2 %, soit – 29 %, p = 0,015). Moins de patients traités par lévosimendan ont nécessité le recours à des traitements intraveineux. Il a été observé une diminution plus importante des taux de BNP dans le groupe lévosimendan avec un effet maintenu à 5 jours. La durée d’hospitalisation moyenne des patients traités par lévosimendan a été inférieure (7,0 j versus 8,9 j, p < 0,001). Cette étude n’a pas montré de différence significative entre les deux bras de traitement concernant la mortalité à 90 jours (objectif secondaire), malgré une tendance à la surmortalité dans le groupe lévosimendan. Les effets adverses les plus fréquemment rencontrés ont été une hypotension (50 vs 36 %), des épisodes de tachycardie ventriculaire (25 vs 17 %), d'insuffisance cardiaque (23 vs 27 %) et de fibrillation auriculaire (8 vs 2 %) dans le groupe lévosimendan vs placebo. Milton Packer qui a représenté ces résultats a conclu que le lévosimendan améliore significativement le statut clinique des patients hospitalisés pour une insuffisance cardiaque aiguë et que ces résultats doivent être interprétés dans le contexte de l’extrême sévérité du pronostic des patients en insuffisance cardiaque aiguë. Si l’on regroupe l’ensemble des essais cliniques concernant le lévosimendan dans l’insuffisance cardiaque aiguë ((REVIVE 1, REVIVE 2, RUSSLAN, CASINO), on observe une tendance nette à la diminution de la mortalité à 6 mois avec le lévosimendan. SURVIVE L’étude SURVIVE a été présentée par A. Mebazaa. Il s'agit d'un essai randomisé multicentrique qui compare le lévosimendan et la dobutamine sur la mortalité de toutes causes à 180 jours. Sur un total de 1 327 patients hospitalisés pour une décompensation aiguë d'une insuffisance cardiaque avec une FE inférieure ou égale à 30 % et nécessitant un traitement par inotropes IV après administration de diurétique intraveineux et/ou de vasodilatateur en raison d'une oligurie ou d'une dyspnée au repos ont été inclus et randomisés en deux bras. Le premier bras recevait un bolus de 12 µg/kg de lévosimendan suivi d'une perfusion de 0,1 à 0,2 µg/kg/min pendant 24 h. Le deuxième bras recevait de la dobutamine en perfusion intraveineuse à une posologie supérieure ou égale à 5 µg/kg/min. Finalement, 660 patients ont été traités dans chaque groupe, avec un taux d'arrêt de traitement équivalent entre les deux groupes (30 pour le groupe lévosimendan et 39 pour le groupe dobutamine). Les patients étaient âgés de 67 ± 12 ans, il s'agissait dans 60 % des cas d'hommes et 88 % avaient un antécédent d'insuffisance cardiaque ; 85 % étaient en classe IV et la fraction d'éjection moyenne était de 24 ± 5 %. À 180 jours, la mortalité de l'ensemble du groupe a été de 27 %. Il n'y a pas eu de différence significative entre les deux groupes : 173 décès dans le groupe lévosimendan et 185 décès dans le groupe dobutamine, soit une différence de 12 patients. La réduction du risque a été de 0,91 (IC 95 % : 0,74 -1,13). Cependant, si l'on se rapproche de l'administration de l'injection puisque le traitement n'était administré que pendant 24 h, on observe une réduction du risque plus importante avec un HR de 0,72 (IC 95 % 0,44 -1,16), et à 31 jours un HR de 0,85 (IC 95% 0,63 - 1,15). Dans l'étude lévosimendan, une diminution du BNP (- 600 %) a été observée le premier jour ; ce résultat s’est maintenu au cinquième jour. Pour la dobutamine, la réduction a été inférieure, de l'ordre (- 400 %) au premier jour avec une réaugmentation des taux pour atteindre - 200 % au cinquième jour. Concernant la sécurité d'utilisation, une hypotension était observée dans 16 % des cas pour le lévosimendan et 14 % pour la dobutamine, il existait davantage d'épisodes d’insuffisance cardiaque dans le groupe dobutamine (17 %) que dans le groupe lévosimendan (12 %), mais une plus grande fréquence de fibrillation auriculaire dans le groupe lévosimendan (9 %) que dans le groupe dobutamine (6 %). La fréquence de la tachycardie ventriculaire a été identique dans les deux groupes (lévosimendan 8 % et dobutamine 7 %). A. Mebazaa a conclu qu’à 5 jours, les effets du lévosimendan permettent d'améliorer les symptômes et l'évolution clinique comparativement au placebo, de diminuer davantage les taux de BNP comparativement au placebo et à la dobutamine. On observait moins d'épisodes insuffisance cardiaque mais une fréquence plus élevée d'épisodes de fibrillation auriculaire à la fois dans l’étude REVIVE et SURVIVE. Le lévosimendan apparaît donc comme une alternative efficace au traitement usuel chez les patients insuffisants cardiaques en classe IV de la NYHA avec un pronostic à court terme extrêmement péjoratif. Ces deux études soulignent par ailleurs la difficulté à évaluer le bénéfice et à démontrer une efficacité des traitements médicamenteux dans cette population très particulière de patients en insuffisance cardiaque aiguë.

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