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Congrès et symposiums

Publié le 09 mar 2004Lecture 7 min

Traitement hormonal substitutif de la ménopause et effets vasculaires des estrogènes

M. AZIZI, HEGP, Paris, *d’après la communication de M. Beaufils, Paris et **d’après la communication de J.-F. Arnal, Toulouse

XXIIIes Journées de l'hypertension artérielle

Jusqu’aux résultats très récents de l’étude nord-américaine WHI (Women’s Health Initiative) les indications du traitement hormonal substitutif étaient, à court terme, les troubles climatériques de la ménopause (bouffée vasomotrice, sécheresse des muqueuses, baisse de la libido, vieillissement cutané, etc.) et, à long terme, la réduction du risque fracturaire, de cancer colique, de maladie coronaire et de l’incidence des troubles cognitifs. Les résultats de WHI ont remis en cause les effets bénéfiques supposés des estrogènes et conduit l’AFSSAPS à émettre de nouvelles recommandations.

Le traitement hormonal substitutif a été considéré comme protecteur cardio-vasculaire pendant des décennies, sur la base des études d’observation montrant que la ménopause naturelle ou postchirurgicale était associée à une augmentation du risque cardio-vasculaire et à des anomalies métaboliques potentiellement athérogènes (augmentation du LDL cholestérol et baisse du HDL cholestérol, résistance à l’insuline et redistribution des graisses du tissu adipeux) et sur la base d’études de cohortes telle la Nurses’ Health Study (NHS). Dans la NHS, le risque relatif de survenue d’un événement coronarien était réduit de 50 % si les patientes utilisaient un traitement hormonal substitutif. Une métaanalyse ultérieure ayant inclus plusieurs cohortes a confirmé l’amplitude de la réduction du risque relatif en présence d’un traitement substitutif de la ménopause. Cependant, les études de cohortes n’étaient pas exemptes de biais : en effet, les femmes qui prenaient un traitement hormonal substitutif avaient un niveau d’éducation supérieur, étaient en général en meilleure santé, ce qui amplifiait l’effet favorable du traitement hormonal substitutif.   Les études qui ont semé le doute     C’est dans ce contexte que l’essai HERS, publié en 1998, puis l’essai WHI ont jeté un doute sur les effets bénéfiques du traitement hormonal substitutif en prévention cardio-vasculaire.    HERS L’essai HERS a comparé l’efficacité d’un traitement à base d’estrogène équin à la dose de 0,625 mg/j associés à 2,5 mg/j d’acétate de médroxyprogestérone au placebo chez des femmes ménopausées coronariennes. Après 4 ans d’essai, aucun effet net du traitement hormonal substitutif n’a été observé sur l’incidence de l’insuffisance coronaire comparativement au placebo (risque relatif 0,99 ; IC 95 % : 0,8-1,22). On a même observé une tendance à l’augmentation du risque d’infarctus du myocarde pendant la première année de traitement, qui diminuait dans un deuxième temps. Le traitement hormonal substitutif a augmenté de façon importante le risque de thrombose veineuse (risque relatif : 2,89 ; IC 95 % : 1,5-5,56). WHI Les résultats de l’étude WHI ne plaident pas non plus en faveur de l’utilisation d’une hormonothérapie substitutive en prévention cardio-vasculaire primaire. Cet essai randomisé à double insu a inclus 16 608 patientes ménopausées sans antécédent cardio-vasculaire, qui ont reçu soit 0,625 mg/j d’estrogène équin conjugué et 2,5 mg/j d’acétate de médroxyprogestérone, soit un placebo pendant 5 ans ; 66 % des pa-tientes étaient âgées de plus de 60 ans et 21 % des patientes de plus de 70 ans. L’essai a été interrompu de façon prématurée car le risque relatif de survenue de maladie cardio-vasculaire et de certains cancers a augmenté dans le groupe traité. Ainsi, le risque relatif de survenue d’un événement coronarien a augmenté de 29 % (risque relatif : 1,29 ; IC 95 % : 1,02-1,63), celui d’accident vasculaire cérébral de 41 % (risque relatif : 1,41 ; IC 95 % : 1,07-1,85) et celui d’événement thromboembolique veineux de 211 % (risque relatif : 2,11 ; IC 95 % : 1,39-3,25). Cette étude a aussi montré une augmentation du risque de cancer du sein diagnostiqué à un stade plus avancé (risque relatif 1,60). Le risque de cancer du sein a été plus important chez les patientes traitées par l’association estrogène-progestatif que chez celles traitées par estrogène seul. Il a diminué dès l’arrêt du traitement pour disparaître progressivement dans les 5 ans. Il n’a pas été observé d’augmentation du risque du cancer de l’endomètre lorsque les estrogènes étaient associés à un progestatif. Finalement, contrairement à ce qui était attendu, il n’y a pas eu d’effet protecteur du traitement hormonal substitutif sur les troubles cognitifs, le traitement pouvant même accroître le risque de démence chez les femmes de plus de 65 ans.   Recommandations de l’AFSSAPS   Chez les femmes souffrant de troubles du climatère Le rapport bénéfice/risque du THS reste favorable dans les troubles du climatère perçus par la patiente comme altérant sa qualité de vie. Dans cette situation, le traitement peut être instauré si la femme le souhaite, à la dose minimale efficace, pour une durée la plus courte possible. Toutefois, à l’instauration du traitement, les patientes doivent être clairement informées des risques inhérents à ce traitement. De plus, le traitement doit être réévalué régulièrement, au moins une fois par an, en prenant en considération l’évolution du rapport bénéfice/risque. Cette réévaluation pourra s’accompagner d’une suspension temporaire du traitement afin de contrôler la persistance du syndrome climatérique et sa sévérité.  Chez les femmes ménopausées ayant des facteurs de risque d’ostéoporose Dans la prévention du risque fracturaire, le rapport bénéfice/risque du THS, quel que soit le produit envisagé, est défavorable sur la base des données actuellement disponibles. L’administration d’un THS pourra être envisagée chez la femme ménopausée qui a un risque élevé de fractures, uniquement lorsqu’elle présente une intolérance à un autre traitement indiqué dans la prévention de l’ostéoporose et après une évaluation individuelle précise et soigneuse du rapport bénéfice/risque. La place exacte de cette indication de deuxième intention dans la stratégie de prise en charge de l’ostéoporose chez la femme ménopausée reste à préciser. Chez les femmes ménopausées en bonne santé sans trouble du climatère et sans facteur de risque d’ostéoporose Dans cette situation, la prescription de THS n’est pas recommandée, en raison d’un rapport bénéfice/risque défavorable. Rappel concernant toutes les indications Avant d’initier ou de réinstaurer un THS, un examen clinique complet (y compris analyse des antécédents familiaux) doit être effectué. Un examen régulier des seins doit être pratiqué selon les recommandations en vigueur (palpation, mammographie, échographie, etc.) et adapté en fonction des cas individuels. Le THS est contre-indiqué en cas de cancer du sein connu ou suspecté, ou d’autres tumeurs estrogéno-dépendantes connues ou suspectées (par ex. cancer de l’endomètre). L’utilisation d’un THS chez des patientes présentant des antécédents d’accident thromboembolique veineux ou un état thrombotique connu nécessite une évaluation attentive du rapport bénéfice/risque. Le THS est contre-indiqué en cas d’accident thrombo-embolique veineux en évolution, ou d’antécédents thromboemboliques veineux récidivants, ou de maladie thrombotique connue chez une patiente non encore traitée par anticoagulants. Le THS est également contre-indiqué dans les situations suivantes : - hémorragie génitale sans diagnostic établi, - accident thromboembolique artériel récent ou en évolution, - affection hépatique aiguë ou chronique, ou antécédents d’affection hépatique, jusqu’à normalisation des tests hépatiques, - hypersensibilité aux principes actifs ou à l’un des excipients.   Effets vasculaires des estrogènes     J.-F. Arnal (Toulouse) a tenté de réconcilier les résultats négatifs des essais de prévention par le traitement hormonal substitutif et les résultats des observations faites dans les modèles expérimentaux d’athérosclérose. Effets bénéfiques • L’œstradiol prévient l’apparition des stries lipidiques, c’est-à-dire le stade le plus précoce de l’athérosclérose, dans tous les modèles d’animaux expérimentaux. • Il augmente aussi la production du monoxyde d’azote (NO) par l’endothélium vasculaire. Cet effet, médié par le récepteur alpha des estrogènes (ERa), est probablement bénéfique à un stade plus avancé de l’athérosclérose en raison des propriétés vasodilatatrices et antiagrégantes du NO. • Dans un modèle d’agression électrique de la carotide de souris, l’œstradiol accélère la vitesse de réendothélialisation, et donc le processus de cicatrisation artérielle. • L’œstradiol prévient aussi les phénomènes apoptotiques induits par le TNFa et pourrait prévenir la synthèse de molécules d’adhérence par cellules endothéliales. L’ensemble de ces propriétés des estrogènes pourraient expliquer leur effet bénéfique à un stade précoce de l’atteinte vasculaire. Effets délétères • L’estradiol pourrait avoir un effet néfaste sur la stabilité de la plaque d’athérosclérose établie. En effet, chez les souris ayant une inactivation génique de l’apo E, du récepteur a et du récepteur b des estrogènes, l’estradiol prévient la formation de la chape fibromusculaire qui stabilise la plaque d’athérosclérose. En empêchant ou en ralentissant le processus de cicatrisation des stries lipidiques, les estrogènes pourraient alors favoriser l’instabilité des plaques. Cet effet pourrait expliquer l’augmentation de la fréquence des accidents cardio-vasculaires dans les mois qui suivent l’instauration d’un traitement hormonal substitutif, comme cela a pu être observé dans les études HERS et WHI.   • L’interférence de l’œstradiol avec la production d’interféron gamma par les lymphocytes pourrait aussi contribuer aux phénomènes d’instabilité de plaque d’athérosclérose et favoriserait la rupture de plaque. Ainsi si les estrogènes apparaissent bénéfiques à un stade précoce de l’athérosclérose (strie lipidique), ils semblent inefficaces à des stades tardifs du processus athéroscléreux. En outre, certains arguments indirects suggèrent qu’ils puissent favoriser la rupture de la plaque d’athérome déjà constituée.

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