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Rythmologie et rythmo interventionnelle

Publié le 23 mar 2010Lecture 8 min

Traitement médicamenteux des orages rythmiques

X. COPIE, G. LASCAULT, O. PAZIAUD, O. PIOT, Centre Cardiologique du Nord, Saint-Denis


Les Journées européennes de la SFC
Les orages rythmiques reçoivent une attention toute particulière depuis l’invention du défibrillateur implantable. De plus en plus de patients survivent à un orage rythmique, défini comme la survenue d’au moins 3 épisodes en moins de 24 heures de troubles du rythme ventriculaire nécessitant un traitement par le défibrillateur. Cette complication redoutable nécessite, certes, l’intervention du rythmologue mais surtout une prise en charge concertée avec le cardiologue réanimateur, parfois le coronarographiste et, pour le pronostic à long terme, une intervention et surveillance accrue par le cardiologue traitant.

Le choc approprié : un coup de tonnerre dans un ciel déjà chargé Initialement, le défibrillateur a été conçu pour traiter les patients présentant des troubles du rythme ventriculaire graves (prévention secondaire). La survenue d’un traitement approprié était alors un événement courant. Dans l’étude AVID qui avait inclus des patients ayant eu un trouble du rythme ventriculaire engageant le pronostic vital, 45 % des sujets implantés avaient eu un traitement approprié au cours de la première année. Progressivement, le défibrillateur s’est imposé comme un des aspects du traitement de l’insuffisance cardiaque (prévention primaire). Dans cette population qui n’a jamais fait de trouble du rythme ventriculaire symptomatique avant l’implantation, la survenue d’un choc approprié est plus rare. On estime que 20 à 35 % des patients auront un choc approprié entre 1 et 3 ans après l’implantation. Et ce choc approprié va s’accompagner d’une mortalité multipliée par 2 à 5, essentiellement du fait de la progression de l’insuffisance cardiaque. L’orage rythmique : une forme maligne de chocs appropriés Définir un orage rythmique comme la survenue de 3 traitements appropriés en moins de 24 heures est une commodité statistique. Ce choix de seuils dichotomiques (3 chocs, 24 heures) permet d’individualiser une sous-population particulièrement à risque, mais sans grande cohérence biologique. Trois chocs en moins de 24 heures seraient un événement grave, tandis que 3 chocs en 26 heures ne le seraient pas. Les lecteurs intéressés pourront se reporter au papier du statisticien Altman dans le BMJ de mai 2006 sur l’incohérence de choisir des seuils de dichotomie pour des variables continues. Si la survenue d’un choc approprié chez un insuffisant cardiaque est un événement grave, la répétition rapprochée de chocs appropriés est un événement très grave. En lui-même, dans sa phase aiguë, un orage rythmique peut menacer le pronostic vital. Les deux complications immédiates à redouter sont l’échec de la défibrillation et le choc cardiogénique. À moyen terme, ces patients sont menacés par une récidive de trouble du rythme et la progression de l’insuffisance cardiaque. Prise en charge immédiate Un orage rythmique peut se présenter sous plusieurs formes Parfois on découvre à l’interrogation de surveillance du défibrillateur que le patient a eu plusieurs stimulations antitachycardiques (dites ATP pour AntiTachycardia Pacing) appropriées à intervalle rapproché. On s’assure en analysant les mémoires que l’ATP a toujours été optimal et on ajuste éventuellement la programmation. Mais l’essentiel est ailleurs. Il faut s’assurer que le traitement de la cardiopathie sous-jacente est optimal, ce qui nécessite une collaboration rapprochée avec le cardiologue traitant (voir « Prise en charge à long terme »). L’orage rythmique peut aussi se présenter comme des chocs répétés. Si ces chocs ont cessé, il faut contrôler le défibrillateur rapidement, et toujours avant 24 heures. Le patient peut venir en véhicule sanitaire simple ou accompagné par son entourage. Il faut lui demander de ne pas conduire lui-même pour venir. L’interrogation du défibrillateur permettra de confirmer le caractère approprié et l’efficacité de chaque choc. En fonction du contexte, une hospitalisation sera décidée. Une nouvelle fois l’optimisation de la prise en charge pour le long terme est fondamentale. Dans sa forme la plus redoutable, l’orage rythmique se présente comme des chocs incessants appropriés délivrés par le défibrillateur. Le pronostic vital est immédiatement mis en jeu. Un transport médicalisé est nécessaire suivi de l’admission en réanimation cardiaque. En urgence, l’application d’un aimant sur le défibrillateur inhibe (très généralement) l’administration des traitements. Cette application de l’aimant doit donc être faite sous surveillance continue de l’électrocardiogramme, et se justifie si le trouble du rythme ventriculaire est suffisamment bien toléré pour attendre l’efficacité du traitement médical mis en route immédiatement. En réanimation, on tentera de rassurer le patient Une sédation par administration intraveineuse de benzodiazépines est souvent nécessaire, voire une sédation plus profonde nécessitant alors intubation et ventilation. Si la kaliémie est normale ou basse, on administre du potassium ou du canrénoate de potassium (Soludactone®). L’intérêt du magnésium intraveineux est discutable. Très rapidement, on doit rechercher et traiter une cause aiguë réversible : hypokaliémie, ischémie myocardique, détresse respiratoire aiguë – notamment sur OAP, médicament arythmogène, hyperthyroïdie. Mais le plus souvent – 75 % des cas – il n’y a pas de cause réversible retrouvée. Une fois éliminée une cause réversible, le traitement dépend du type de trouble du rythme ventriculaire (tachycardie ventriculaire polymorphe/fibrillation ventriculaire ou tachycardie ventriculaire monomorphe) et de la cardiopathie sous-jacente (cardiomyopathie ischémique ou non ischémique). Dans tous les cas (tableau), on envisagera l’administration d’un bêtabloquant intraveineux si la fréquence cardiaque et l’hémodynamique le permettent (2,5 à 10 mg d’aténolol ou de métoprolol). Très rapidement, une perfusion d’amiodarone est débutée (300 mg en une heure suivis de 1 200 mg sur 24 heures). Si la cardiomyopathie est ischémique et la tachycardie polymorphe (ou une fibrillation ventriculaire), on recherchera avec grand soin une ischémie myocardique (clinique, ECG, troponine, voire coronarographie en urgence au moindre doute). Dans les autres cas de figure, une ischémie myocardique est statistiquement moins probable mais ne doit pas être méconnue. Si le patient présente des tachycardies ventriculaires monomorphes, l’adaptation en urgence des modalités de l’ATP peut être nécessaire pour éviter les chocs inappropriés, et parvenir à réduire les accès de tachycardie ventriculaire uniquement par la stimulation. L’ablation par radiofréquence a parfois sa place en urgence pour le traitement des tachycardies ventriculaires incessantes. L’ablation de la fibrillation ventriculaire est possible comme cela avait été montré par l’équipe de Bordeaux. Surtout l’ablation des tachycardies ventriculaires monomorphes est une pratique bien codifiée dans les centres expérimentés et constitue un recours de toute première importance lorsque le patient ne répond pas au traitement médical. Figure. Choc approprié chez un patient porteur d’un défibrillateur. Ce patient a été implanté en 2003 pour une cardiomyopathie ischémique avec des salves de tachycardie ventriculaire, une tachycardie ventriculaire inductible par stimulation, et une contre-indication à l’usage de l’amiodarone (hyperthyroïdie). Plus de six ans après l’implantation de son premier défibrillateur, il a reçu des chocs appropriés pour des fibrillations ventriculaires récidivantes rapprochées. La prise en charge a consisté à mettre en évidence une évolution de l’insuffisance coronaire avec l’apparition d’une sténose serrée de l’IVA proximale traitée par angioplastie et à adapter le traitement médical en renforçant les bêtabloquants. Deux cas particuliers méritent notre attention Un orage rythmique dans le cadre d’un syndrome de Brugada peut avoir des conséquences dramatiques chez des sujets jeunes, sans atteinte cardiaque anatomique. Dans ce cas, l’administration de quinidiniques peut vraisemblablement contrôler la situation. Il a aussi été montré que l’accélération de la fréquence cardiaque par l’isoprotérénol peut avoir un intérêt. On se souviendra que l’orage rythmique chez un sujet porteur d’un syndrome de Brugada est une contre-indication à l’utilisation des bêtabloquants. De même, il faudra traiter avec efficacité toute hyperthermie. Parfois des tachycardies ventriculaires polymorphes sont des torsades de pointes, notamment chez l’insuffisant cardiaque traité par amiodarone ou sotalol. Le diagnostic peut être difficile, surtout si les tachycardies sont interrompues par le défibrillateur et que l’on n’a pas d’enregistrement électrocardiographique externe. Il est cependant important d’en faire le diagnostic pour ne pas traiter ces patients par amiodarone, comme dans d’autres cas de tachycardies ventriculaires polymorphes. On s’aidera de l’ECG au mieux en tachycardie, sinon en rythme sinusal en analysant la fréquence cardiaque et le QT. On recherchera une hypokaliémie. Le traitement des torsades de pointes repose sur l’interruption du médicament arythmogène, l’augmentation de la kaliémie et l’accélération de la fréquence cardiaque (ce qui est facile à réaliser en reprogrammant la fonction de stimulation du défibrillateur). Prise en charge à long terme Le traitement à long terme doit comporter deux axes : la réévaluation globale du traitement de l’insuffisance cardiaque et la prévention antiarythmique spécifique. L’orage rythmique est un indice de mauvais pronostic, notamment de tournant évolutif de l’insuffisance cardiaque. Après un orage rythmique, l’optimisation des traitements et une surveillance cardiologique rapprochée sont fondamentales. La collaboration avec le cardiologue traitant permettra la réévaluation du traitement de l’insuffisance cardiaque, notamment l’optimisation des doses de bêtabloquant (on visera par exemple 50 mg de carvédilol ou 10 mg de bisoprolol) et de vasodilatateur (l’objectif est de 10 mg de ramipril ou 20 à 30 mg de lisinopril). L’ajout d’un traitement par spironolactone ou eplérénone doit être envisagé. Les statines auraient un effet antiarythmique et leur utilisation doit être large. La prévention des désordres hydro-électrolytiques est très importante. La recherche et le traitement d’une insuffisance coronaire sont aussi de toute première importance. En fonction des situations, notamment dans l’insuffisance cardiaque avec un bloc de branche gauche large, une resynchronisation doit être discutée si le patient n’en bénéficie pas déjà. Si un système de resynchronisation est déjà en place, les réglages doivent être optimisés en s’aidant de l’échographie cardiaque. Enfin, chez certains patients, la survenue d’un orage rythmique peut être l’occasion de discuter une assistance ventriculaire gauche ou la mise sur liste de transplantation cardiaque. La prévention des récidives d’orages rythmiques repose aussi éventuellement sur l’administration d’un traitement antiarythmique. Les possibilités sont limitées. Le sotalol peut être utilisé. Un essai a montré qu’une dose de 160 à 320 mg prévenait le risque de décès ou de survenue d’un premier choc. Cependant, le sotalol n’est vraisemblablement pas un bon traitement de l’insuffisance cardiaque. Dans des situations particulières et toujours chez des patients porteurs d’un défibrillateur, il nous arrive d’associer bêtabloquant de l’insuffisance cardiaque et sotalol. Le traitement antiarythmique le plus souvent utilisé est l’amiodarone. Son association au traitement bêtabloquant est bien établie. La limite de l’amiodarone est liée aux effets secondaires extracardiaques et notamment l’hyperthyroïdie. En pratique L’orage rythmique met en jeu le pronostic vital à court terme mais aussi à long terme. Son pronostic doit être amélioré par une prise en charge adaptée en urgence et par l’optimisation des traitements au long cours lorsque cela est possible.

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