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Chirurgie

Publié le 22 mar 2005Lecture 7 min

Une technique d'avenir : la chirurgie mitrale mini-invasive assistée par vidéo

J.-F. OBADIA, hôpital cardio-thoracique Louis Pradel, Lyon

Au cours des dernières années, les progrès de la chirurgie mitrale ont été considérables : meilleure connaissance de l’anatomie fonctionnelle, amélioration des techniques de chirurgie conservatrice, précision des indications chirurgicales, prise en charge de la fibrillation auriculaire. Les résultats de cette chirurgie ont ainsi été optimisés avec une mortalité postopératoire souvent < 1 % dans le groupe de la chirurgie programmée des insuffisances mitrales dystrophiques accessibles à une réparation. Dans un tel contexte, le développement d’une nouvelle approche telle que la chirurgie mini-invasive est une entreprise délicate car il est éthiquement quasiment impossible d’accepter la morbi-mortalité habituellement associée à toute courbe d’apprentissage. C’est dans cet esprit que nous avons décidé d’adopter, prudemment et progressivement, cette nouvelle technique en essayant d’éviter toute détérioration dans la qualité des résultats par rapport à la technique de référence réalisée par sternotomie.

Technique chirurgicale mini-invasive   Technique Elle consiste en une courte incision de 4 à 6 cm dans le sillon sous-mammaire puis en une traversée du 4e espace intercostal. Aucun écarteur rigide n’est utilisé (figure 1). C’est entre deux côtes non écartées, que des instruments chirurgicaux adaptés sont introduits (figure 2). Deux incisions de 5 mm sont associées sur la ligne axillaire médiane pour l’introduction de l’endoscope vidéo et du clamp transthoracique. Ces deux derniers orifices sont utilisés en fin d’intervention pour la mise en place des deux drains thoraciques (figure 3). La circulation extracorporelle est complètement exclue du champ opératoire et introduite en périphérie par ponction vasculaire tant au niveau jugulaire que fémoral. Figure 1. Écarteur souple en tissu autorisant la traversée du 4e espace intercostal à travers une incision cutanée de 4 à 6 cm sans écarter les côtes. Figure 2. Introduction des instruments adaptés à travers la courte incision intercostale pendant que le regard contrôle le geste sur l’écran de la colonne vidéo. Figure 3. Vue postopératoire le lendemain de l’intervention. P = orifice de ponction jugulaire pour la canulation de la CEC. D1 et D2 = orifices des drains thoraciques postopératoires qui correspondent aux orifices d’introduction peropératoire du clamp aortique et de l’optique de la vidéo. In = incision de 4 cm en regard du 4e espace intercostal. E = orifice de sortie des électrodes épicardiques temporaires postopératoires qui correspond à l’orifice d’introduction peropératoire du manche de l’écarteur mitral. Apprentissage Cette technique impose l’acquisition d’une gestuelle différente avec un matériel ancillaire adapté pour travailler à travers la paroi à l’intérieur des cavités cardiaques pendant que le chirurgien suit les gestes sur un écran de contrôle (figure 4). Après une période d’adaptation favorisée par un apprentissage sur fantôme, l’exposition sur la valve mitrale est perçue comme bien meilleure, l’angle d’approche est direct et anatomiquement beaucoup plus logique qu’à travers une sternotomie classique. L’amplification de l’image fait que la valvule mitrale peut occuper l’ensemble de l’écran vidéo (figures 5 et 6) avec des dimensions multipliées par 5 ou 10. Les gestes gagnent en précision et, à terme, avec l’amélioration des matériels et l’expérience croissante des chirurgiens, on est en droit d’attendre une qualité au moins égale et probablement supérieure à celle des voies d’abord traditionnelles telles que la sternotomie ou la large thoracotomie droite. Figure 4. Lors d’une réparation, l’anneau mitral descend en direction de l’incision, il va traverser le 4e espace intercostal, puis il glissera jusqu’à l’anneau sous contrôle vidéo le long des fils de sutures bien visibles sur l’écran. Figure 5. Rupture de cordage. L’image de cette mitrale occupe tout l’écran de contrôle, soit une dimension de plus de 30 cm de diagonale. Figure 6. Test à l’eau attestant de la qualité de la réparation valvulaire. Notre expérience Elle a été progressivement et rapidement croissante, avec aujourd’hui plus de 100 patients opérés par cette technique, 21 malades en 2002, 42 malades en 2003 et 38 malades au cours du 1er semestre 2004, soit une expérience doublant pratiquement chaque année. Il s’agissait de 28 femmes et 73 hommes âgés de 29 à 83 ans avec 77 insuffisances mitrales dystrophiques, 17 valvulopathies mitrales rhumatismales, 4 tumeurs cardiaques (3 myxomes de l’oreillette gauche, 1 thrombus de l’oreillette droite) et 3 endocardites sur sondes de pacemaker. La prudence nous a conduits à privilégier les réparations simples avec 93 % de prolapsus isolé de P2 parmi les valves réparées. En effet, les atteintes commissurales ou complexes sur le feuillet antérieur étaient, dans cette expérience initiale, considérées comme des contre-indications de l’approche mini-invasive.   Morbi-mortalité Notre objectif initial de sécurité pour cette courbe d’apprentissage a ainsi pu être atteint. La mortalité comprend un seul décès indépendant de la technique ; il s’agissait d’une endocardite du cœur droit chez une femme de 78 ans, décédée dans un tableau d’IVD après 2 mois de séjour en réanimation. Outre la morbidité classique, 1 BAV appareillé, 2 reprises pour hémostase, 2 drainages secondaires d’épanchements et 1 infarctus périopératoire électrique et enzymatique sans conséquence clinique, on note 7 lymphocèles du scarpa, 3 emphysènes sous-cutanés. Ces deux dernières complications, présentes au début de notre expérience, ont aujourd’hui pratiquement disparu. Enfin, notons une insuffisance aortique modérée par probable atteinte d’une sigmoïde lors de la mise en place des fils de l’anneau mitral. Une seule conversion en sternotomie a été nécessaire en fin de circulation extracorporelle pour un contrôle d’hémostase, sans conséquence clinique pour le patient. Les pertes sanguines et les arythmies supraventriculaires postopératoires ont notablement diminué. L’esthétique de la petite incision complètement dissimulée dans le sillon sous-mammaire est évidente, en particulier chez la femme (figure 7). En outre, cette approche pariétale de 4 à 6 cm est beaucoup moins douloureuse dès lors que la technique est complètement maîtrisée et que le chirurgien n’emploie plus aucun écarteur rigide, ce qui a été le fruit d’une acquisition lente et progressive, mais tout à fait sensible. Figure 7. L’incision cutanée disparaît complètement dans le sillon sous-mammaire. Résultats Les résultats valvulaires, et en particulier les contrôles échographiques postopératoires, sont comparables à ceux habituellement obtenus par sternotomie tant pour les gestes simples (remplacements prothétiques, exérèses tumorales) que pour les réparations mitrales. La durée du séjour hospitalier n’a pas été modifiée de façon significative dans notre expérience. Les habitudes tenaces de prise en charge au décours d’une chirurgie cardiaque font qu’il est difficile de descendre en dessous d’une semaine d’hospitalisation, même s’il nous a été possible, de façon ponctuelle, de renvoyer des patients à leur domicile dès le 5e jour. De plus, chez les patients en indication prophylactique à fonction ventriculaire gauche conservée, le remodelage ventriculaire est rapide avec des diamètres télédiastoliques quasiment normalisés au bout de quelques jours et, chez ces patients sans agression pariétale avec une valvulopathie corrigée et un cœur normalisé, le retour à domicile a été autorisé d’emblée sans nécessité de rééducation. La reprise de l’activité professionnelle ou de loisir peut alors être extrêmement précoce.   Discussion L’évolution de la chirurgie mini-invasive dans le domaine de la cardiologie a été l’objet de nombreuses publications et d’efforts importants de développement ces dernières années. Les succès ont été variables, qu’il s’agisse des revascularisations coronaires à cœur battant ou des revascularisations coronaires mini-invasives avec prélèvement mammaire assisté par vidéo ou par robot. Parmi toutes ces pistes, la chirurgie mitrale mini-invasive assistée par vidéo est sans doute une des plus prometteuses et ce, pour plusieurs raisons : • elle autorise un abord sur la mitrale plus logique sur le plan anatomique, plus direct que par sternotomie ; • l’amplification de l’exposition mitrale par le zoom de la vidéo autorise une visualisation optimisée ; • les gestes de réparation sont, avec l’entraînement, reproductibles sous vidéo et ce, beaucoup plus facilement que les gestes de microchirurgie pour sutures coronaires ; • la qualité du débullage est nettement supérieure avec l’utilisation du CO2 dans cette cavité thoracique presque fermée. Cela est attesté par les ETO peropératoires de contrôle où les microbulles sont pratiquement absentes, contrairement à ce que l’on note après sternotomie. Une meilleure préservation des fonctions cognitives post-CEC est donc attendue, ce qui méritera d’être confirmé ultérieurement ; • l’évolution des indications nous pousse à opérer des patients plus jeunes, souvent pas ou peu symptomatiques, chez qui une chirurgie vécue comme moins agressive peut être plus facilement proposée. H. Vanermen (Aalst, Belgique), véritable pionnier, a défini les bases techniques de cette approche mitrale mini-invasive. F. Moor (Leipzig, Allemagne) et R. Chitwood (Greenville, États-Unis) ont également apporté une contribution précoce. Les obstacles techniques initialement lourds, en particulier en raison de l’utilisation de l’endoclamp aortique avec son risque de dissection aortique, sont aujourd’hui mieux maîtrisés. L’évolution des matériels et la définition de procédures, à la fois simplifiées et moins onéreuses, devraient permettre une plus large diffusion de cette approche.   Conclusion   Après avoir dépassé les 100 premiers malades, nous considérons aujourd’hui que nous sortons de la courbe d’apprentissage. Cette technique s’est progressivement imposée dans notre équipe comme l’abord préférentiel de la mitrale pour les gestes simples, tels que les remplacements valvulaires, les chirurgies tumorales et les dystrophies simples du feuillet postérieur. La confiance croissante que nous avons acquise nous pousse maintenant à traiter des lésions plus complexes avec atteinte du feuillet antérieur ou dysfonction ventriculaire gauche plus sévère. Ces bons résultats initiaux devront être confirmés à plus long terme. Nous avons maintenant acquis la conviction que cette technique s’imposera comme une technique de référence en chirurgie mitrale, à l’instar de ce que fut l’adoption de la vidéo en chirurgie digestive il y a quelques années.

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