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Cardiologie générale

Publié le 13 déc 2005Lecture 5 min

Vins et mets - L'école des alliances

Ch. HOLLEVOET, Gaillac

Pierre Casamayor est incontestablement le meilleur spécialiste de la question : œnologue et maître de conférences à l’université Paul Sabatier à Toulouse, auteur de nombreux ouvrages, il participe à la rédaction de l’Atlas des vins et du Guide Hachette qui, chaque année, aident au choix des meilleurs crus. Fin cuisinier lui-même, il sait par goût et expérience ceux qui, entre vins et mets, s’accordent le mieux.

Si vins et mets peuvent se déguster séparément, les vins ont, explique Pierre Casamayor, une facette cachée qui ne se révèle qu’en présence d’un plat… et, pour cet expert, c’est là une sorte de récompense ultime pour les explorateurs de l’univers du goût !   Quantité n’est pas qualité Autrefois, le vin n’était jamais servi pendant le repas, mais à sa suite. Ce n’est qu’au XVIe siècle que l’on a vu apparaître sur les tables les premières carafes, en même temps que les premières fourchettes. Les pays d’Europe, selon qu’ils appartiennent aux pays nordiques ou méditerranéens, mangent et boivent différemment : boire « à la française » disait Montaigne, c’est boire à deux repas et modérément, tout comme les Italiens et les Espagnols, alors que les Allemands comme les Russes ou les Polonais sont de grands buveurs. Le XVIIIe siècle inaugure l’ère de la restauration avec les premiers vrais restaurants dans lesquels de nombreux plats peuvent être servis ; les premières bouteilles cachetées ayant fait leur apparition. Un nouveau métier va naître, celui de sommelier, successeur des échansons du Moyen-Âge… C’est en homme de goût et fin gourmet que Brillat Savarin donnera quelques premiers conseils sur les vins servis lors d’un même repas. On mange et boit beaucoup à la fin du XIXe siècle et les menus offrent 8 à 10 plats successifs accompagnés d’autant de crus différents.   Vers un Institut du Goût Ce n’est donc qu’au XXe siècle et en partie grâce à Jacques Puisais, œnologue, esthète et père de l’Institut du Goût, que les cuisiniers commencent à envisager l’alliance des mets. Pour Pierre Casamayor, l’évolution actuelle vers le vin unique est une régression moderne, car elle a privilégié les vins rouges légers, servis frais, parfois même glacés pour masquer leur indigence et affronter le repas depuis les hors-d’œuvre jusqu’aux desserts… Une pratique qui en a amené une autre par réaction : celle du verre de vin différent à chaque plat, ce qu’on propose habituellement dans les bistrots à vin.   Quelques pièges à éviter La dégustation d’un vin après une bouchée d’un plat épicé va être considérablement modifiée par celui-ci ; elle peut même être quasi anesthésiée si les sensations gustatives du plat sont trop intenses. Elle risque de réduire le vin à un rôle purement désaltérant en lui ôtant toute personnalité jusqu’à ce qu’il ait lavé la bouche du feu du plat ! Mais, une nourriture fade n’est pas neutre pour autant : elle exerce aussi son influence, en exacerbant telle ou telle composante du vin.   Une règle essentielle : la progression Pour une dégustation hédoniste de l’alliance entre vin et met, il faut suivre une règle essentielle : celle de la progression des vins ; en effet, l’acuité des sens s’émousse au cours du repas, il faut donc présenter les vins blancs avant les vins rouges, les vins légers avant les vins tanniques, les vins simples avant les vins complexes, les vins jeunes avant les vins vieux, les vins secs avant les vins mœlleux. Cela suppose également que l’ordre des plats soit adéquat ! Ainsi présenter, comme ce sera bientôt le cas, en entrée un couple foie gras-vin liquoreux en début de repas est aberrant : il vaudrait mieux, dit-il, faire comme les Romains sous Lucullus et servir le foie gras en fin de repas, la même bouteille de doux pouvant se terminer sur le roquefort ! La pratique du « trou normand », sans pour autant recourir à une eau de vie, peut être une solution si l’on veut bousculer une progression : un verre d’eau fraîche ou un sorbet peuvent en effet remettre les papilles à zéro !   Mariages légitimes Aujourd’hui, de nombreux ou-vrages traitent des accords entre mets et vins. Pour P. Casamayor, se limiter aux accords régionaux serait très réducteur : il en est des alliances gustatives comme des réactions chimiques, une infime quantité de tel ou tel composé peut servir de véritable catalyseur. Les accords classiques marient des similitudes aromatiques, par exemple un vin blanc minéral et des coquillages, ou un vin rouge épicé avec un gibier… C’est, pour P. Casamayor, un choix rassurant, mais qui limite le plaisir de la découverte ! On peut également jouer les contrastes : gras/acidité, amer/sucré : un Savennières sur une poularde à la crème faisant pencher l’accord vers la finesse, ajoutant le plaisir de l’insolite à la satisfaction gastronomique. Le rôle des garnitures est capital : les haricots verts, les fonds d’artichauts, les fricassées d’asperges sont capables de détruire un bon accord. Les frites ont une action contraire à la viande, la tomate va à l’encontre du mœlleux du jarret de veau dans l’osso bucco…. Que de mésalliances dans la pratique courante !   Les catalyseurs d’alliance Si le sel est un catalyseur connu, poivre, épices et plantes aromatiques peuvent éviter d’en abuser dans la pratique culinaire. Ainsi, une pincée de romarin dans la sauce d’un civet en révèle toute une palette aromatique, quelques grains de fenouil peuvent flatter les arômes anisés d’un vin blanc, une pincée de safran exacerbe une note florale… L’École des alliances est un livre à découvrir car, tout au long de l’ouvrage, les vins sont dégustés en deux étapes, d’abord pour eux-mêmes puis sur le met choisi : un exercice qui appelle la convivialité ! D’après L‘école des alliances aux Éditions Hachette.                     Ce qu’il faut ne faut pas ignorer - Pour l’apéritif, dont le rôle est d’ouvrir l’appétit, il faut éviter les boissons anisées, fatales à la perception gustative. - La vinaigrette est le pire ennemi du vin, mieux vaut ne pas boire ou prendre un verre d’eau. - Les charcuteries, riches en sel et poivre, s’accommodent bien d’un beaujolais. - Les poissons aiment le vin blanc. - La volaille est un trait d’union entre blanc et rouge. - Les viandes blanches, veau ou porc, appellent un vin rouge bien fruité à l’architecture tannique légère. - Les viandes rouges s‘accommodent des tanins les plus virils. - Les plats uniques reflètent souvent leur origine régionale et, s’ils peuvent donner l’occasion à des rencontres transculturelles enrichissantes, celles-ci ne seront pas du goût de tous, aussi la solution du moindre risque est de respecter l’alliance locale. - Chocolat et café forment une alliance gourmande, le choix du vin est délicat entre vins moelleux, vins doux naturels et vins de liqueur. Mais pour tout savoir, rien ne vaut l’apprentissage des accords gourmands à « l’école du vin ».

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