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La Lp(a)

Publié le 15 mai 2023Lecture 10 min

La lipoprotéine (a) et le risque cardiovasculaire

Jean FERRIÈRES, Fédération de cardiologie, CHU de Toulouse

En 1963, le généticien K. Berg a identifié un antigène dans une fraction des lipoprotéines LDL qu’il a appelé l’apolipoprotéine (a). En étudiant des familles à risque, Berg a rapidement déterminé le contrôle génétique fort des taux de lipoprotéine (a) [Lp(a)]. En 1974, cet auteur a mis en évidence le lien entre la Lp(a) et la maladie coronaire. Les premières études de cohorte ont montré le rôle prédictif de la Lp(a) dans le risque cardiovasculaire et d’autres études ont évoqué le rôle potentiellement causal de la Lp(a) dans le risque cardiovasculaire. D’autres groupes de recherche ont réussi à isoler et à purifier la Lp(a). Dans les années 1980, on a assisté au séquençage du gène de la Lp(a) et la scène était alors en place pour faire de la Lp(a) un nouveau facteur de risque cardiovasculaire.

Comment mesurer la Lp(a) ?   La mesure est généralement réalisée par des analyses utilisant des anticorps spécifiques de l’apolipoprotéine (a). Le premier problème est relié à la variabilité de la taille de la Lp(a) qui résulte d’une sous-estimation et d’une surestimation par différentes analyses immunologiques qui ne reconnaissent pas la variabilité des motifs de la Lp(a). Le deuxième problème est représenté par le fait qu’il y a aujourd’hui 2 unités de mesure pour rendre les résultats. Les résultats peuvent être exprimés en milligrammes par décilitre ou en grammes par litre mais cette technique n’est pas reconnue comme fiable car elle ne prend pas en considération la variation extrêmement importante de la structure de la Lp(a). La méthode de référence pour mesurer la Lp(a) est une mesure exprimée en nanomoles par litre ; il s’agit donc d’une technique qui reflète le nombre de particules de la Lp(a). Malheureusement, il n’y a pas de conversion très fiable pour passer des milligrammes par décilitre en nanomoles par litre. En pratique, la mesure de la Lp(a) doit être réalisée avec un test qui n’est pas sensible aux variations des isoformes de la Lp(a). L’analyse de la Lp(a) doit être rendue en nanomoles par litre.   Physiopathologie de la Lp(a) ?   Les hypothèses initiales basées sur la composition de la Lp(a) (figure 1) suggèrent que cette lipoprotéine puisse contribuer à la fois, d’une part, à l’athérosclérose, en raison de l’homologie avec une lipoprotéine et, d’autre part, avec la thrombose, à travers l’homologie avec le plasminogène. L’apolipoprotéine B de la Lp(a) est supposée être athérogène à cause de sa similarité avec une lipoprotéine. Bien qu’il y ait beaucoup moins de particules circulantes de Lp(a) que de particules LDL, et ceci même en présence de taux très élevés de la Lp(a), cette dernière peut être sélectivement retenue dans la paroi artérielle car l’apolipoprotéine (a) est liée aux protéines de la matrice extracellulaire. La Lp(a) porte également des phospholipides oxydés qui sont liés de manière covalente à l’apolipoprotéine(a). Les phospholipides oxydés sont des molécules endogènes qui sont reconnues par le système immunitaire inné et susceptibles de déclencher une inflammation et les calcifications. Les études d’imagerie utilisant la tomographie à émission de positons démontrent l’inflammation artérielle chez les patients qui ont des taux élevés de la Lp(a) et sont un argument en faveur du rôle de la Lp(a) dans la promotion de l’athérosclérose. La Lp(a) interagit avec le système fibrinogène/fibrine ainsi qu’avec les cellules endothéliales et la Lp(a) se retrouve dans les plaques athéromateuses et dans la sclérose aortique calcifiée. La Lp(a) est un agent recruteur des monocytes et peut également favoriser l’expression des cytokines. Les patients qui ont des taux élevés de la Lp(a) présentent une calcification aortique accélérée et un pronostic péjoratif de ces patients porteurs de rétrécissement aortique. Figure 1. La lipoprotéine (a) : une lipoprotéine complexe avec de multiples facettes. La lipoprotéine (a) est une particule similaire en composition lipidique à une lipoprotéine LDL avec une apolipoprotéine B100 située autour d’un cœur lipidique et qui est reliée de manière covalente à une glycoprotéine très polymorphe c’est-à-dire l’apolipoprotéine (a). La lipoprotéine (a) est le transporteur plasmatique principal des phospholipides oxydés qui contribuent à son pouvoir athérogène.   La manière dont la Lp(a) contribue à la maladie thrombotique en inhibant directement la fibrinolyse, en favorisant la thrombose ou à travers son rôle dans l’athérosclérose est le sujet de d’intenses recherches. L’homologie très importante entre l’apolipoprotéine (a) et le plasminogène a suscité de nombreuses recherches sur le lien possible entre les taux élevés de la Lp(a) et la maladie thrombo-embolique. Bien que les premières études aient suggéré une association positive entre la Lp(a) et le risque de maladie thrombo-embolique, les études ne sont pas concluantes sur le rôle déterminant dans cette maladie. En résumé, la Lp(a) est associée à l’athérosclérose et à la calcification aortique à travers quatre mécanismes : l’inflammation vasculaire, l’athérogenèse, la calcification et la thrombose. La Lp(a) entre dans l’intima des artères où elle subit une oxydation ; il en résulte la formation de lipides oxydés qui induisent une inflammation associée à une augmentation de la perméabilité endothéliale, à la diapédèse, à la production de cytokines, à l’apoptose et au remodelage vasculaire. Les LDL oxydés de la Lp(a) sont pris en charge par les macrophages qui génèrent des cellules spumeuses. La Lp(a) est la seule lipoprotéine qui contient de l’apolipoprotéine B et qui porte des phospholipides oxydés susceptibles de se déposer à la fois dans les vaisseaux et dans les valvules aortiques. La Lp(a) est donc le chaînon manquant entre l’athérosclérose, le rétrécissement aortique et la thrombose.   La Lp(a) et le risque de mortalité totale et cardiovasculaire   La marche vers la causalité d’un facteur de risque cardiovasculaire est longue et difficile. Après avoir mis en évidence le rôle pathogène d’un facteur de risque cardiovasculaire, il faut disposer d’études de cohorte de taille suffisamment grande pour argumenter la force de l’association entre le facteur de risque et les événements cardiovasculaires. Les événements cardiovasculaires les plus démonstratifs sont ceux qui aboutissent à un décès. C’est donc tout naturellement vers les cohortes ayant montré une relation avec la mortalité que nous allons nous pencher. En effet, si la Lp(a) est un facteur de risque causal, à travers l’augmentation des événements cardiovasculaires, ce facteur de risque doit obligatoirement augmenter la mortalité cardiovasculaire et par voie de conséquence la mortalité totale. À partir de 3 603 études portant sur le risque vasculaire et la Lp(a), on aboutit à 43 cohortes qui ont pu indiscutablement établir une association entre les niveaux de la Lp(a) et le risque cardiovasculaire et la mortalité totale. Parmi toutes ces études, il existe une seule cohorte française qui est issue de notre équipe. On peut présenter l’association de la Lp(a) avec la mortalité soit en population générale, soit chez des patients qui ont déjà présenté un événement cardiovasculaire. Dans la population générale, si on compare les valeurs des tertiles les plus élevés en comparaison avec les tertiles les plus bas, le risque relatif est de 1,09, de 1,01 à 1,18 (figure 2). Dans la population des patients porteurs d’une maladie cardiovasculaire avérée, le risque relatif est de 1,18, de 1,04 à 1,34 entre les valeurs de la Lp(a) des tertiles les plus élevés en comparaison avec les tertiles les plus bas (figure 3). Figure 2. La lipoprotéine (a) et la mortalité totale en population générale. Étude, treatment effect (TE) - effet du facteur de risque, seTE, erreur standard de l’effet du facteur de risque, HR - Risque Relatif (RR), Intervalle de confiance à 95% %W - % représenté par l’étude. Figure 3. La lipoprotéine (a) et la mortalité totale chez les patients cardiovasculaires. Étude, treatment effect (TE) - effet du facteur de risque, seTE, erreur standard de l’effet du facteur de risque, HR - Risque Relatif (RR), Intervalle de confiance à 95%, %W - % représenté par l’étude.   Lorsqu’on analyse la mortalité cardiovasculaire dans les études de cohorte publiées, on retrouve également un effet significatif des valeurs de la Lp(a). En population générale, le risque vis-à-vis de la mortalité cardiovasculaire des valeurs de la Lp(a) des tertiles les plus élevés en comparaison avec les tertiles les plus bas, le risque relatif est de 1,33, de 1,11 à 1,58 (figure 4). Dans la population des patients ayant déjà fait un événement cardiovasculaire, le risque relatif est de 1,25, de 1,10 à 1,43 des valeurs de la Lp(a) des tertiles les plus élevés en comparaison avec les tertiles les plus bas (figure 5). En résumé, la Lp(a) est associée au risque de mortalité totale et de mortalité cardiovasculaire en population générale et chez les patients porteurs de maladies cardiovasculaires, ce qui atteste de la force de l’association entre la Lp(a) et le risque cardiovasculaire. Figure 4. La lipoprotéine (a) et la mortalité cardiovasculaire en population générale. Étude, treatment effect (TE) - effet du facteur de risque, seTE, erreur standard de l’effet du facteur de risque, HR - Risque Relatif (RR), Intervalle de confiance à 95%, %W - % représenté par l’étude. Figure 5. La lipoprotéine (a) et la mortalité cardiovasculaire chez les patients cardiovasculaires. Étude, treatment effect (TE) - effet du facteur de risque, seTE, erreur standard de l’effet du facteur de risque, HR - Risque Relatif (RR), Intervalle de confiance à 95%, %W - % représenté par l’étude.   La Lp(a) et le risque lié à l’athérosclérose (tableau 1)   De nombreuses études de cohorte ont étudié le risque entre la Lp(a) et l’athérosclérose. La cohorte de Copenhague a étudié 9 330 individus de la population générale danoise qui ont été suivis pendant 10 ans. Le risque d’infarctus du myocarde est proportionnel à la valeur de la Lp(a). Des taux de la Lp(a) de plus de 120 mg/dL augmentent le risque d’infarctus du myocarde de 4 fois et le risque absolu de 35 %. La méta-analyse de l’Emerging Risk Factors Collaboration, qui a inclus 36 études prospectives soit 126 634 participants sans maladies cardiovasculaires, a montré une relation continue entre la Lp(a) et le risque cardiovasculaire ; pour une déviation standard de la Lp(a), le risque relatif est de 1,13, de 1,09 à 1,18. L’analyse des 460 506 sujets appartenant à la biobanque anglaise et suivis pendant 11,2 ans montre une relation linéaire entre les taux de la Lp(a) et le risque cardiovasculaire ; une augmentation de 50 nmoles/L des taux de la Lp(a) est associée à un risque relatif de 1,11, de 1,10 à 1,12. Parmi les 283 540 sujets de la même bio-banque anglaise, les taux de la Lp(a) ainsi qu’un score génétique qui inclut 43 variants génétiques de la Lp(a) permettent de mieux discriminer le risque cardiovasculaire au-delà des formules de risque classique comme la formule de risque QRISK3. Deux grandes études génétiques ont montré un rôle potentiellement causal entre les taux de la Lp(a) et la maladie coronaire. Une étude de randomisation mendélienne portant sur 40 486 sujets de 3 études de Copenhague a montré une augmentation de 22 % du risque d’infarctus du myocarde lorsque les taux de la Lp(a) vont doubler. Il y a également une augmentation du risque relatif ajusté lorsqu’il y a des taux élevés de la Lp(a) et un nombre faible de répétition des Kringles IV2. Une étude cas-témoins de 3 145 sujets porteurs d’une maladie coronaire et de 3 352 sujets témoins recrutés en Europe a également montré que les taux élevés de la Lp(a), un nombre réduit de copies des Kringles IV2 est associé à une plus forte association en comparaison avec d’autres polymorphismes. Les études portant sur la totalité du génome chez 63 746 patients coronariens et 130 681 contrôles ont montré que le génétique de la Lp(a) est plus associée à la maladie coronaire que la génétique du LDL-cholestérol (LDL-C), que la génétique de la protéine PCSK9 et que la génétique du chromosome 9p21. Une méta-analyse de 18 978 individus issue de 3 essais cliniques de patients porteurs d’une maladie coronaire a montré que les taux élevés de la Lp(a), situés dans le quantile le plus élevé ont un risque 40 % plus élevé de développer des événements cardiovasculaires en comparaison avec le quantile le plus bas. Le risque résiduel attribué à des taux élevés de la Lp(a), indépendamment des taux de LDL-C a été rapporté dans de nombreuses études ainsi que dans des essais cliniques.   La Lp(a) et le risque de rétrécissement aortique (tableau 1)   Il semble bien qu’il existe un risque élevé et potentiellement causal lié à des taux élevés de la Lp(a) pour le rétrécissement aortique calcifié. Ceci ferait de la Lp(a) le seul facteur de risque monogénique du rétrécissement aortique retrouvé à ce jour. Une randomisation mendélienne chez 77 680 sujets issus de cohortes a montré que les taux élevés de la Lp(a) sont positivement associés avec un risque élevé de rétrécissement aortique lié à la concentration de la Lp(a). Si on combine tous les facteurs génétiques de la Lp(a), un risque 10 fois plus élevé de développer un rétrécissement aortique est constaté chez les patients qui ont des valeurs élevées de la Lp(a). L’analyse des 17 553 participants d’une cohorte européenne ont montré que les patients du tertile le plus élevé pour la Lp(a) avaient un risque de rétrécissement aortique 57 % plus élevé. Dans une analyse secondaire de l’étude Fourier qui a inclus 27 564 sujets avec une maladie cardiovasculaire stable sous statines, des taux élevés de la Lp(a), mais pas les taux de LDL-C, sont associés à un risque élevé de rétrécissement aortique. Une revue systématique de 21 études cas-témoins, observationnelles et génétiques a montré de manière convaincante une relation potentiellement causale entre les taux élevés de la Lp(a) et le rétrécissement aortique. Les taux élevés de la Lp(a) sont également associés au risque d’accident vasculaire cérébral ischémique ainsi qu’au risque d’insuffisance cardiaque et d’artériopathie oblitérante des membres inférieurs. Avec le soutien institutionnel de

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