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Mise au point

Publié le 18 déc 2024Lecture 6 min

Les arythmies de l’athlète

Gabriel LAURENT*, Séverine PHILIBERT**, *Dijon, **Paris

L’objectif de cet article est de faire le point sur les arythmies de l’athlète dans le contexte actuel où la pratique sportive est omniprésente et devient parfois virale, en particulier sur les réseaux sociaux. Ce document s’appuie en partie sur la conférence de consensus mondial d’experts 2024 dirigée par l’HRS et élaborée en collaboration avec l’ACC, l’AHA, l’AMSSM, l’APHRS, l’EHRA, LAHRS et la PACES(1).

Mort subite rythmique   Le premier cas rapporté de mort subite à l’effort (à la toute fin de l’effort), est issu de la légende selon laquelle un messager grec aurait couru les 40 kilomètres qui séparent le champ de bataille de Marathon de la ville d’Athènes, pour annoncer la victoire contre les Perses lors de la première guerre médique en 490 avant J.-C. L’incidence des arrêts cardiaques dans la population générale est très faible (5 à 17 nouveaux cas/million/an), survenant dans 90 % des cas lors de sports récréatifs. L’âge moyen est de 46 ± 15 ans, avec une très nette prédominance masculine (95 %)(2). Si les affections impliquées dans la mort subite cardiaque (MSC) du jeune athlète sont variées (souvent génétiques et silencieuses, révélées par l’accident mortel), ce sont surtout les accidents coronariens qui touchent les plus âgés(3). La généralisation des défibrillateurs automatiques externes dans les gymnases, centres sportifs et écoles pourrait avoir un impact favorable sur l’incidence de la MSC. L’étude observationnelle nationale RESOUDRE, pilotée par le CHU de Rennes, devrait permettre de mieux caractériser les causes de morts subites liées au sport avant 35 ans. L’objectif est d’améliorer la prévention pour les apparentés du sportif décédé. La démarche diagnostique dans les suites d’un arrêt cardiaque récupéré reste la même que chez le non-sportif : recherche d’une cardiopathie/coronaropathie sous-jacente par des examens morphologiques (ETT, coroscanner, IRM), voire fonctionnels, des ECG répétés incluant des dérivations hautes, une épreuve d’effort, une EEP ± des tests pharmacologiques, une en - quête génétique selon le contexte (familial). En cas de décès, une autopsie est trop rarement réalisée (1 % des cas environ). En dehors d’une cause réversible évidente ou curable (syndrome coronarien aigu, syndrome de WPW, par exemple), il faut évidemment discuter l’implantation d’un défibrillateur.   Arythmies ventriculaires   Les arythmies ventriculaires, en particulier les extrasystoles ventriculaires (ESV), sont souvent la raison d’une consultation cardiologique. Elles sont 5 à 10 fois moins fréquentes chez les femmes que chez les hommes(4). Le défi pour le cardiologue con - sis te à différencier les ESV dites « bénignes » (malheureusement pas toujours bénignes non plus), sur cœur sain (incluant aussi le spectre des modifications morphologiques physiologiques associés au surentraînement) et les ESV « non bénignes » sur un cœur présentant un substrat sous-jacent. Selon les recommandations actuelles, on considère les sportifs à haut risque comme étant plutôt symptomatiques (lipothymies, palpitations, syncopes, intolérance récente à l’exercice), avec des antécédents familiaux, des ESV polymorphes « atypiques », à couplage court, présentant des formes répétées avec charge >10 %, sans suppression des ESV à l’effort, voire émergence d’ESV à l’exercice ou pendant la récupération, présentant des anomalies ECG ou structurelles cardiaques (hypertrophie, dilatation cavitaire, réduction de la FE, IRM avec rehaussement tardif au gadolinium, signes évocateurs de CAVD, zones de bas voltage électrophysiologique [exploration invasive avec cartographie 3D]). Un algorithme des recommandations pour l’évaluation des arythmies ventriculaires chez les athlètes est présenté par la figure 1. Figure 1. Évaluation des athlètes présentant des arythmies ventriculaires. Les couleurs correspondent à la classe de recommandations (COR). CMR : IRM cardiaque ; PED : produits améliorant les performances ; PVC : extrasystoles ventriculaires (ESV) ; RVOT : infundibulum pulmonaire.   Chez les athlètes asymptomatiques à faible risque, il est préconisé un suivi clinique et une réassurance. ETT et Holter sont indiqués à la recherche d’une cardiomyopathie rythmique en cas de charge d’ESV > 10 % sur 24 heures. Chez l’athlète avec arythmie ventriculaire bénigne symptomatique, on conseille, en plus d’une adaptation du programme d’entraînement et d’un contrôle de la consommation des produits améliorant les performances, un traitement médicamenteux en classe II a (bêtabloquants, calcium bloqueurs, antiarythmiques de classe I c). Ces derniers peuvent être mal tolérés ou affecter les performances, c’est pourquoi l’ablation est proposée en première intention (classe I). Chez les athlètes souffrant d’arythmies ventriculaires à haut risque, ou présentant un substrat (maladie héréditaire, cardiomyopathie), la reprise de la compétition n’est possible qu’après confirmation de la suppression des arythmies à l’exercice. Un algorithme pour la prise en charge des athlètes présentant des arythmies ventriculaires complexes est présenté par la figure 2. Historiquement, les athlètes atteints d’arythmies héréditaires comme le QT court ou long congénital, le syndrome de Brugada, les TV polymorphes catécholergiques, étaient exclus de toute compétition (même en cas de phénotype négatif). Depuis 2015, à la lumière du faible taux d’événements, de nouvelles recommandations de l’AHA/ACC ont été plus permissives sous certaines conditions(5). Figure 2. Algorithme de traitement des athlètes atteints d’arythmies ventriculaires complexes. AAD : antiarythmiques ; GDMT : traitement médical optimal de l’insuffisance cardiaque ; ICD : défibrillateur cardiaque implantable ; RTP : reprise de la compétition.   Avant la reprise de la compétition, l’athlète doit être évalué par un expert en cardiologie génétique, avec des tests cardiaques appropriés pour guider le traitement et l’évaluation des risques, et éclairer la prise de décision partagée individuelle, comme le montre la figure 3. Figure 3. Algorithme de prise en charge et de traitement des arythmies héréditaires. BrS : syndrome de Brugada ; CPVT : tachycardie ventriculaire polymorphe catécholergique ; IAS : arythmie héréditaire ; LCSD : dénervation sympathique cardiaque gauche ; LQTS : syndrome du QT long ; SQTS : syndrome du QT court ; QOL : qualité de vie ; RTP : reprise de la compétition.   Fibrillation atriale   La FA de l’athlète peut être d’origine génétique, électrique ou structurelle (congénitale ou acquise comme les myocardites, l’HTA par exemple). Elle peut aussi être la conséquence d’un surentraînement (>10 h/semaine en moyenne). Elle est souvent méconnue ou ignorée du sportif qui veut poursuivre son activité, en particulier au-delà de 50 ans. Le remodelage structurel de l’OG aux charges volumétriques et barométriques, l’hypertonie vagale, la présence d’un substrat inflammatoire et la fibrose pourraient être à l’origine de ce type particulier de FA. Il n’y a pas de preuves de l’intérêt d’une réduction des charges d’entraînement. Une métaanalyse récente (64 000 athlètes sur deux décennies), a montré qu’ils étaient en moyenne 2,46 fois plus susceptibles de faire de la FA par rapport à la population non sportive(6). Bien que moins étudié, le flutter atrial est également plus fréquent chez les athlètes d’endurance que chez les non-sportifs. Les recommandations concernant la prise d’anticoagulants (selon le score de CHADSVASC) et les procédures ablatives (en première intention dans la FA paroxystique) sont les mêmes que chez les non-sportifs. Il n’y a pas plus de récidives postablation dans cette population. Il faut cependant bien insister sur une reprise très progressive de l’activité pour éviter les complications au point de ponction.   Voie accessoire   La prévalence du syndrome de WPW dans la population est environ de 0,1 %(7). Lors d’un exercice, les fluctuations du tonus sympathique peuvent induire des tachycardies jonctionnelles (TJ) orthodromiques, favoriser la conduction antérograde via la voie accessoire (VA), et donc la survenue de FA préexcitée puis de FV. L’entraînement ne modifie pas la période réfractaire des VA et il n’y a pas de surrisque de MSC chez les athlètes par rapport aux non-athlètes. Contrairement aux données invasives (EEP) qui ne permettent qu’une stratification imprécise du risque de mort subite, la présence de symptômes, d’arythmies documentées (FA, TJ) ou de dysfonction VG est associée au risque de survenue d’une FV. C’est pourquoi l’ablation est en première intention (classe I). Il faut noter dans les dernières recommandations, qu’en dehors de tout symptôme, d’arythmie documentée ou de dysfonction ventriculaire gau - che, la compétition peut être poursuivie au décours du bilan et que l’ablation se justifie en classe I si un seul des critères suivants est présent : induction d’une TJ, PR ou RR le plus court < 250 ms, plusieurs VA, présence d’une cardiopathie congénitale. Dans le cas contraire, l’ablation reste indiquée, mais en classe II a.

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