Publié le 01 juin 2022Lecture 5 min
Cardiopathie hypertrophique et ablation de FA
Stéphane COMBES, Clinique Pasteur, Toulouse
La fibrillation atriale est le plus fréquent trouble du rythme retrouvé dans la cardiopathie hypertrophique sarcomérique. Sa prise en charge reste un véritable défi dont l’ablation peut être un des piliers. Nous allons aborder dans cet article ses résultats et sa place en 2022.
La cardiopathie hypertrophique (CMH) est une des maladies héréditaires cardiaque les plus fréquentes avec une incidence de 1/500 dans la population générale. Elle représente la première cause de mort subite chez le sujet jeune. La fibrillation atriale (FA) est l’arythmie la plus fréquente de cette population avec une prévalence évaluée entre 20 et 25 % notamment chez les patients âgés de plus de 50 ans ayant un gradient intraventriculaire gauche. Son association avec la CMH augmente le risque de mort subite par un facteur 4 et de 8 pour le risque d’événements thromboemboliques comparativement à la population générale. Elle doit être pour cela systématiquement suspectée et prise en charge.
Physiopathologie de la fibrillation atriale
Les interactions entre la CMH et la fibrillation atriale sont complexes et résumées dans la figure 1. L’IRM a permis d’améliorer notre compréhension des mécanismes avec notamment la mise en lumière de zones de fibrose pouvant perturber l’activité électrique normale et favoriser l’éclosion de foyers ectopiques atriaux. Des mutations génétiques telles que MYH7 ou MYBC3 ont montré leur implication dans « l’atriomyopathie » et l’apparition de FA.
La réduction de la relaxation diastolique provoquée par l’hypertrophie ventriculaire entraîne une élévation des pressions télédiastoliques ventriculaires conduisant à une élévation des pressions atriales. Ce phénomène induit un stress de paroi développant le trouble du rythme atrial. Par ailleurs, 30 % des patients atteints de CMH présentent une valvulopathie régurgitante mitrale. Elle est favorisée par la présence d’un gradient intraventriculaire gauche ou d’une anomalie de l’appareil sous-valvulaire mitral. Ces deux éléments sont des facteurs supplémentaires à l’augmentation du stress de paroi, du volume atrial et de la FA.
L’ablation de la fibrillation : une alternative possible
Les résultats
Depuis les recommandations de l’ESC de 2014(1), l’ablation par cathétérisme cardiaque est envisageable (niveau de recommandation IIa) chez les patients symptomatiques malgré un traitement antiarythmique ou intolérant au traitement. De nombreuses études ont démontré la faisabilité et la sécurité de la procédure ablative avec un taux de complications comparable à la population générale. En revanche, les résultats à moyen terme restent décevants.
Une méta-analyse reprenant 15 études avec un total de 531 patients a noté un succès moyen à 1 an de 45,5 %, s’élevant à 66,1 % après multiples procédures(2). Toujours dans ce même travail, le taux de succès chutait cependant drastiquement à 32,9 % chez les patients sans antiaryth- mique. Ces résultats ont été confirmés en 2021 dans une autre métaanalyse importante(3). Dans ces deux études, certains critères prédictifs d’échec de l’ablation ont pu être mis en lumière : la taille de l’oreillette gauche, la présence d’un anévrisme ventriculaire gauche ou d’une fibrillation atriale persistante. À titre d’exemple, le taux de succès au-delà d’un an après une ou plusieurs procédures chez un patient porteur d’une CMH en fibrillation atriale persistante n’est que de 40 % avec ou sans antiarythmique. En revanche, les mutations génétiques actuellement connues malgré leur forte implication dans « l’atriomyopathie » notamment MYH7 et MYBPC3 ne présentent pas de valeur prédictive sur les résultats de l’ablation.
Aucun travail n’a permis de mettre en évidence une diminution de la morbi-mortalité par l’ablation de fibrillation atriale dans la cardiopathie hypertrophique. L’explication est très probablement son faible taux de succès. Actuellement, l’enjeu majeur est de mieux identifier la population qui pourrait bénéficier de cette procédure. Dans cette quête, A. Creta et al.(3) soulignent l’intérêt du score de risque APPLE (âge 65 ans, fibrillation atriale persistante, clairance de la créatinine 60 ml/min, taille de l’OG ≥ 43 mm, FEVG 50 %).
Il semble enfin inéluctable qu’à la lumière des travaux de ces dernières années, le niveau de recommandation de l’ablation de fibrillation atriale soit dégradée dans cette indication.
Quel type de stratégie ablative doit-on privilégier ?
Elle reste en discussion. Il n’existe aucune étude comparant l’isolation antrale des veines pulmonaires, l’ablation du substrat ou la segmentation atriale. Mais, du fait de ses spécificités anatomique, histologique et moléculaire, il apparaît que la part extraveineuse de la genèse et de la perpétuation de la fibrillation atriale soit plus importante dans la CMH. L’isolation antrale des veines pulmonaires reste le gold standard de la procédure index.
Pour ce faire, la cryoablation semble aussi efficace que l’ablation par radiofréquence sans surmorbidité(3). Enfin, l’ablation par champ électrique de haute tension, ou électroporation n’a jamais été étudiée chez les porteurs de CMH. Mais ses propriétés particulières pourraient avoir un intérêt. Par ailleurs, P. Santangeli et al. proposent l’ablation des déclencheurs extraveineux pour accroître le taux de succès, sans surmorbidité(4). Quant à l’alcoolisation de la veine de Marshal, elle n’a pas été abordée dans ce travail et n’a jamais été étudiée dans la CMH. En revanche, l’ablation des potentiels fragmentés biatriaux ou la réalisation de la ligne du toit de l’OG et de l’isthme mitral n’amélioreraient pas les résultats en études multi et univariées(3). Enfin, on peut s’interroger sur l’intérêt de l’ablation chirurgicale hybride médico-chirurgicale ou concomitante à une chirurgie valvulaire mitrale et de myectomie. En effet, la réalisation de lésions transmurales semble plus difficile à atteindre dans la CMH que dans la population générale. Nous avons à notre disposition le travail de Y. Meng et al. sur le potentiel intérêt d’une intervention de Cox Maze IV chez les patients ayant bénéficié d’une myectomie chirurgicale(5). On peut imaginer qu’il en soit de même pour l’ablation hybride mais cela reste à démontrer.
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