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Complication

Publié le 29 oct 2024Lecture 6 min

DECI et interférences non médicales

Frédéric FOSSATI Lille

Si les interférences électromagnétiques (IEM) sur les dispositifs électroniques cardiaques implantables (DECI) sont bien identifiées et font l’objet de mesures préventives adaptées en milieu hospitalier, elles suscitent toujours autant de questions de la part de nos patients dès que l’on aborde la sphère non médicale au quotidien avec beaucoup de fantasmes ou de contre-vérités.

De quoi parle-t-on ?   L’étendue du spectre électromagnétique, la puissance du rayonnement, la distance entre sa source et le dispositif et enfin le mode de programmation constituent les principaux éléments qui conditionnent les conséquences des IEM. L’action du champ électromagnétique se transmet de deux manières différentes : soit il existe un contact physique direct entre le patient et la source d’interférence (perturbations « conduites ») soit le champ électromagnétique agit à distance et vient perturber l’intérieur de la boucle formée par le générateur d’impulsions et la ou les sondes (perturbations « induites »). Les cibles potentielles des IEM sont multiples et peuvent toucher la source d’énergie, les circuits de détection, les sondes, la télémétrie ou les composants électroniques embarqués. Fort heureusement, la plupart des IEM sont transitoires et cessent dès que le patient s’éloigne de la source (distance d’au moins 20 à 30 cm). Néanmoins, leurs conséquences (très variables) nécessitent de bien connaître leur mode d’action, car elles peuvent être à l’origine de comportements inadaptés du DECI : artéfacts sur les holters implantables, inhibition, stimulation à la fréquence maximale, passage en mode asynchrone, passage en mode « repli » ou « réversion » (programmation de secours), échauffement en bout de sonde, endommagement des circuits intégrés voire délivrance d’une thérapie inappropriée (stimulation antitachycardique, voire choc électrique)… Les constructeurs n’ont pas attendu ces interférences pour développer des solutions protectrices (filtres, interrupteur à lame souple, élimination des composants ferromagnétiques, isolation des connexions) via des normes et/ou spécifications internationales. Nous nous attacherons à décrire les comportements inhabituels qu’elles provoquent sur les stimulateurs et défibrillateurs cardiaques, leurs impacts étant sans conséquence sur les moniteurs cardiaques implantables (en dehors de générer un parasitage sur les électrogrammes endocavitaires).   Environnement domestique   Difficile d’échapper à un inventaire à la Prévert tant les situations sont diverses. Plusieurs études ont été menées aussi bien in vitro qu’in vivo, mais elles commencent à dater (au moins 10-15 ans). Nous n’aborderons que les situations qui font le plus l’objet de questions de la part de nos patients.   Téléphones cellulaires et smartphones Au début des années 1990 et de l’ère des « GSM », plusieurs études avaient alerté sur les risques des IEM sur le fonctionnement des DECI ; Hayes avait montré que près de 27 % des boîtiers subissaient des interférences(1). A contrario, Fetter n’avait pas observé d’IEM sur une série de 41 patients porteurs de défibrillateurs(2). Quoi qu’il en soit, les constructeurs ont progressivement « durci » les filtres et les protections de leurs DECI, ce qui fait que le risque est devenu quasi nul de nos jours. Néanmoins, il est recommandé d’éviter de mettre un smartphone dans une poche de vêtement proche du DECI, de le porter plutôt à l’oreille controlatérale (ou mieux d’utiliser un kit mains libres). Quant à leur chargeur, le champ électromagnétique généré est trop faible pour induire une perturbation.   Montres connectées L’irruption des montres connectées depuis quelques années suscite beaucoup de questionnements ; néanmoins, aucun dysfonctionnement n’a pu être constaté dans une récente étude(3) ; il est toutefois conseillé de respecter une distance de sécurité de 15-20 cm du DECI.   Casques, baladeurs audio MP3 Comportant des aimants, les casques audio peuvent générer des interférences lorsqu’ils se trouvent à une distance de moins de 5 cm du dispositif ; des interférences provoquées par des iPod ont également été détectées au moment de l’interrogation télémétrique, allant de 16 à 36 % dans 2 études publiées en 2008 et 2009, disparaissant lors du retrait de l’antenne, mais sans agir directement sur le DECI lui-même(3).   Ordinateurs portables, tablettes, réseau Wi-Fi domestique, télécommandes Ces objets sont sans effet sur les DECI car le champ magnétique est bien trop faible pour provoquer des perturbations.   Plaques de cuisson à induction, fours à micro-ondes Si les fours à micro-ondes sont sans danger, en revanche, les plaques à induction peuvent générer des interférences (identiques à un mode sous aimant) qui disparaissent dès que l’on s’éloigne de la source (distance variable selon les constructeurs allant de 30 cm à 1 m).   Et les autres appareils ? TV, postes de radio, robot, mixeur, lave-linge, lave-vaisselle, sèche-linge, congélateur, climatiseur, aspirateur, brosse à dents électrique sont absolument inoffensifs et sans effet. On aurait pu penser que les stations de charge rapide des véhicules électriques soient susceptibles de provoquer des IEM ; 4 types de modèles furent utilisés (Porsche Taycan turbo, Tesla Model 3, Audi E-Tron 55 Quattro et VW ID.3 Pro), mais aucune IEM ne fut décelée(4). En revanche, les balances électroniques avec impédance-métrie, stimulateurs musculaires (fitness), fauteuils, matelas, ou oreillers magnétiques sont vivement déconseillées, car pouvant inhiber le fonctionnement du DECI, voire déclencher une thérapie inappropriée.   Environnement public   Portiques de sécurité des aéroports et détecteurs manuels Le champ magnétique de ces portiques est insuffisant pour provoquer des IEM comme l’a révélé une étude déjà ancienne(6) portant sur 348 patients consécutifs ; toutefois, la détection d’éléments métalliques déclenche l’alarme. Il est donc recommandé de se signaler aux agents de sécurité de l’aéroport. Il en est de même pour les détecteurs manuels des services de sécurité qui n’ont pas généré d’IEM dans une étude réalisée en 2010 portant sur 388 patients(7) même s’ils vont déceler la présence d’objets métalliques…   Portiques de sécurité des magasins Malgré quelques cas sporadiques d’événements indésirables rapportés dans la littérature (allant jusqu’à la délivrance d’une thérapie inappropriée) et dans des conditions très particulières (exposition prolongée > 2 minutes à moins de 15 cm du portique), aucune interférence n’est décrite lorsque l’exposition ne dépasse pas 10 à 15 secondes entre les 2 panneaux verticaux et encore moins en amont ou en aval de ces derniers.   Pistolets à impulsions électriques (« tasers ») Délivrant de courtes impulsions de haut voltage (100-1 500 V), le DECI peut interpréter l’interférence comme une activité cardiaque intrinsèque rapide (TV/FV) ou comme du « bruit » allant jusqu’à provoquer la charge des condensateurs chez un patient porteur d’un DAI (1 seul cas dans la littérature).   Lignes à haute tension et antennes relais Aucun risque d’interférence pour peu que les distances de sécurité affichées soient respectées.   Radiations cosmiques et vols long-courriers Au-delà de 10 000 m d’altitude, l’exposition aux radiations cosmiques est cent fois plus forte qu’au niveau de la mer et les neutrons à haute énergie peuvent théoriquement impacter les circuits électroniques en provoquant une déplétion de la batterie, une inhibition de stimulation et/ou de détection ou encore un retour en « mode reset » ou « usine » : 3 cas de retour en mode reset ont été décrits dans la littérature(8) ce qui rend leur incidence assez exceptionnelle compte-tenu du nombre annuel de passagers empruntant des vols long-courriers.   Environnement professionnel   Le médecin du travail est chargé de définir l’aptitude d’un travailleur à son poste ; lorsque celui-ci est porteur d’un DECI, la décision peut être difficile à prendre et nécessite une évaluation précise du risque d’IEM, idéalement dans une démarche pluridisciplinaire associant salarié, médecin du travail, rythmologue, fabricant du DECI et un ingénieur pour mesurer l’exposition au champ électromagnétique. Deux cas de figure avaient fait l’objet d’une analyse sans révéler de dysfonctionnement du DECI(9) ; le premier en rapport avec une exposition à un champ magnétique de 50 Hz chez un employé ERDF relevant des compteurs de postes clients, l’autre chez un sapeur-pompier soumis à un champ électromagnétique de radiofréquence induit par un système de télécommunication de 2 W (radio numérique).   CONCLUSION   Les IEM générées par une multitude d’appareils demeurent finalement assez rares, car diminuant au-delà d’une certaine distance et, de ce fait, transitoires. Les parades développées par les constructeurs permettent dans l’immense majorité des cas d’éviter des événements indésirables.

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