Publié le 15 déc 2017Lecture 6 min
EFFECTIVCRT™ : un nouvel algorithme, un nouveau pas vers une meilleure resynchronisation
Xavier WAINTRAUB, unité de rythmologie, Groupe Hospitalier Pitié-Salpêtrière, APHP, Paris
La resynchronisation cardiaque est née en 1994 ; du simple cas clinique elle s’est imposée au travers des essais cliniques et de grandes études randomisées comme un des piliers de la prise en charge de nos patients insuffisants cardiaques (IC).
Cette prise en charge s’articule autour du contrôle des symptômes, de l’amélioration de la qualité de vie, mais aussi du contrôle de la maladie et de sa progression, voire d’une régression (consultation en urgence, décompensation, hospitalisation). L’effet bénéfique de la thérapie de resynchronisation cardiaque (TRC) a pu être démontré sur tous les axes de traitement de l’insuffisance cardiaque.
Critères de réponse de thérapie de resynchronisation cardiaque (TRC)
La meilleure connaissance de la TRC au travers des études a contribué à individualiser un sous-groupe de patients, au sein duquel une amélioration est attendue après l’implantation(1). Ces résultats ont permis de définir des répondeurs, des hyper-répondeurs mais aussi malheureusement des non-répondeurs. Des critères simples permettent de préjuger de la réponse :
– le type de trouble de conduction : le bloc gauche est de meilleur pronostic que le droit ;
– la largeur du QRS : une valeur > 150 ms semble un marqueur de très bonne réponse ;
– la cardiopathie sous-jacente : les patients porteurs de cardiomyopathie dilatée à coronaires saines répondent mieux que ceux atteints de cardiopathie ischémique.
Les recommandations européennes de 2016 ont établi le profil des patients candidats à l’implantation d’un défibrillateur/ stimulateur biventriculaire avec des niveaux de preuves différents en fonction de la largeur du QRS et de la morphologie du trouble de la conduction intraventriculaire(2).
Parallèlement, ont été proposées différentes valeurs de pourcentage de stimulation biventriculaire nécessaires pour obtenir le plein effet de la resynchronisation cardiaque. Bruce Koplan et coll., en 2009, sur des données
issues de deux essais cliniques regroupant 1 812 patients porteurs d’une prothèse avec TR, ont analysé la mortalité et le risque d’hospitalisation en fonction du pourcentage de stimulation biventriculaire(3). Les auteurs ont individualisé 4 groupes selon le pourcentage de stimulation : 0-92 %, 93-97 %, 98-99 % et > 99 %. Les groupes avec plus de 92 % de stimulation avaient la meilleure réponse au traitement, le bénéfice étant d’autant plus important que le pourcentage de stimulation était proche de 100 %.
De la même façon David Hayes, sur une cohorte de 36 935 patients porteurs d’un défibrillateur avec TRC, a établi une valeur seuil de 98,4 % pour obtenir le gain de mortalité le plus important(4). On comprend ainsi la nécessité de tendre vers un pourcentage de stimulation le plus élevé pour obtenir une bonne réponse.
En dépit de tous ces efforts, il persiste 20 à 40 % de patients non répondeurs(5). Les raisons avancées pour expliquer cette absence d’amélioration sont les suivantes :
– une programmation inadéquate (47 %) ;
– la survenue d’arythmie (32 %), à type d’extrasystolie ventriculaire ou de fibrillation atriale ;
– la position sous-optimale de la sonde ventriculaire gauche (21 %) ;
– un traitement médical sous-optimal (20 %) ;
– des QRS fins (10 %) ;
– une non-compliance ;
– une dysfonction ventriculaire droite.
La non-réponse à la TRC fait rechercher les facteurs d’amélioration, dans l’objectif d’augmenter le pourcentage de stimulation. Les données issues de la télécardiologie nous donnent une information sur l’origine des épisodes de détection ventriculaire(6). Les principales causes de perte de capture sont : les tachycardies sinusales avec défaut de suivi, la fibrillation atriale avec défaut de réglage du délai auriculo-ventriculaire et les extrasystoles ventriculaires.
Les problèmes de réglages et les arythmies paroxystiques
Le contrôle de l’appareil va permettre de dépister les problèmes de réglage et les arythmies paroxystiques. Il est parfois nécessaire de chercher une perte de capture intermittente à l’aide de test d’effort, du Holter et de la surveillance de la télécardiologie.
L’apport du Holter est très sous-évalué (figure 1).
L’étude menée par Komath et coll.(7) est à ce titre riche d’enseignement. L’essai concernait 19 patients en FA permanente, porteurs de défibrillateur biventriculaire, et consistait à comparer le pourcentage de stimulation avec l’analyse du Holter sur la même période de temps. Le pourcentage de capture était de 95,4 % ± 3,2, mais la lecture du Holter a révèlé la présence de complexe de fusion ou pseudo-fusion. La proportion de pseudo-fusion était de 7,7 % dans le groupe des bons répondeurs versus 19,9 % pour les non-répondeurs. On comprend donc qu’en dépit des valeurs annoncées de resynchronisation, celles-ci ne correspondent pas à la réalité et peuvent expliquer l’absence d’amélioration des patients.
Jusqu’à présent l’évaluation de cette charge occulte de non-resynchronisation était difficile à évaluer et seul l’analyse des Holter permettait de l’appréhender, en sachant les nombreux écueils de son interprétation chez les patients porteurs de stimulateur.
Figure 1. Répartition en fonction du Holter de la stimulation efficace (bleu), battement de fusion (violet) et pseudo-fusion (blanc), d'après Kamath et coll.(7).
Un algorithme pour comprendre les discordances en TRC
La mise au point d’un algorithme embarqué sur les prothèses pour détecter la capture biventriculaire est une avancée importante dans la compréhension et la prise en charge des non-répondeurs. Cette algorithme EFFECTIVCRT™ est développé par Medtronic. Le principe fondamental repose sur le concept électrophysiologique d’analyse du signal unipolaire enregistré au site de stimulation, ce signal ayant une morphologie QS/QS-r. Le signal unipolaire QS est recueilli au site d’initiation de la dépolarisation, qui est le site le plus précoce de l’activation. Il signe la capture efficace et précoce au niveau de la sonde ventriculaire gauche dans ce cas précis (figures 2 et 3).
Figure 2. Analyse du signe unipolaire recueil sur l’électrode de stimulation ventriculaire gauche. En haut en faisant varier le délai auriculoventriculaire en stimulation biventriculaire (BV), puis monoventriculare gauche (LV), puis mono ventriculaire droite (RV), d'après Gosh et coll.(8).
Figure 3. Analyse du signal EffectivCRT™, les 3 premiers complexes n’ont pas une morphologie QS et correspondent à des pseudo-fusions contrairement aux derniers.
Cet algorithme a été évalué une première fois en 2015 par Ghosh et coll. sur 28 patients porteurs de défibrillateurs biventriculaires Medtronic, en simulant les pertes de capture (stimulation monoventriculaire droite), la stimulation ventriculaire gauche exclusive et les pseudo-fusions (variation du délai AV)(8). Les signaux étaient analysés sur un Holter recueillant les électrogrammes endocavitaires et simultanément l’ECG de surface (dérivation V1, V2, V3). Les battements étaient classés comme efficaces ou non efficaces en comparant les EGM et l’ECG de surface. Les résultats montrent une sensibilité de 98 % sur l’ECG de surface ; 98,2 % des battements de stimulation VG efficace sont correctement classés, 75,8 % des battements de pseudo-fusion sont reconnus et surtout la perte de capture du VG est identifiée à 100 % .
Cette étude préclinique a permis d’élaborer un essai de plus grande envergure sur 58 patients dans le cadre de OLE CRT(9) en 2017(9). Le but étant de comparer le pourcentage de stimulation biventriculaire détectée au pourcentage effectif, avec pour référence le Holter de 24 heures.
Et améliorer la prise en charge
Le premier résultat est la discordance entre le pourcentage de stimulation biventriculaire rapporté par la prothèse de 94,8 % ± 8 %, alors que la stimulation effective mesurée par EffectivCRT™ était de 87,5 % ± 23 %. Pour 1 patient sur 6 (18 %), cette surestimation peut avoir un impact clinique avec une différence de 39 % en moyenne comparativement au taux annoncé par l’appareil, ce qui peut expliquer la non-réponse pour ces patients. On note également que 3 patients sur 58 n’avaient aucune stimulation efficace alors que le pourcentage de stimulation était > 90 %. La surestimation moyenne était de 7 %, faisant chuter lepourcentage de stimulation efficace à
93 %, proche de la valeur seuil de bénéfice de la TRC établie par Koplan (92 %). L’autre obstacle à la TRC est la fibrillation atriale(9), l’incidence de la FA chez ces patients étant de l’ordre de 21 à 42 %. La survenue de la FA est marquée par une chute du pourcentage de resynchronisation et la réapparition des symptômes d’insuffisance cardiaque.
L’application de l’algorithme EffectivCRT™ aux épisodes de FA permet d’augmenter le taux de stimulation efficace lors des épisodes d’arythmie. Une fois la FA détectée, EffectivCRT™ va moduler la fréquence en
fonction des battements efficaces :
– si le dispositif détecte trop de stimulations inefficaces ou d’événements spontanés, il augmente la fréquence ;
– s’il détecte suffisamment de stimulations efficaces, il diminue la fréquence.
Il faut signaler que l’augmentation de fréquence se fait sans majorer la fréquence moyenne.
Dans l’étude CRTee évaluant EffectivCRT™ lors d’un épisode de FA sur 54 patients, le gain de stimulation efficace était de 7 % par rapport au groupe témoin au prix d’une très faible augmentation de la fréquence cardiaque moyenne de l’ordre de 3 bpm(10). On attend donc de pouvoir évaluer pour nos patients ce nouvel outil prometteur actuellement développé par Medtronic sur ces nouveaux boîtiers de resynchronisation PERCEPTA MRI™.
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