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Vie professionnelle

Publié le 29 juin 2024Lecture 5 min

Entrée dans le droit commun de la télésurveillance des prothèses rythmiques

Arnaud LAZARUS, Neuilly-sur-Seine

Vingt ans de travail des médecins et industriels, notamment en France, ont permis d’établir le bénéfice de la télésurveillance des prothèses rythmiques (TLS). Après des années d’expérimentation dans le cadre du programme ETAPES, cette activité de TLS entre, enfin, dans le droit commun avec un financement pérenne. Les arrêtés publiés le 23 février 2024 (NOR : TSSS2405723A ; NOR : TSSS2405724A) marquent ce début d’un usage routinier de la TLS pour tous les patients porteurs de stimulateurs et défibrillateurs (toujours pas de prise en charge de la TLS pour les enregistreurs ECG implantables), effectif au 31 mars 2024.

Voici les principaux points de pratique définis par ces textes.   Administratif (figure 1) Figure 1. Démarches administratives et pratique de la TLS. Dans le droit commun, les médecins (opérateurs) et les industriels (exploitants) sont plus fortement interdépendants.   Pour ceux qui l’avaient faite avant le 1er janvier 2023, et ceux qui ne l’avaient pas encore réalisée, il faut (re)déclarer son activité de TLS à son Agence régionale de santé (ARS), sur le site https://www.demarches-simplifiees.fr/commencer/declaration-activitestelesurveillance. Cette déclaration est obligatoire avant toute facturation de TLS en droit commun (après l’expérimentation ETAPES), pour que celle-ci soit prise en charge par l’assurance maladie. Une convention doit être signée entre médecins (opérateurs) et industriels (exploitants), avant toute première facturation, et peut être demandée par l’Assurance maladie. De même, si des activités de TLS sont confiées à des tiers (ex. : plateforme d’accès centralisée aux sites des exploitants), le patient doit en être informé et une convention doit être établie puis transmise à l’ARS. Le consentement du patient, libre et éclairé, doit être recueilli par tout moyen et tracé dans son dossier médical. Un document récapitulatif sur la pratique de la TLS dans le centre doit être remis au patient, précisant notamment ses droits relatifs au traitement de ses données, le contexte de la TLS, ses objectifs et modalités d’utilisation, le type de paramètres suivis et l’organisation de la TLS dans le centre, avec mention de la conduite à tenir en cas d’urgence. Une prescription semestrielle (pouvant ensuite être annuelle) de TLS est nécessaire pour les patients implantés à compter du 31 mars 2024, pour transmission aux exploitants afin de permettre leur facturation. Le mode de transmission vers les exploitants est à organiser, de façon sécurisée, de même que le renouvellement périodique de cette prescription. Elle doit contenir les informations suivantes : identification du patient, âge, poids (toutefois sans utilité flagrante), type d’activité de télésurveillance et nom de marque du dispositif. Pour les patients implantés avant le 31 mars 2024, cette prescription n’est pas nécessaire, car les exploitants auront déjà été payés via la LPP (liste des produits et prestations). Ce n’est qu’au changement de la prothèse rythmique de ces patients, les faisant entrer dans le droit commun de la TLS, qu’une prescription sera requise.   Pratique médicale de la TLS   Elle est assurée par un/des médecin(s) cardiologue(s) rythmologue(s), si besoin associé(s) à des infirmier(e)s, intervenant en propre ou comme IPA ou dans le cadre d’un protocole de coopération. Les événements transmis par TLS doivent être consultés quotidiennement, aux heures et jours ouvrables. Les patients non communicants doivent être contactés par l’opérateur, informé via une alerte transmise par le dispositif, dans un délai de 48 heures ouvrables. Bien que la HAS ait préconisé que cette charge soit attribuée aux exploitants, ce n’est finalement pas le cas, mais cela les concerne néanmoins, car, sans transmission, aucune facturation n’est possible (en cas de remontée de données < 50 % sur une période de 12 mois). En cas de transmission manuelle par le patient, l’opérateur doit contacter ce dernier pour en connaître le motif et l’éduquer en cas de mauvais usage ou de surutilisation.   Facturation   Le passage dans le droit commun de la TLS induit des changements importants. Les industriels, auparavant rémunérés via la LPP, sont dorénavant payés via un forfait technique (montant variable selon le volume de patients et révisable), comme les médecins (forfait de montant fixe). Opérateurs et exploitants sont donc liés dans la facturation, un forfait technique ne pouvant être facturé sans forfait opérateur et réciproquement. Le forfait opérateur (code de facturation TVA) est de 11 euros par mois et ne peut, selon la LFSS22 (art. L.162-54), donner lieu à aucun dépassement d’honoraire. Selon le profil du patient, la facturation et la prise en charge de ce nouveau forfait évoluent : – patients avec ALD cardiologique : facturation à 100 % dans le cadre de l’ALD, sans reste à charge pour le patient, comme dans le programme ETAPES ; – patients avec ALD non cardiologique ou sans ALD : il y a un reste à charge de 40 % pour le patient (4,40 euros mensuels), récupérable auprès de lui (facture ou au prochain suivi en face à face) ou de sa mutuelle. Les patients sans ALD et suivis jusque-là gracieusement en TLS deviennent donc facturables au 1er avril. Ceux avec une ALD non cardiologique, auparavant pris en charge à 100 % au titre de l’ALD dans le cadre d’ETAPES, doivent maintenant s’acquitter de ce reste à charge. Comment effectuer la transition de facturation d’ETAPES vers le droit commun ? (figure 2) – si le patient était déjà en ALD et facturé dans le cadre d’ETAPES, il faut finir la période semestrielle en cours (auparavant facturée avec le code TSM : 65 euros/semestre), mais la facturer en 6 fois un mois de code TVA (11 euros × 6, soit 66 euros), selon les recommandations de la DGOS ; – s’il n’était pas en ALD lors d’ETAPES (donc non facturable durant l’expérimentation), il peut maintenant être facturé mensuellement, à compter du 1er avril. Figure 2 : Transition de la facturation de TLS, du programme ETAPES (code de facturation semestriel TSM) vers le droit commun (code de facturation mensuel TVA) ; voir le texte.   Pour résumer, l’entrée de la TLS dans le droit commun est une excellente nouvelle et va permettre aux centres de s’organiser dans la durée pour cette activité devenant pérenne. Malheureusement, elle s’accompagne de plus de contraintes administratives (prescriptions ; échanges documentaires avec les industriels), techniques (gestion des patients non-communicants laissée aux opérateurs) et économiques (récupération du reste à charge ; gestion des données de mutuelles des patients) qui ne vont pas alléger le travail administratif des équipes médicales, ce que le terme d’opérateurs illustre assez bien. Redonner du temps médical aux soignants est donc plus un mantra qu’une réalité. Dernier point, la pratique large de la TLS va progressivement bouleverser le profil des contrôles de prothèses rythmiques en face-à-face, qui vont logiquement devenir plus longues et plus complexes (intervalles plus espacés entre les visites calendaires, allongeant le temps d’échanges et d’éducation lors de la consultation ; proportion accrue de visites motivées par des symptômes ou par des événements identifiés en TLS).

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