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Focus

Publié le 28 fév 2014Lecture 8 min

FA paroxystique enregistrée par un stimulateur - À partir de quelle durée faut-il envisager une anticoagulation ?

A. LEENHARDT, F. EXTRAMIANA, J.-P. LABBÉ, A. MESSALI, service de cardiologie, Hôpital Bichat, Paris

La fibrillation atriale (FA) paroxystique enregistrée par un stimulateur ou un défibrillateur peut être asymptomatique et est alors qualifiée de silencieuse. L’enjeu principal de cette forme de FA est d’en faire le diagnostic afin de prévenir les accidents thromboemboliques. Sur le plan rythmique, les recommandations actuelles conseillent de privilégier une stratégie de contrôle de la fréquence lorsque la FA est asymptomatique. Des études récentes apportent un nouvel éclairage sur la prise en charge de cette entité quant à la nécessité d’une anticoagulation. 

Épidémiologie et diagnostic Les symptômes sont un mauvais témoin de la présence d’une FA. On estime que, pour un épisode de FA symptomatique, douze sont asymptomatiques. Plus de 90 % des épisodes de FA détectés par des prothèses implantées sont asymptomatiques. De plus, les symptômes censés être liés à de la FA ne le sont que dans 20 % des cas environ. Il est très fréquent de détecter des épisodes de FA lors de l’interrogation d’une prothèse implantée. L’étude MOST en 2002(1) montrait la présence de FA silencieuse chez 50 % des patients porteurs de stimulateurs cardiaques (PM) pour dysfonction sinusale. Il est néanmoins possible que le fait de s’intéresser aux accès de FA détectés par des prothèses cardiaques majore la prévalence de ces arythmies, car ces patients implantés sont précisément plus à risque d’arythmies en raison des pathologies électriques qui justifient l’appareillage (dysfonction sinusale, maladie de l’oreillette, etc.). Le diagnostic électrocardiographique de certitude est le préalable indispensable à la prise en charge éventuelle de ces arythmies sur le plan thérapeutique. Il ne faut pas se contenter du diagnostic d’arythmie atriale fait par la prothèse. Il est indispensable de valider les signaux détectés comme étant effectivement en rapport avec une arythmie atriale. Une sous-étude assez récente de ASSERT(2), que nous verrons plus loin, rapporte que la très grande majorité (82,7 %) des épisodes détectés correspond effectivement à des arythmies atriales. Les diagnostics erronés sont souvent (13,9 %) en rapport avec des oreillettes rétrogrades répétitives tombant pendant la PRAPV, moins souvent avec du far-field ventriculaire ou du bruit sur le canal atrial. FA détectée par une prothèse cardiaque et accident vasculaire cérébral ischémique (AVC) L’étiologie d’un AVC n’est pas identifiée dans environ un quart des cas et une FA asymptomatique (ou infraclinique) est alors souvent suspectée. Cependant, la prévalence de la FA infraclinique et le risque embolique associé sont mal connus. La première étude ayant démontré une corrélation entre des épisodes atriaux détectés et la survenue d’AVC ischémique est une étude ancillaire de l’étude MOST(3). Les auteurs montrent, à partir de 312 patients ayant eu au moins un épisode de tachycardie atriale durant plus de 5 minutes avec une fréquence atriale d’au moins 220/min, une augmentation de la mortalité d’un facteur 2,48 et de l’association mort et accident vasculaire d’un facteur 2,78.   Plusieurs études vont, les années suivantes, dans le même sens, dont un travail de Botto et al. en 2009(4), à propos de 568 patients porteurs d’un PM et ayant des antécédents de FA. Le risque thromboembolique global de ces patients est de 2,5 % par an. Il varie de manière importante selon le score CHADS2 et la durée d’arythmie enregistrée, sauf pour les scores extrêmes. Schématiquement, les patients ayant un score CHADS2 égal à zéro ont un risque thromboembolique faible à 0,8 % par an quelle que soit la durée de l’arythmie sur 24 heures, tandis que ceux ayant un score CHADS2 supérieur ou égal à 3 ont un risque thromboembolique élevé à 5 % par an quelle que soit la durée de l’arythmie sur 24 heures. Pour ce qui est des scores CHADS2 intermédiaires entre 1 et 2, le risque thromboembolique varie en fonction de la durée de l’arythmie et du score CHADS2. Si ce dernier est égal à 1, les patients ont globalement un risque thromboembolique faible de 0,6 % par an, sauf chez les patients chez lesquels est enregistrée une FA de plus de 24 heures (risque : 4 % par an). Si le score CHADS2 est à 2, le risque thromboembolique est élevé à 4 % par an, sauf chez les patients qui n’ont pas de FA enregistrée (risque : 0,6 % par an). L’étude ASSERT publiée en 2012(5) a été réalisée pour répondre à la question du rapport entre la FA infraclinique et le risque thromboembolique en utilisant les mémoires de prothèses cardiaques (PM ou défibrillateur implantable [DAI]), permettant une détection optimale des épisodes de FA. Ainsi, 2 580 patients hypertendus, de plus de 65 ans et ayant une indication à un PM ou à un DAI ont été inclus. Les mémoires des prothèses ont été interrogées 3 mois après l’implantation et la survenue d’un épisode asymptomatique de fréquence atriale > 190/min pendant plus de 6 minutes était considérée comme de la FA infraclinique. Lors de l’interrogation des mémoires, au moins un épisode de FA infraclinique a été enregistré chez 10 % des patients. Cette constatation était associée, lors du suivi ultérieur de 2,5 ans, à une multiplication par 5 du risque de présenter une FA clinique (HR = 5,56 ; IC 95 % : 3,78- 8,17 ; p < 0,001). Mais surtout, ces FA infracliniques pendant les 3 premiers mois étaient associées à une majoration significative du risque d’AVC ou d’embolie systémique (HR = 2,49 ; IC 95 % : 1,28-4,85 ; p = 0,007) qui persistait après ajustement sur les facteurs de risque d’AVC. La FA infraclinique ne reflète pas seulement la présence de FA clinique puisque la première était 8 fois plus fréquente que la deuxième. Onze des 51 patients ayant présenté un AVC avaient eu de la FA infraclinique, mais aucun de la FA symptomatique. Enfin, les patients ayant un score CHADS2 > 2 et au moins un épisode de FA infraclinique avaient un risque d’AVC de 3,78 % par an. Ces résultats sont riches d’enseignements. Chez le type de patients inclus dans cette étude, la FA infraclinique est un phénomène fréquent (10 % des patients après 3 mois de suivi et plus d’un tiers sur un suivi de 2,5 ans). L’âge > 65 ans et l’HTA sont des facteurs connus de FA, mais la prévalence observée est forte. L’étude montre également que ces FA infracliniques sont un facteur de risque d’AVC important. Les taux d’AVC observés dans l’étude suggèrent fortement une balance bénéfice-risque en faveur de l’instauration d’un traitement anticoagulant au long cours chez ces patients avec un score de CHADS2 > 2. Compte tenu du risque attribuable d’AVC ou d’embolie systémique associé à la FA infraclinique, sa prise en charge permet d’espérer un impact significatif sur la prévalence des AVC. Cet espoir devra cependant être validé par une étude d’intervention randomisée.   En tout état de cause, il ne sera dorénavant plus possible de négliger la présence d’épisodes de FA asymptomatiques de plus de 6 minutes découverts sur un enregistrement Holter ou dans les mémoires des prothèses.   Les résultats de l’étude ASSERT ne sont cependant pas transposables directement à la population générale. En effet, il est probable que la prévalence de la FA infraclinique soit majorée par la présence concomitante d’une pathologie nécessitant une stimulation cardiaque définitive ou l’implantation d’un DAI. Par ailleurs, si la détection de ces FA infracliniques semble pertinente, cela ne sera pas facile en pratique clinique. Dans la moitié des cas présentés dans ASSERT, le premier épisode de FA infraclinique est survenu après plus de 36 jours de surveillance. Le Holter ECG de 24 heures, ou même de plusieurs jours, ne sera donc pas le bon outil diagnostique. La détection de ces FA infracliniques devra passer par l’utilisation d’un Holter de longue durée (plusieurs semaines), voire d’un Holter implantable (plusieurs mois). Relation temporelle entre des épisodes de rythme atrial rapide détectés par des prothèses implantées et un accident thromboembolique Contrairement à ce à quoi on pouvait s’attendre, plusieurs études ne retrouvent pas de corrélation temporelle bien claire entre les FA détectées par des prothèses implantées et un accident thromboembolique. L’étude TRENDS avait inclus 2 486 patients ayant une indication de PM ou de DAI et au moins un facteur de risque d’accident thromboembolique. Parmi ces patients, 40 (1,6 %) ont eu un accident cérébrovasculaire ou embolique systémique(6). Une FA n’a été détectée avant l’accident thromboembolique que chez 20 de ces 40 patients. Parmi ces 20 patients, 9 (45 %) n’avaient aucun épisode détecté dans les 30 jours précédant l’accident thromboembolique. Ce travail est confirmé dans une autre série de 560 patients insuffisants cardiaques implantés d’un CRT(7). Des troubles du rythme atrial sont détectés chez 40 % des patients, dont 11 (2 %) vont présenter des complications thromboemboliques et 24 vont décéder (4,3 %) après un suivi médian de 370 jours. Les auteurs concluent que les patients présentant des arythmies atriales de plus de 3,8 heures par jour ont un risque 9 fois supérieur d’avoir des complications thromboemboliques par rapport à ceux qui n’en présentent pas. Surtout, chez la majorité des patients (73 %), il n’existait pas de relation dans le temps entre l’arythmie atriale détectée et la complication qui survenait après un intervalle moyen de 46,7 + 71,9 jours (intervalle : 0 j-194 j). Ces travaux remettent donc en cause la physiopathologie des accidents thromboemboliques chez les patients ayant une prothèse implantée, qui doit faire appel à d’autres mécanismes que les seules complications thromboemboliques liées à la FA. Conclusion La détection d’une FA infraclinique par des prothèses rythmiques est fréquente, mais nécessite la validation des signaux enregistrés. Elle est clairement corrélée à une augmentation du risque thromboembolique. Néanmoins, elle pourrait ne pas être la cause exclusive de ces accidents et constituer surtout un marqueur de risque, au même titre que d’autres comorbidités, comme certaines participant au score CHA2DS2-VASc. D’autres facteurs, telles une myopathie atriale ou une dysfonction endothéliale, ont aussi été proposés comme élément pathogénique.  L’enjeu principal du diagnostic de ces FA asymptomatiques est la prise en charge du risque thromboembolique associé. Ce risque dépend du terrain et doit être évalué par les scores de CHADS2/CHA2DS2-VASc, indépendamment du type ou du caractère symptomatique ou non de la FA. Sur le plan rythmique, il n’y a pas, en dehors des cas de cardiomyopathie rythmique, d’indication à opter pour une stratégie de maintien du rythme sinusal dans les recommandations actuelles. Mais cette recommandation pourrait changer dans les prochaines années.  Nous avons vu que le risque d’AVC augmente, au moins pour certains patients, avec la durée de la FA. Il faudra ainsi définir la limite de durée de FA ou de charge en FA à partir de laquelle un traitement anticoagulant pourrait avoir une balance bénéfice-risque positive. Cette durée de FA n’est pas actuellement bien établie par les études publiées. Des études sont actuellement en cours pour tenter d’établir des recommandations solides de ce point de vue.  Le conseil le plus sage actuellement est de s’en tenir aux recommandations publiées en utilisant les scores de risque connus et en se servant de la détection de ces arythmies comme d’un marqueur de risque dont le diagnostic doit servir à optimiser la prise en charge cardiovasculaire globale de nos patients.

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