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Complication

Publié le 19 déc 2023Lecture 6 min

La fibrillation atriale postopératoire

Arnaud BISSON, Tours, Orléans

La fibrillation atriale postopératoire (FAPO) constitue la première cause de fibrillation atriale secondaire. Cette complication fréquente de la chirurgie cardiaque, mais aussi non cardiaque, est associée à la survenue d’événements majeurs. Sa physiopathologie est complexe et sa prise en charge spécifique. Cet article présente une mise au point sur cette thématique qui fait partie du quotidien de tout cardiologue.

Définition et épidémiologie   On définit généralement la FAPO comme la survenue d’une nouvelle FA dans les suites immédiates d’une chirurgie, bien qu’il n’y ait pas de consensus précis sur une durée minimale (> 30 s, > 10 min ?) ou la nécessité de recourir à un traitement(1). L’essentiel de la littérature sur ce sujet nous vient des études sur la chirurgie cardiaque. Si son incidence reste stable au cours du temps, elle varie selon le type de chirurgie. En effet, l’incidence de la FAPO après une chirurgie cardiaque est de 30 % et peut aller jusqu’à 50 % après remplacement valvulaire(2). À l’inverse, elle n’est que de 4,3 % dans les suites d’un TAVI(3). La FAPO est moins fréquente dans les suites d’une chirurgie thoracique (15 %) mais avec une incidence rejoignant celle de la chirurgie cardiaque pour les interventions les plus lourdes comme la pneumonectomie ou l’oesophagectomie. Enfin, elle ne survient que dans 0,4 à 15 % des cas après une chirurgie non cardiaque(4). L’incidence la plus faible est enregistrée en post-césarienne et la plus importante en post-chirurgie colorectale. Ces écarts d’incidences rapportés peuvent être attribués à l’intervention chirurgicale elle-même, mais aussi aux différences de profil des patients en termes de cardiopathie et de comorbidités, selon la présence d’une FA au préalable, l’hétérogénéité de la surveillance du rythme en postopératoire et enfin selon la définition de la FAPO. Concernant sa chronologie, un pic est décrit entre J2 et J4 après la chirurgie.   Physiopathologie   Les conditions sous-jacentes favorisant la survenue de FAPO sont multiples et complexes(2). En effet, on peut tout d’abord souligner l’importance du terrain (âge, cardiopathie sous-jacente, comorbidités, génétique) responsable d’un substrat atrial préexistant avant la chirurgie. À cela viennent s’ajouter des modifications structurelles induites par les lésions directes du myocarde atrial pendant une chirurgie cardiaque. Puis s’additionnent de nombreux facteurs périopératoires transitoires tels que l’inflammation, l’ischémie myocardique, le stress oxydatif et le système nerveux autonome, entraînant au niveau cellulaire un remodelage électrique (canaux ioniques), un découplage des jonctions gap (connexines) et l’altération du métabolisme calcique. Il en résulte une plus grande anisotropie atriale ainsi que la présence de postdépolarisations qui sont responsables à leur tour de réentrées et d’ectopies faisant le lit de la FA.   Pronostic   Si la FAPO est le plus souvent asymptomatique, paroxystique et brève, sont impact en termes pronostiques n’est pas anodin. À court terme, elle est associée à plus d’infections, plus de saignements, plus de complications rénales, elle prolonge la durée d’hospitalisation et augmente les dépenses de santé(5). À plus long terme, le risque de récidive de FA « non chirurgicale » est multiplié par 4-5 à 5 ans(6). Et elle est associée à un sur-risque d’insuffisance cardiaque, d’accident vasculaire cérébral (AVC), d’infarctus du myocarde et de décès, et ce même après ajustement sur d’éventuels facteurs confondants.   Prévention   Les cibles potentielles étant multiples, de très nombreuses approches ont été évaluées par de nombreux essais randomisés et méta-analyses, avec en tête de liste les bêtabloqueurs. Leur utilisation à la phase préopératoire de chirurgie cardiaque et non cardiaque est associée à une réduction de l’incidence de la FAPO, mais sans effet sur les événements indésirables majeurs. Pire, en chirurgie non cardiaque, le métoprolol périopératoire est associé à un risque accru d’AVC et de décès(7). C’est pourquoi les dernières recommandations de la Société européenne de cardiologie (ESC) de 2020 recommandent l’utilisation des bêtabloqueurs uniquement en période périopératoire de chirurgie cardiaque (Grade I) et contre-indiquent son utilisation systématique pour la chirurgie non cardiaque (Grade III)(8) (figure). Figure. Algorithme de prise en charge de la fibrillation postopératoire d’après les recommandations 2020 de l’ESC. Ic/III€: Classe Ic/III€; AA€: antiarythmique€; AG€: acide gras€; ß : bêtabloqueur€; FA€: fibrillation atriale€; Fc€: fréquence cardiaque€; FEVG€: fraction d’éjection ventriculaire gauche€; Ica€: inhibiteur calcique€; IV€: intraveineux€; Mg2+€: magnésium€; O2€: oxygénation.   L’amiodarone permet aussi de réduire la survenue de FAPO mais, là encore, sans effet sur les événements graves comme le décès ou l’AVC. Elle est donc indiquée uniquement en cas de chirurgie cardiaque (Classe I). Les autres antiarythmiques ne sont pas recommandés du fait du manque de données robustes et de leur usage délicat en raison de leurs effets indésirables. Concernant les autres approches comme les statines, la colchicine, le magnésium, les corticostéroïdes, l’injection de toxine botulique ou encore la péricardiotomie postérieure et la stimulation atriale, leurs résultats sont insuffisants et contradictoires ou leur mise en œuvre trop complexe en routine.   Prise en charge   Bien que la situation soit souvent complexe, on peut simplifier le problème en deux questions : – Mon patient est-il instable hémodynamiquement ou symptomatique et par conséquent dois-je le ralentir ou le réduire ? – Est-il à risque thrombo-embolique et dois-je donc l’anticoaguler (et pour combien de temps) ? Devant une instabilité hémodynamique, il est recommandé de restaurer le rythme sinusal immédiatement par une cardioversion électrique. Si la FAPO est symptomatique ou difficile à ralentir, on peut aussi procéder à une cardioversion électrique ou pharmacologique avec une préférence pour l’amiodarone en cas de dysfonction ventriculaire gauche. Cela n’est pas propre à la FAPO mais entre dans le cadre des recommandations plus générales sur la FA(8). En ce qui concerne la FAPO bien tolérée, il n’a pas été démontré de supériorité de la stratégie de contrôle du rythme versus contrôle de la fréquence(9). Le ralentissement de la cadence ventriculaire (< 100 bpm) peut être obtenu grâce aux bêtabloqueurs et à la digoxine quelle que soit la fonction ventriculaire gauche et par inhibiteurs des canaux calciques en l’absence de dysfonction ventriculaire gauche. Il conviendra aussi, afin de mettre toutes les chances de son coté, de corriger les troubles hydro-électrolytiques et une hypoxémie, et de diminuer la douleur, les inotropes et les vasopresseurs. En ce qui concerne la gestion du risque thrombo-embolique, si l’indication à une anticoagulation à la phase aiguë est admise (selon le score de CHA2DS2-VASc et à mettre en balance avec le risque hémorragique postopératoire immédiat), sa poursuite sur le long terme (passé 4 semaines après réduction) est plus débattue, ce d’autant que la quasi-totalité des patients recouvriront un rythme sinusal spontanément au cours des premiers mois postopératoires(9). Cependant, une proportion non négligeable de ces patients présentera par la suite des récidives de FA « primaire »(5). Selon les recommandations, une anticoagulation au long terme devrait être envisagée en cas de FAPO chez les patients à risque d’AVC après une chirurgie non cardiaque (Grade IIa) ou cardiaque (Grade IIb), en tenant compte des préférences éclairées du patient(8). Il est donc nécessaire de souligner l’importance d’un suivi cardiologique au décours afin de dépister une cardiopathie sous-jacente méconnue, de réévaluer le traitement antiarythmique ou ralentisseur et anticoagulant, et de traquer d’éventuelles récidives à l’aide d’enregistrements ambulatoires du rythme cardiaque.

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