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Focus

Publié le 31 mai 2015Lecture 6 min

Gestion de la douleur durant les procédures d'ablation

J.-F. QUÉDREUX, service d'anesthésie et de réanimation, chirurgie cardiovasculaire et thoracique Clinique Pasteur, Toulouse

Le développement de techniques ablatives de plus en plus sophistiquées en rythmologie rend la nécessité d'une analgésie ou d'une sédation plus fréquente du fait de la longueur de l'acte ou de son caractère douloureux. Peu de centres disposent d'un anesthésiste en permanence et le plus souvent l'analgésie ou la sédation sont administrées par l'opérateur. Le choix des médicaments utilisés relève alors parfois plus d'une habitude de service que d'un choix raisonné et argumenté.

Nombre de ces procédures sont réalisées en ambulatoire. La chronologie des temps algiques ainsi que leur durée totale varient en fonction de l’acte, de l’opérateur et du patient. La connaissance de la diversité des comorbidités associées et des cardiopathies sous-jacentes sont également importantes. L’ensemble de ces éléments est à prendre en compte dans le choix des médicaments analgésiques et hypnotiques utilisés. La connaissance des propriétés pharmacologiques et pharmacodynamiques, des effets cardiovasculaires et des effets secondaires de ces molécules est une des clés de ce choix. À partir de ce préambule on peut définir les caractéristiques du médicament « idéal » dans cette indication : il procure une analgésie efficace, une sédation et un certain degré d’amnésie tout en préservant la possibilité d’un contact verbal, il est facilement titrable, son délai et sa durée d’action sont courts, sans risque d’accumulation, compatible avec une activité ambulatoire, ses effets cardiovasculaires sont modestes. Les morphiniques Leurs effets secondaires communs sont la dépression respiratoire, les nausées et vomissements et le prurit. Morphine Par voie intraveineuse (IV), l’action analgésique débute 5 minutes après l’injection et est maximale au bout de 20 minutes, temps relativement long à l’échelle de la durée de l’ablation d’un flutter commun. La durée d’action moyenne après un bolus unique est de 120 minutes. Il n’existe pas de recommandation de posologie pour son utilisation au cours des actes de cardiologie interventionnelle. Cependant, il existe des recommandations d’experts concernant son utilisation en médecine d’urgence qui peuvent être ici transposées(1). Celles-ci préconisent une titration par bolus itératifs de 2 mg/kg (patient < 60 kg) à 3 mg/kg (patients > 60 kg) IV directs avec réévaluation toutes les 5 minutes. L’efficacité est jugée sur un score d’évaluation de la douleur. Cette titration peutêtre précédée par une dose de charge de 0,05 à 0,1 mg/kg. L’utilisation de la morphine IV impose de disposer des moyens de surveillance des complications en particulier respiratoires (surveillance de la SpO2, de la fréquence respiratoire et si possible de la concentration expiratoire en CO2 ainsi que des moyens d’antagonisation en cas de survenue d’effets secondaires (naloxone : titration par bolus de 0,5 à 1 μg/kg toutes les 2 à 3 min de façon à ramener la fréquence respiratoire à > 12/min)(2). L’utilisation de la morphine impose une surveillance monitorée d’au moins 1 heure après la dernière injection (délai de survenue possible d’une dépression respiratoire) et une aptitude à la rue après un délai minimum de 2 heures(1). Nalbuphine C’est un analgésique agoniste-antagoniste morphinique. Ses propriétés pharmacodynamiques sont caractérisées par un effet plafond rapide (au-delà de 0,2 à 0,5 mg/kg, correspondant à une dose équi-analgésique de 0,15 à 0,25 mg/kg de morphine). Il n’a pas moins d’effets secondaires que la morphine à doses équianalgésiques. Son effet sédatif est supérieur à celui des agonistes purs. Par voie intraveineuse, son délai d’action est de 3 minutes et sa durée d’action de 4 heures. Le caractère limitant de la nalbuphine est donc l’effet plafond. Rémifentanil C’est un agent anesthésique morphinique puissant dont l’utilisation est réservée aux anesthésistes réanimateurs. Ses caractéristiques pharmacodynamiques sont tout à fait intéressantes dans le cadre d’une sédation : délai d’action de 30 secondes, effet maximal en 1 à 2 minutes, disparition rapide de l’effet analgésique. Ces propriétés sont identiques quelle que soit la durée d’administration et rendent obligatoire une administration en perfusion continue. La dépression respiratoire induite disparaît en quelques minutes. Les hypnotiques Midazolam C’est une benzodiazépine largement utilisée en cardiologie interventionnelle, son délai d’action est de 2 minutes, le pic d’effet est obtenu au bout de 7 minutes. La durée d’action moyenne de 2 heures est prolongée chez le sujet âgé. Il procure une anxiolyse et une amnésie antérograde. Dans le cadre d’une analgésie, l’administration de 1 à 2 mg de midazolam permet de potentialiser l’effet de la morphine. Cette potentialisation intéresse aussi bien l’effet analgésique que l’effet dépresseur respiratoire. Ses effets sont antagonisés par le flumazénil (Anexate®). Chez l’adulte, la posologie initiale de flumazénil est de 0,1 à 0,2 mg IVD, renouvelée toutes les 1 à 2 minutes jusqu’à obtention de l’effet clinique désiré(2). Propofol C’est un agent anesthésique hypnotique. Ses propriétés pharmacocinétiques et pharmacodynamiques en font un agent de choix pour les actes réalisés en ambulatoire (délai d’action 30 à 40 s, durée d’action 10 min). Ses propriétés hémodynamiques – diminution de la précharge et de la postcharge en particulier – sont à prendre en compte. Les mélanges équimolaires protoxyde d’azote-oxygène (MEOPA) Associé à l’oxygène dans un mélange équimolaire afin de supprimer le risque d’hypoxémie, l’inhalation de protoxyde d’azote procure un effet anxiolytique et euphorisant avec modification des perceptions sensorielles sans perte du contact avec le milieu extérieur et un effet antalgique modeste. Le délai d’action est de 3 minutes, avec une réversibilité des effets obtenue en 5 minutes. Son administration ne relève pas des contraintes liées à l’anesthésie générale, sa prescription peut être faite par tout médecin, son administration est simple à mettre en oeuvre et peut être réalisée par un personnel paramédical formé(3). Au-delà de ces mesures, il peut aussi être intéressant de discuter des possibilités et de l’intérêt de la participation d’une équipe d’anesthésistes réanimateurs à l’activité du bloc de rythmologie, en particulier lorsque des procédures longues ou complexes sont réalisées. Les contraintes réglementaires liées à l’anesthésie sont certes importantes (consultation anesthésique préalable obligatoire, équipement du bloc, obligation de surveillance en SSPI), mais le bénéfice en termes de sécurité pour le patient et de confort de travail pour le rythmologue sont indéniables. Des techniques innovantes utilisant le propofol et/ou le rémifentanil en auto-administration (SCP : sédation contrôlée par le patient ou SIVOC : sédation à objectif de concentration ou la combinaison des deux techniques) sont des pistes à explorer plus largement dans cette indication, permettant une analgésie et une sédation adaptée et modulable avec une aptitude à la rue rapide. En pratique  Les objectifs et les moyens d'une meilleure analgésie en rythmologie, discutés et élaborés par l'ensemble de l' équipe médicale et paramédicale pourraient être les suivants : Diminuer la composante anxieuse du phénomène douloureux par une information préalable concernant le déroulement de la procédure et éventuellement par une prémédication médicamenteuse (alprazolam, bromazépam). Rédiger des protocoles d'évaluation de la douleur peropératoire par des techniques validées : les échelles numériques (EN) ou l'échelle verbale simple(quand l'EN n'est pas comprise par le patient), sont plus faciles à mettre en oeuvre que l'échelle visuelle analogique au bloc de rythmologie. Rédiger des protocoles d'analgésie médicamenteuse : - titration morphinique associée ou non au midazolam en tenant compte du délai d'action pas toujours adapté à la chronologie des procédures de rythmologie ; - administration de MEOPA, formation du personnel médical et paramédical, évaluation du rapport bénéfice coût. Rédiger des protocoles de surveillance per et postopératoires (modalité et durée) en rapport avec les effets indésirables possibles, respiratoires (SpO2, fréquence respiratoire et si possible PetCO2) et neurologiques : score de sédation OOAS(4) : - des protocoles de mise en œuvre du traitement des effets secondaires (naloxone, flumazénil, antiémétiques) ; - des protocoles de validation de l'aptitude à la rue après analgésie ou sédation. Évaluer l'efficacité de ces protocoles.  

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