Polémique
Publié le 30 sep 2013Lecture 5 min
La resynchronisation est-elle le prochain standard d'implantation en cas de bloc AV complet ?
C. LECLERCQ, CHU Pontchaillou, Université de Rennes I, CIC-IT 804, Inserm 1099, Rennes
Plusieurs modes de stimulation ventriculaire droite ont été proposés comme alternatives à la stimulation classique apicale. Cependant, les études n’ont pas montré de bénéfice clinique indiscutable de ces modes de stimulations alternatifs (infundibulum, septum, hisien ou para-hisien, etc.). Afin d’éviter la désynchronisation cardiaque induite par la stimulation ventriculaire droite apicale, une autre solution serait de proposer systématiquement une stimulation cardiaque biventriculaire chez les patients nécessitant une stimulation cardiaque permanente.
Les patients avec une indication conventionnelle de stimulation cardiaque représentent une part importante des patients implantés avec un dispositif de resynchronisation cardiaque. Selon les données émanant de différents registres, les patients déjà porteurs d’un stimulateur cardiaque et qui bénéficient de l’ajout d’une sonde de stimulation ventriculaire gauche (figure 1) représentent environ un cinquième des patients implantés avec un dispositif de resynchronisation cardiaque(1,2).
Figure 1. Les patients déjà porteurs d'un stimulateur cardiaque qui bénéficient de l’ajout d’une sonde de stimulation ventriculaire gauche représentent environ un cinquième des patients implantés avec un dispositif de resynchronisation cardiaque.
À côté des patients déjà implantés, certains insuffisants cardiaques développent des troubles de conduction pouvant requérir une stimulation cardiaque permanente ou très fréquente nécessitant l’implantation d’un stimulateur cardiaque ou d’un défibrillateur automatique implantable. Dans ce groupe de patients, le choix du mode de stimulation reste très débattu.
Les essais
Il existe à ce jour de nombreuses preuves des effets délétères de la stimulation ventriculaire droite sur les structures et fonctions myocardiques(3,4). De nombreux essais cliniques ont montré qu’il y avait une relation entre le pourcentage de stimulation ventriculaire droite et la survenue d’événements indésirables (insuffisance cardiaque, mortalité, etc.)(5-8). La stimulation cardiaque biventriculaire appliquée chez des patients avec une dysfonction ventriculaire gauche ayant déjà une stimulation du ventricule droit permet d’améliorer la fonction ventriculaire gauche et la symptomatologie fonctionnelle(9-24).
Jusqu’à récemment, nous ne disposions que des données d’études de faible effectif pour confirmer cette hypothèse.
L’étude HOBIPACE a randomisé en cross-over 30 patients avec indication conventionnelle de stimulation cardiaque et fraction d’éjection ventriculaire gauche (FEVG) inférieure à 40 %(25). La resynchronisation cardiaque avait un effet positif sur le remodelage ventriculaire gauche.
Albersten et al. ont comparé la stimulation ventriculaire droite apicale et la stimulation biventriculaire chez 50 patients avec un bloc atrioventriculaire de haut degré. La resynchronisation cardiaque n’induisait pas ou peu d’asynchronisme ventriculaire, préservait la fonction ventriculaire gauche et diminuait le NT-proBNP par rapport à la stimulation ventriculaire droite apicale(26).
Yu et al. ont comparé la stimulation ventriculaire droite apicale et la stimulation biventriculaire dans une étude parallèle, prospective et randomisée(27). Étonnamment, 50 % de la population avait une dysfonction sinusale isolée ce qui est typique d’une population sans indication de stimulation ventriculaire permanente. Cependant, en ne considérant que les patients avec un bloc atrioventriculaire de haut degré, la resynchronisation cardiaque n’induisait pas de réduction de la fonction ventriculaire gauche ni d’augmentation des volumes télésystoliques et télédiastoliques qui étaient observés après 1 an de stimulation ventriculaire droite(27). En revanche, il n’y avait pas de différence entre les deux groupes pour les événements cliniques. Les mêmes observations ont été faites après un suivi de 2 ans(28).
L’étude PREVENT-HF, incluant 108 patients avec un bloc atrioventriculaire de haut degré, a montré des résultats contrastés avec une absence de différence pour le remodelage ventriculaire entre la stimulation ventriculaire droite et la stimulation biventriculaire à 1 an de suivi mais aussi pour les hospitalisations pour insuffisance cardiaque(29).
Enfin, dans les différents essais cliniques comparant la stimulation ventriculaire droite apicale et biventriculaire chez les patients bénéficiant d’une ablation de la jonction atrioventriculaire droite, le bénéfice est en faveur de la resynchronisation cardiaque pour les critères morphologiques ou fonctionnels.
BIOPACE est une étude européenne prospective randomisée comparant les deux modes de stimulation chez des patients avec un bloc atrioventriculaire de haut degré quelle que soit la FEVG(30). Le critère primaire est un test de marche de 6 minutes, la qualité de vie et les hospitalisations pour raison cardiovasculaire. Initialement, le plan de l’étude prévoyait d’inclure 1 200 patients suivis sur 5 ans mais en raison d’un faible taux d’événements, ce nombre a été augmenté à 1 800. Les résultats devraient été présentés en 2014.
L’étude BLOCK-HF a montré des résultats encourageants même si cette étude n’est pas sans critiques. Cet essai multicentrique a randomisé plus de 900 patients avec une indication de stimulation ventriculaire droite, suivis pendant 37 mois. La FEVG était de 43 % chez les patients implantés avec un stimulateur et de 33 % chez les patients implantés avec un défibrillateur. Les patients devaient être en classe I à III de la NYHA. Le critère primaire était un critère combiné comprenant mortalité toutes causes, insuffisance cardiaque ou une augmentation de plus de 15 % du volume télésystolique(31). La resynchronisation cardiaque a réduit significativement le risque de survenue du critère primaire par rapport à la stimulation cardiaque conventionnelle (56 % vs 46 %). Si l’on considère les événements cliniques du critère primaire (décès ou insuffisance cardiaque), la différence reste significative avec une réduction de près de 30 %. Le bénéfice est identique que les patients soient implantés avec un défibrillateur ou un stimulateur. Il n’y avait pas de bénéfice significatif sur la mortalité. Cependant, le taux de complications était relativement élevé notamment celles liées à la sonde de stimulation ventriculaire gauche (6,5 %).
Les recommandations 2013 de la Société européenne de cardiologie ont élevé le niveau de recommandations de la stimulation cardiaque biventriculaire chez les patients nécessitant une stimulation ventriculaire droite(32) (encadré).
Figure 2. Radio de face d'un stimulateur biventriculaire pur, implanté sur bloc auriculoventriculaire de haut degré permanent avec fibrillation atriale chronique et FEVG à 42 %.
Conclusion
À la question « La resynchronisation est-elle le prochain standard d’implantation en cas de bloc AV complet ? », la réponse est oui pour les fractions d’éjection ventriculaire gauche altérées. Pour les FEVG > 50 %, aujourd’hui c’est non en attendant les résultats de BIOPACE.
Références sur demande à la rédaction : biblio@rythmologies.com
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