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Focus

Publié le 31 mai 2016Lecture 4 min

Niveaux d'exposition aux radiations durant l'implantation de prothèses rythmiques

P. BRU, Centre Hospitalier Saint- Louis, La Rochelle

Il existe peu de données publiées concernant l’irradiation entraînée par l’implantation de stimulateurs cardiaques et de défibrillateurs. À la différence de la plupart des actes diagnostiques utilisant les rayonnements ionisants, des niveaux de référence de dose n’ont été précisés que récemment pour la radiologie interventionnelle et l’angioplastie coronaire, mais rien n’a été établi pour l’implantation de prothèses rythmiques.

Pourtant, alors que ces techniques avaient été démontrées comme peu irradiantes car les durées d’utilisation de la radioscopie étaient minimes, l’apparition de la resynchronisation change la donne. Un risque significatif lié à une irradiation non négligeable est apparu lors des resynchronisations, aussi bien pour le patient que pour l’équipe soignante. Risques liés aux radiations ionisantes lors des implantations Dans cette situation, on est confronté aussi bien à des effets stochastiques, dont la survenue est aléatoire mais dont le risque augmente tout de même avec la dose reçue (cancers, cataracte), qu’à des effets déterministes, dose dépendants et apparaissant au-delà d’un certain seuil (radiodermites). Risques encourus par le patient Le seuil retenu par la HAS pour le risque de radiodermite est de 2 000 mGy de dose reçue à la peau, soit un air kerma de l’ordre de 4 Gy. Une surveillance cutanée spécifique doit alors être mise en place par l’équipe médicale responsable de cette irradiation. Cette dose peut sembler hors de proportion avec les doses reçues pendant une procédure d’implantation, mais il faut penser à prendre en compte tous les actes réalisés dans le passé dans la même zone et surtout avec des incidences similaires. Il s’agit essentiellement des procédures de cardiologie interventionnelle, parfois multipliées au cours de l’évolution d’un patient qui finira entre les mains du rythmologue pour l’implantation d’un système de resynchronisation. Le risque de cancer (effet stochastique) est bien plus difficile à prévoir. Des projections effectuées à partir de données fournies par les assurances médicales américaines évaluent que le risque de survenue d’un cancer est de 1/284 femmes de 40 ans exposées à des actes de cardiologie, sur la base d’une irradiation annuelle de l’ordre de 15 mSv(1). L’implantation d’un système de resynchronisation pourrait être responsable d’un risque supplémentaire de cancer de 0,3 ‰(2). Risques encourus par le cardiologue Rappelons que si la dose efficace (= dose équivalente x facteur de pondération tissulaire) maximale admise par an est de 20 mSv pour un praticien exposé, la dose équivalente maximale admise pour le cristallin par l’Autorité de sureté nucléaire (ASN) vient de passer de 150 à 20 mSv par an sur 5 ans (50 mSv maximum sur 1 an), en raison de données récentes sur les opacités cristalliniennes observées chez les cardiologues interventionnels, chez qui le risque serait 3 à 5 fois celui de la population générale(3). D’autre part, des publications récentes ont suggéré un risque excessif de cancers cérébraux dans cette même population(4). Résultats des études disponibles Dans la littérature, les travaux concernant l’implantation des stimulateurs cardiaques simple et double chambre sont rassurants quant aux doses délivrées(5). En resynchronisation, les doses reçues sont beaucoup plus importantes, bien que les études disponibles datent d’une époque où l’expérience de la technique était plus limitée et le matériel moins sophistiqué(2). L’étude « RayPace » menée par le groupe de rythmologie du Collège national des cardiologues des hôpitaux (CNCH)(6) est le premier registre multicentrique sur ce problème rapporté par des équipes entraînées (1,3 % d’échec d’implantation de sonde dans le réseau veineux coronaire). Les doses délivrées au patient apparaissent beaucoup plus faibles qu’il y a 10 ans, et l’irradiation est très variable selon les équipes, en partie en raison de l’expérience de l’implanteur mais surtout selon le modèle d’amplificateur de brillance utilisé et ses réglages (figure). Pour l’implantation d’un système de resynchronisation, le niveau de référence (3e quartile) a été évalué à 22 min de scopie (médiane 13 min) et un PDS (produit dose-surface) de 2 600 cGy.cm2. Un dépassement fréquent de ce niveau d’irradiation doit conduire à une vérification de l’appareillage si les temps d’exposition sont comparables. L’irradiation reçue par le personnel paramédical reste minime (< 4 μSv) alors que certains praticiens ont pu recevoir jusqu’à 0,5 mSv par procédure de resynchronisation pour des mesures effectuées devant le tablier plombé. C’est dire l’importance, certes, de limiter le temps d’irradiation, mais surtout d’utiliser tous les autres moyens de réduction de dose qui sont loin d’être négligeables (encadré), et bien détaillés par l’European Heart Rhythm Association(7).  Figure. Résultats de l’étude RayPace : les niveaux d’irradiation dans 6 centres implanteurs de systèmes de resynchronisation retrouvent des différences importantes dans l’irradiation, différences essentiellement liées à l’appareillage car les IMC des patients et les durées de radioscopie sont comparables. DRL = niveau de référence proposé par notre étude. Conclusion  Le développement de la resynchronisation cardiaque et des techniques ablatives impose au rythmologue une parfaite maîtrise des risques entraînés par l'irradiation.  Les mesures protectrices ne se limitent pas pour le patient à modérer le temps d'irradiation et pour l'implanteur à porter un tablier plombé !    

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