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Focus

Publié le 25 juin 2020Lecture 6 min

Non-compaction du ventricule gauche et risque de mort subite

Laurent FAUCHIER, Tours

La non-compaction du ventricule gauche (NCVG) est la cardiomyopathie la plus récemment décrite, caractérisée par des anomalies de trabéculation dans le ventricule gauche, le plus souvent à l'apex. Elle peut être associée à une dilatation ventriculaire gauche ou une hypertrophie, une dysfonction systolique ou diastolique, ou avec diverses formes de cardiopathie congénitale. Nous ne rentrerons pas en détail sur les particularités du diagnostic par échographie ou IRM et ses débats. L'hérédité et l’origine génétique concernent 30 à 50 % des patients et plusieurs gènes responsables de NCVG ont été identifiés. Ces gènes codent souvent pour le sarcomère ou les protéines du cytosquelette, bien qu'en cas de NCVG avec cardiopathie congénitale, la perturbation de la voie de signalisation NOTCH semble partie prenante pour la maladie(1). Une dysfonction mitochondriale ou des anomalies métaboliques peuvent aussi être en cause. Les patients avec NCVG sont à risque d'insuffisance cardiaque gauche, droite, ou globale. Les symptômes d'insuffisance cardiaque sont donc possibles, mais de nombreux patients sont asymptomatiques. Il existe en parallèle un risque de syncope et de mort subite par arythmies ventriculaires ou bloc auriculoventriculaire complet.

Prévalence et incidence des arythmies associées à la NCVG Les arythmies supraventriculaires ou ventriculaires et les troubles de conduction, dont certains possiblement létaux, sont fréquents en cas de NCVG. Les cas de NCVG avec arythmies précoces ont sans surprise un risque plus élevé de mort subite. Des arythmies ventriculaires de toutes gravités sont rapportées chez 40-45 % des adultes avec NCVG et paradoxalement moins souvent (15- 20 %) chez ceux avec mort subite, peutêtre parce que celle-ci peut révéler la maladie. Une analyse a regroupé 77 adultes avec NCVG et DAI, dont 44 ont reçu le DAI sur la base des recommandations pour les cardiomyopathies dilatées(2). Après un suivi de 33 mois, 8 patients (10 %) ont eu des chocs pour tachycardie ventriculaire soutenue après une médiane de 6 mois, suggérant que les patients avec NCVG ont un risque de mort subite relativement élevé. Chez les patients avec TV soutenue, le risque de récidive TV soutenue avec choc était de 33 % après un suivi de 26 mois. D’autres études rapportent des taux annuels de chocs appropriés allant de 4 à 10 % chez les patients avec NCVG et DAI (Kobza 2010, Sedaghat-Hamedani 2017). Dans une étude monocentrique sur 242 enfants avec NCVG, 150 (62 %) avaient une dysfonction myocardique et 80 (33 %) avaient une arythmie cliniquement significative, les deux étant fortement associés à un sur-risque de mortalité(3). Des études similaires chez l’adulte retrouvent la dysfonction VG et les arythmies ventriculaires comme facteurs pronostiques de mortalité. Prise en charge des patients avec NCVG La prise en charge est dictée par la présence d’une dysfonction ventriculaire, d’arythmies significatives ou d’une cardiopathie congénitale structurelle, associées ou non. Le traitement est ainsi basé sur le phénotype de chaque patient et les divers aspects peuvent nécessiter des surveillances différentes et sont associés à des pronostics variables. Dépistage des apparentés La NCVG étant volontiers héréditaire, il est recommandé de faire un dépistage pour les apparentés au premier degré, ce qui permet le diagnostic pour des patients qui resteraient méconnus. Les tests génétiques recherchent volontiers des mutations connues des gènes du sarcomère, ou celles spécialement identifiées pour la NCVG. Pour les patients avec mutation pathologique identifiée, le séquençage ciblé peut être effectué chez les apparentés au premier degré. Les mutations sarcomériques se présentent sous forme de phénotypes cardiaques variables au sein des familles, et les apparentés au premier degré d’un patient avec NCVG porteurs de la même mutation peuvent avoir une NCVG mais aussi une cardiomyopathie dilatée, hypertrophique ou restrictive isolée sans NCVG. Ils peuvent aussi être porteurs de la mutation et n’avoir aucune anomalie structurelle apparente. Un conseil génétique doit donc être fourni sur les risques éventuels au sein de ces familles. Traitement de la dysfonction ventriculaire La prise en charge est principalement orientée par la dysfonction myocardique (avec ou sans signes congestifs) qui est un bon moyen de prévenir le risque de mort subite. Les patients avec insuffisance cardiaque systolique ou diastolique doivent être traités de manière conventionnelle sur la base des recommandations internationales. Pour les patients avec NCVG et dysfonction systolique associée, les traitements oraux comprennent donc les IEC, les bêtabloqueurs et les anti-aldostérones. Les diurétiques de l’anse sont utilisés pour les patients avec signes de congestion. Les patients avec cardiomyopathie hypertrophique associée peuvent bénéficier d’un traitement symptomatique par bêtabloqueurs ou du calcium bloqueurs en cas d’obstruction intra-ventriculaire. Chez les patients avec dysfonction diastolique prédominante, un traitement médicamenteux peut être proposé avec un bénéfice clinique qui n’est pas avéré. Certains patients développent une hémodynamique restrictive qui peut parfois nécessiter une transplantation cardiaque. Les patients avec maladie mitochondriale ou troubles métaboliques peuvent être traités avec des thérapies de supplémentation, tels que coenzyme Q10, L-carnitine, riboflavine et thiamine. Cependant, le bénéfice clinique n’est là encore pas certain, le niveau de preuve étant faible compte tenu de la rareté de ces cas et des difficultés éthiques à envisager des études randomisées dans un tel contexte. La NCVG peut affecter le pronostic et être un facteur de confusion pour les patients avec cardiopathie congénitale associée. Les traitements de ces cardiopathies congénitales seront dictés par la gravité de l’atteinte structurelle et ils peuvent nécessiter des procédures interventionnelles percutanées ou une intervention chirurgicale. Il faut enfin savoir que le risque de dysfonction VG, d’arythmies et événements thromboemboliques parait plus élevé dans les périodes péri-opératoires en cas de NCVG. Les complications métaboliques ou propres aux syndromes associés à la NCVG peuvent aussi compliquer la gestion périopératoire des procédures interventionnelles ou chirurgie de correction cardiaque. Prévention du risque thromboembolique Les risques thromboemboliques associés aux NCVG sont bien décrits chez les adultes. Les antiplaquettaires ou l’anticoagulation orale doivent être envisagés lorsque le ventricule gauche ou les oreillettes sont dilatées, avec des anticoagulants oraux systématiques en cas de fibrillation atriale qui est constatée dans 5 à 10 % des cas (Habib 2011). L’incidence des AVC ou d’événements thromboemboliques chez les enfants reste mal connue, et les antiplaquettaires sont possibles en cas de dysfonction systolique ventriculaire gauche, de contraste spontané à l’échocardiographie, ou de dilatation atriale ou ventriculaire gauche sévère(1). Prise en charge non médicamenteuse Les défibrillateurs implantables (DAI) semblent efficaces pour la prévention de la mort subite dans les analyses observationnelles de patients avec NCVG, pour ceux avec dysfonction ventriculaire gauche grave, antécédent de tachycardie ventriculaire soutenue ou de fibrillation ventriculaire, syncopes récidivantes, ou éventuellement antécédents familiaux de mort subite. L’intérêt de l’IRM pour identifier le risque de mort subite reste spéculatif. L’implantation d’un DAI est actuellement proposée si les patients répondent aux critères des recommandations pour la prise en charge des cardiomyopathies, et pour les patients à risque élevé de mort subite en fonction des éléments listés cidessus. Chez les enfants, les antiarythmiques peuvent être proposés avant l’implantation d’un DAI en raison du taux élevé de fractures de sondes et de chocs inappropriés dans cette population(1). En cas de NCVG avec TV soutenues récidivantes, l’ablation avec abord endocardique ou épicardique semble avoir une bonne efficacité (Sohns, 2019). La resynchronisation cardiaque peut être utilisée selon les critères habituels, et entraîner une amélioration chez certains patients. Les assistances ventriculaires ou la transplantation cardiaque sont destinées aux patients avec insuffisance cardiaque terminale. Conclusion La prise en charge des patients avec NCVG est centrée sur la dysfonction myocardique et le risque de mort subite lorsqu’on l’estime significatif. L’implantation d'un DAI est le meilleur moyen de prévenir la mort subite lorsque le risque paraît élevé. Malgré les progrès réalisés pour le diagnostic, la compréhension de la maladie — qui reste relativement rare — et l’évaluation de ses thérapeutiques doivent être améliorés.

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