Publié le 30 sep 2011Lecture 7 min
L’ablation épicardique par voie transcutanée
F. SACHER, N. DERVAL, S. KNECHT, M. HOCINI, M. HAISSAGUERRE, P. JAIS CHU de Bordeaux, Université Bordeaux 2, Inserm 1045
L’approche épicardique percutanée pour l’ablation des tachycardies ventriculaires (TV) s’est développée ces dernières années se révélant nécessaire chez 12 % des patients(1). Toutefois, il faut bien poser l’indication d’une approche épicardique car le taux de complication est un peu supérieur à l’ablation endocavitaire des TV (7 % vs 4 %)(2). Les complications sont, par ailleurs, différentes et doivent être connues afin de minimiser leur survenue.
Sélection des patients
Indications
La bonne sélection des patients est l’étape cruciale afin d’optimiser ce type d’approche. Généralement, on envisage un abord épicardique après échec d’une procédure endocardique ; toutefois, les substrats ne sont pas équivalents en termes d’origine épicardique des TV. À l’origine, cet abord a été développé par les Brésiliens(3) pour traiter les TV sur maladie de Chagas qui ont quasi exclusivement des substrats épicardiques, mais cette étiologie est relativement rare en Europe. La proportion de circuit/foyer épicardique est importante dans les myocardiopathies dilatées à coronaires saines, les dysplasies arythmogènes du ventricule droit (DAVD), les myocardiopathies hypertrophiques et chez les patients avec séquelles de myocardite. Si, maintenant, on regarde les séries d’ablation de TV(1,4), les substrats les plus fréquents sont la myocardiopathie ischémique (38 %) – en particulier sur infarctus inférieur – (car c’est la pathologie la plus fréquente) et la myocardiopathie à coronaire saine (29 %). À noter que 13 % des patients avec ablation de TV épicardique ont un cœur structurellement sain dans notre étude.
Certaines caractéristiques des ESV/TV sur l’ECG de surface sont évocatrices d’une origine épicardique (pseudo-onde delta > 34 ms, déflection intrinsécoïde > 85 ms et durée de RS la plus courte > 121 ms)(5) (figure 1). Lorsqu’une TV a ces caractéristiques et qu’elle survient dans un contexte de myocardiopathie à substrat préférentiellement épicardique, l’abord épicardique d’emblée peut se justifier même si ces critères sont débattus. En l’absence de contre-indication, la réalisation d’une IRM cardiaque peut permettre également de mieux localiser le substrat.
Figure 1. Patient de 53 ans hospitalisé pour orage rythmique sur séquelle de myocardite. Sa TV est représentée en A. Il existe une concordance positive dans les précordiales, évocatrice d’un point d’émergence basal et l’axe avec le D1 négatif le situe en latéral haut. La durée de la pseudo-onde delta (primo-activation ventriculaire/activation rapide la plus précoce dans une dérivation précordiale) est de 54 ms, se confondant dans ce cas-ci avec la durée de la déflection intrinsécoïde (primo-activation ventriculaire/pic de l’onde R en V2). La durée de RS la plus courte (primo-activation ventriculaire/nadir de la première onde S dans une dérivation précordiale) est de 142 ms. B. Une coupe IRM petit axe de ce patient avant l’implantation de son DAI montre un rehaussement tardif inférolatéral respectant l’endocarde, évoquant un substrat épicardique.
Contre-indications
Pour pouvoir réaliser un abord épicardique percutané, il est important d’avoir un espace péricardique libre et non adhérent. L’agénésie péricardique totale ou partielle est très rare (1/10 000), mais des signes évocateurs sont présents sur l’ECG (rotation axiale droite avec rotation horaire des QRS dans les précordiales) et sur la radiographie pulmonaire (déplacement de la silhouette cardiaque dans l’hémithorax gauche et fenêtre aorto-pulmonaire marquée)(6). Bien plus fréquents sont les problèmes d’adhérences péricardiques essentiellement après chirurgie cardiaque. Même si cela a été décrit dans la littérature, il ne nous semble pas raisonnable de réaliser cette approche chez des patients aux antécédents de chirurgie cardiaque (en particulier pour des pontages coronaires) où l’on préférera un accès chirurgical (fenêtre sous-xyphoïdienne ou intercostale en fonction du site ciblé) qui permettra également de libérer les adhérences péricardiques.
La ponction
Ce type de procédure se fait idéalement sous anesthésie générale et donc avec la présence d’un anesthésiste, ce qui est confortable chez les patients potentiellement fragiles. Toutefois, il est tout à fait possible de faire cette procédure avec une analgésie puissante (la morphine ne suffit pas) en associant du midazolam (0,05 mg/kg) et du sufentanyl (de 5 à 20 gamma) ou rémifentanyl par exemple.
Pour ce qui est de la ponction péricardique, nous préférons la réaliser avant toute anticoagulation pour minimiser les saignements en cas de lésion d’organe. En pratique, on commence par poser les accès veineux avec un cathéter endocavitaire à l’apex du VD en cas d’absence de DAI pour avoir un repère. On utilise une vue de profil(7) (figure 2) pour s’assurer de la profondeur de l’aiguille, et on utilise une aiguille de Tuohy (aiguille épidurale des anesthésistes) de 15 cm. On fait une ponction sous-xiphoïdienne, la plus superficielle possible (en visant le bord interne de la clavicule – ponction verticale –), pour éviter de léser un organe ou une artère sous-diaphragmatique. On a alors le choix entre deux approches : une inférieure (on arrive sur la face inférieure des ventricules) et une antérieure (face latérale du VD) (figure 3). Une fois l’accès obtenu, nous réalisons la cartographie épicardique ; puis, s’il n’y a pas de saignement, nous mettons en place les accès pour accéder aux cavités gauches en anticoagulant le patient à dose efficace.
Figure 2. Images fluoroscopiques à différentes étapes de la ponction péricardique. A (vue de profil) : abord antérieur (paroi libre du VD) avec du contraste dans le médiastin en avant du péricarde, mais également autour de la silhouette cardiaque (flèches) qui montre que l’aiguille est dans le péricarde. On fait alors passer un guide (étoile) dans l’aiguille et on le pousse au maximum (B) pour être sûr que l’on est toujours dans le péricarde. Il ne doit pas y avoir de résistance. Puis on passe en vue oblique antérieure gauche (vue postéro-antérieure sur le panel en C), et si le guide (étoile) passe autour du VD et du VG, il ne peut pas être dans les cavités cardiaques. On enlève alors l’aiguille pour mettre un désilet.
Figure 3. Scanner thoraco-abdominal en coupe sagittale montrant les structures potentiellement traversées lors d’une ponction sous-xyphoïdienne. Il s’agit d’un patient avec syndrome de Chilaïdity (tube digestif superficiel). Les flèches rouges représentent les 2 accès habituellement réalisés (antérieur ou inférieur). Nous réalisons plus volontiers un accès antérieur car les risques de léser une artère ou un organe sous-diaphragmatique sont moins importants.
Cartographie et ablation
Les gaines déflectables sont très utiles pour la navigation dans le péricarde où l’on manque généralement de support. On utilise typiquement un cathéter irrigué (peu de puissance si non irrigué car pas de refroidissement par le flux sanguin) avec un système d’aspiration continue (connexion du désilet/gaine sur le vide) qui permet d’évacuer le liquide du péricarde et donc un meilleur contact cathéter/épicarde. Le cathéter est déplacé librement sur l’ensemble de l’épicarde sans jamais forcer. Il est également crucial de ne jamais laisser la gaine sans rien à l’intérieur car l’extrémité peut alors léser le myocarde. Il est également très important de s’assurer de l’absence de pneumo-péricarde car cela augmente le seuil de défibrillation en cas de choc électrique(8).
Pour l’ablation, nous utilisons une puissance comprise entre 20 et 30 W. Il est important de réaliser une coronarographie lorsqu’on est sur un site que l’on veut ablater pour s’assurer de la distance entre le cathéter et une éventuelle coronaire, car si la distance est < 0,5-1 cm il existe un risque de léser cette artère. De même, lorsqu’on est sur la face latérale du ventricule gauche, il faut stimuler localement avant de faire l’ablation pour s’assurer de l’absence du nerf phrénique à proximité. Si c’est le cas, différentes méthodes ont été proposées pour le protéger (injection d’air, de sérum salé, ballon)(9-11).
En fin de procédure, certains injectent des corticoïdes en intrapéricardique pour diminuer la réaction inflammatoire. En ce qui concerne les accès, on peut soit retirer immédiatement la gaine en l’absence de saignement (ce que l’on fait), mais certains laissent une pigtail quelques heures, voire 24 heures(4).
Suivi des patients
Dans les suites immédiates, des douleurs thoraciques péricarditiques sont fréquentes et le recours aux anti-inflammatoires non stéroïdiens est quasiment systématique. Si une anticoagulation est nécessaire, la coagulation doit être suivie de près pour éviter tout surdosage et donc tout risque d’épanchement péricardique important.
Conclusion
L’ablation épicardique transcutanée doit être envisagée en cas d’échec d’ablation de tachycardie ventriculaire en particuliers chez les patients avec myocardiopathies dilatées à coronaires saines ou séquelle de myocardite. Le risque de complication majeure est de l’ordre de 7 %.
Sa réalisation nécessite de bien connaître les risques et les moyens de les limiter. La présence d’un chirurgien cardiaque sur site en cas de saignement non contrôlable est nécessaire.
Attention, pour des raisons réglementaires ce site est réservé aux professionnels de santé.
pour voir la suite, inscrivez-vous gratuitement.
Si vous êtes déjà inscrit,
connectez vous :
Si vous n'êtes pas encore inscrit au site,
inscrivez-vous gratuitement :