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Éditorial

Publié le 18 déc 2024Lecture 5 min

Sécurité des procédures électrophysiologiques

Peggy JACON, Grenoble

Les dernières décades sont marquées par des avancées majeures en électrophysiologie. Si les progrès technologiques des techniques d’ablation ont permis une amélioration de la sécurité, l’extension des indications chez des patients fragiles expose à des risques opératoires plus importants. Parallèlement, le développement de la stimulation sans sonde et la fermeture d’auricule gauche (FAG) exposent à des risques et règles de sécurité spécifiques. Une métanalyse récente(1) compare les taux de complications des procédures d’électrophysiologie sur deux périodes historiques : 2000-2018 et 2019-2023 (tableau).

  Complications thromboemboliques   Les complications thromboemboliques périprocédures sont souvent attribuables aux manipulations de matériel et à l’anticoagulation. Leur taux a globalement diminué lors de la dernière décade (0,46 % 2000-2018 vs 0,28 % 2019-2023 ; p = 0,002). L’évolution des pratiques vers la non-interruption des anticoagulants, actuellement recommandée(2), ainsi que l’attention portée aux manipulations, peuvent expliquer la diminution de ce risque pour l’ablation de FA. Pour les autres interventions, notamment les ablations de TV, les données de la littérature sont limitées mais en faveur d’une anticoagulation qui peut être proposée au minimum le mois suivant la procédure(3). La gestion d’un événement embolique périopératoire, toujours possible, doit pouvoir être anticipée par une procédure sur site (de type « alerte AVC »).   Épanchements péricardiques   Le risque d’épanchement nécessitant intervention est de 0,83 % (0,72 %- 0,95 %) sur la période 2019-2023. Pour les procédures d’ablation, les méthodes de guidage pour l’accès transseptal ont peu évolué. Certaines études montrent que l’échographie intracardiaque pourrait diminuer le risque(4), mais son usage reste limité en France par des considérations économiques. Il n’y a pas de recommandation spécifique pour la sécurisation par monitoring échographique. Le développement des nouvelles énergies, ainsi que l’évolution d’utilisation des cathéters de radiofréquence (capteurs de contact, adaptation du temps d’application et de la puissance) peuvent concourir aux améliorations de sécurité par un meilleur contrôle de l’intensité des lésions(5). Pour les FAG, le design des prothèses a été amélioré pour minimiser le risque traumatique(6). Enfin, pour les stimulateurs sans sonde, la réduction du risque d’épanchement est probablement largement attribuable à l’évolution des techniques d’implantation (notamment le choix du site d’implantation). Pour toute procédure d’électrophysiologie, il faut être capable de gérer un épanchement péricardique ayant un retentissement, ce qui impose un accès rapide au diagnostic (échographie) et à la thérapeutique (personnel entraîné et matériel disponible pour drainage percutané). Il faut cependant rappeler que pour les FAG et stimulateurs sans sonde, les épanchements nécessitent fréquemment une prise en charge chirurgicale, en raison de la taille des perforations, ce qui explique la limitation en France aux centres avec plateau de chirurgie cardiaque.   Complications vasculaires   Le taux de complications vasculaires (hématomes, lésions artérielles, thromboses veineuses, saignements majeurs) avoisine 1,88 % lors de la dernière décade(1). Plusieurs techniques ont pu contribuer à leur diminution, notamment pour les ablations de FA ; le guidage échographique pour les ponctions est désormais recommandé(2), ayant démontré son efficacité dans de nombreuses études. Plusieurs études montrent également l’intérêt de l’utilisation de la suture en 8 et des systèmes de fermeture vasculaire(7,8). Le taux de complications vasculaires reste élevé pour les FAG et stimulateurs sans sonde, qui nécessitent l’usage de cathéters de plus gros calibre (14F et 27F, respectivement).   Complications relatives à l’ablation de FA   L’incidence des complications sévères a diminué entre les deux dernières décades, autour de 5 % sur 2019-2023 (tableau) avec un taux de décès périopératoires qui reste de 0,04 %. Les dernières énergies développées pour l’ablation de FA, comme l’électroporation, s’avèrent prometteuses pour la réduction des risques « énergie dépendants » : pas de sténoses de veine pulmonaire, exceptionnelles paralysies phréniques transitoires, pas de fistule œsophagienne (taux « historique » autour de 0,06 %)(9,10). Des complications spécifiques à l’ablation de FA, telles que les paralysies phréniques et les sténoses symptomatiques des veines pulmonaires, ont logiquement diminué entre les périodes 2000-2018 et 2019-2023 (0,48 % vs 0,23 % ; p < 0,001 et 0,24 % vs 0,07 % ; p < 0,001, respectivement) grâce à ces nouvelles technologies et aux changements de pratique. De nouvelles complications, rares, peuvent cependant survenir avec l’électroporation telles que le spasme coronaire (pour les ablations sur les isthmes mitral et tricuspidien) ou l’insuffisance rénale sur hémolyse (pour les applications multiples > 120)(11). Leur risque peut être contrôlé par mesures anticipatives, comme l’injection de trinitrine pour le spasme et l’hydratation pour l’hémolyse(12,13). Une seule étude randomisée compare l’électroporation aux autres énergies thermiques(10), avec un apport additionnel de cette énergie pour la sécurité des interventions qui reste encore à confirmer.   Complications relatives à l’ablation de TV   Le taux de complications sévères périprocédures n’a pas diminué entre les deux dernières décades (7,62 % vs 8,44 % ; p = 0,557) mais la mortalité périprocédure a baissé, autour de 0,26 %. L’effet lié à l’amélioration des techniques de mapping et d’ablation en termes de sécurité peut être contrebalancé par l’accès à l’ablation de patients potentiellement plus graves, avec insuffisance cardiaque avancée. Le projet thérapeutique global, ainsi que les limites de la procédure, doivent être clairement définis en amont de ce type de geste(14) : réanimation, stand-by vers assistance cardiaque ou greffe si patient éligible.   Complications relatives aux stimulateurs sans sonde   L’incidence de complications majeures liées à la pose de stimulateurs sans sonde a diminué entre les périodes 2000-2018 et 2019-2023 (4,57 vs 3,65 % ; p = 0,038). Le taux de décès sur la période la plus récente est très faible, autour de 0,04 %, ainsi que celui des épanchements nécessitant intervention (0,21 %). On rappelle qu’en France, la mise en place de ces dispositifs est limitée aux centres titulaires d’une activité de chirurgie cardiaque(15), avec une formation minimale en raison du risque lié aux perforations, rares mais potentiellement létales. Parmi les complications spécifiques, le risque d’embolisation est faible, autour de 0,31 %(1), mais impose une bonne connaissance et une accessibilité aux techniques d’extraction (lassos, snares et matériels de recapture dédiés).   Complications relatives aux FAG   Neuf études ont été publiées avant 2018 et 9 autres entre 2019 et 2023 avec 6 types de prothèses (notamment Watchman : 56,7 %). L’incidence de complications sévères n’a pas changé entre ces périodes (10,71 % vs 10,86 % ; p = 0,837). Le risque d’embolisation de prothèse est de 0,50 %, et les procédures doivent être sécurisées par un accès aux techniques de recapture (matériel d’extraction) et un environnement doté d’un plateau de chirurgie cardiaque. S’il est difficile de généraliser les données pour des prothèses très différentes, les plus récentes semblent satisfaire parfaitement les objectifs de sécurité(6). Une seule étude randomisée compare les prothèses Watchman/FLX et Amulet, avec plus de complications majeures périprocédures dans le groupe Amulet (9 % vs 2,7 % ; p = 0,047) particulièrement de complications hémorragiques (7,2 % vs 1,8 %) sans différence sur les événements cliniques à 45 jours(16).   Conclusion   La sécurité des procédures d’électrophysiologie, enjeu majeur pour le rythmologue, a progressé grâce aux progrès technologiques et à l’amélioration des pratiques. La fréquence des complications reste néanmoins non négligeable, imposant des stratégies anticipées de prise en charge.

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