Publié le 28 fév 2011Lecture 10 min
Apprendre le scanner coronaire : l’indispensable
P. DUPOUY, Pôle d’imagerie cardiovasculaire interventionnelle, Hôpital Privé d’Antony
L’imagerie en coupe cardiaque et en particulier le scanner cardiaque n’a pas plus de 10 ans d’existence « clinique ». Les améliorations permanentes proposées par les constructeurs et la diffusion des machines lui ont permis de se fondre dans le paysage de la cardiologie moderne. Il existe pourtant d’importantes disparités dans l’accessibilité à la technique en fonction des compétences locales.
Toutes les études le montrent, seul un examen bien fait apporte un renseignement clinique contributif et il est facile de tuer une technique si les examens rendus ne répondent pas un à minimum de qualité. Pourtant le scanner coronaire apparaît maintenant dans les recommandations à un niveau presque équivalent à la coronarographie pour les patients symptomatiques à risque prétest intermédiaire (IIa B), permettant avec une bonne fiabilité d’écarter l’origine ischémique des symptômes (tableau et figure 1)(1). Chez ces patients, certains algorithmes de prise en charge placent même le scanner en amont des tests fonctionnels classiques.
Figure 1. L’argument principal du scanner coronaire reste ses très bonnes spécificité et valeur prédictive négative… quand l’examen est de bonne qualité. Il permet de rassurer totalement un patient à risque intermédiaire qui présente des douleurs thoraciques suspectes.
Pour répondre à ce cahier des charges, la technique doit être rigoureuse et bien comprise. Il m’a paru important de lister quelques points indispensables à une activité de qualité.
Un peu de technique
Le post-traitement d’un scanner coronaire se fait à par tir d’une pile d’images qui correspondent chacune à une ligne du volume acquis, toutes les lignes correspondant au même temps systolodiastolique pour avoir in fine un volume cardiaque homogène dans son positionnement spatial, ce qui permet de produire les belles images que nous connaissons. Pour avoir un examen performant, il faut donc un signal ECG de bonne qualité pour une synchronisation optimale.
Cette synchronisation peut se faire de deux façons au choix de l’opérateur (figure 2) :
La synchronisation rétrospective pendant laquelle l’enregistrement de l’ECG se fait pendant toute la durée de l’acquisition qui correspond à la rotation de l’hélice autour du volume étudié. La synchronisation se fait donc après l’acquisition à partir des images natives sur les phases que l’opérateur juge nécessaire d’étudier.
La synchronisation prospective pendant laquelle l’opérateur doit choisir a priori la phase qui servira à analyser l’examen. L’acquisition ne se fera que sur cette phase sans possibilité d’en analyser d’autres.
L’homogénéité du volume reconstruit dépend donc de la régularité du rythme cardiaque. L’ACFA (arythmie complète par fibrillation auriculaire), si elle est rapide, reste une contreindication technique à ce type d’examen. Les constructeurs ont développé des algorithmes qui permettent de gérer les arythmies ponctuelles et qui sont relativement efficaces en cas de synchronisation prospective, mais plus défaillants en cas de synchronisation rétrospective.
Figure 2. Synchronisation prospective (en haut) et rétrospective (en bas). Deux techniques qui permettent de diminuer de façon significative la dose délivrée au patient mais qui impliquent un contrôle strict de la fréquence cardiaque.
Les facteurs prédictifs de mauvaise qualité
Il est important de connaître les facteurs prédictifs de mauvaise qualité. Sur une série personnelle, le facteur le plus significatif reste la fréquence cardiaque supérieure à 65/min même avec les machines les plus modernes, puis viennent les mouvements respiratoires ou parasites du patient et, enfin, la survenue d’arythmies. L’utilisation systématique de dérivés nitrés sublinguaux juste avant l’acquisition permet d’améliorer la visibilité des artères secondaires. À l’évidence, comme pour toutes les techniques d’imagerie cardiaque, la corpulence amène une détérioration du rapport signal sur bruit.
Travailler avec l’équipe des manipulateurs radio
Le patient doit être installé par une équipe entraînée qui le rassurera. L’examen doit lui être expliqué dans son déroulement, même succinctement, en particulier il doit être prévenu de l’impression de chaleur lors de l’injection du produit de contraste. Le but de cette communication est de tranquilliser au maximum le patient afin d’éviter une tachycardie de stress ou pire des mouvements parasites. Enfin, il ne faut pas hésiter à prendre quelques minutes pour expliquer et entraîner le patient à l’apnée qui durera de 5 à 20 secondes selon la machine utilisée. Cette apnée est primordiale et doit se faire sans aucun mouvement parasite.
Ralentir la fréquence cardiaque
Pour avoir un examen de qualité et éliminer les flous cinétiques qui peuvent gêner l’interprétation d’une plaque plus ou moins sténosante et qui font le lit des faux positifs, il faut impérativement que la fréquence cardiaque lors de l’acquisition reste inférieure à 65/min et au mieux à moins de 60/min avec un rythme le plus régulier possible. Il ne faut donc pas hésiter à « jouer » des bêtabloquants soit en préparation per os la veille et 1 heure avant l’examen, soit en injection IVD au moment de l’acquisition. Pour notre part, nous utilisons l’aténolol 1 ou 2 ampoules de 5 mg en IV lente. Sur plusieurs centaines de patients traités et en respectant bien sur les contre-indications classiques, nous n’avons jamais observé d’effets secondaires délétères. Les bêtabloquants à durée d’action courte, les anticalciques IV n’ont pas l’efficacité suffisante. Reste l’ivabradine récemment évaluée en forme IV qui n’est pour le moment pas commercialisée.
Le principe ALARA
Le scanner cardiaque a mauvaise réputation, considéré comme un examen irradiant pour le patient. Ce qui était vrai il y a quelques années est devenu obsolète à condition d’être sensibilisé à ce problème et d’utiliser les moyens de limitation de dose que nous proposent les industriels.
À la base, il faut adapter les paramètres de rayonnement en fonction de la corpulence du patient à évaluer. Il ne sert à rien de bombarder avec un Rx 140 kV chez une patiente de 45 kg. Il nous arrive aussi d’adapter ces constantes à l’âge du patient. Si après discussion, l’indication d’un scanner coronaire est maintenue chez un jeune adulte, une acquisition à 80 kV permet d’obtenir un examen performant pour une dose efficace de 0,5 mSv, au prix d’une modeste détérioration du rapport signal/bruit.
En cas d’acquisition hélicoïdale où la table se déplace tout au long de l’acquisition pendant la rotation de l’hélice, il faut moduler l’énergie du rayonnement en fonction de la phase ECG choisie pour le post-traitement. L’utilisation de la modulation de dose permet une diminution de la DLP de 20 à 40 % sans détérioration de la qualité de l’image. Le risque étant que la fréquence cardiaque initiale change et que le choix ne corresponde plus à la phase optimale.
L’utilisation de l’acquisition Step and Shoot, lors de laquelle la table se déplace par paliers de la largeur de l’hélice à chacune de ses rotations, se fait avec une synchronisation ECG prospective et permet d’obtenir une diminution de 80 % de la DLP. Sur une série de 360 patients consécutifs, la valeur moyenne de la dose efficace reçue par le patient était de 1,5 mSv. Là aussi, le choix de la phase de post-traitement se fait avant l’acquisition et implique donc une stabilité parfaite de la fréquence cardiaque.
Regarder dans et autour du cœur
Si l’indication d’un scanner cardiaque est essentiellement l’évaluation de l’anatomie coronaire et la recherche de stigmates plus ou moins importants d’athérome, il est primordial de ne pas oublier de regarder les structures adjacentes et les cavités cardiaques ou le myocarde. Il n’est pas rare de retrouver des adénopathies médiastinales, une tumeur pulmonaire, un emphysème, une pneumopathie ou un épanchement pleural (liste bien sûr non exhaustive). Il faut aussi porter une attention particulière aux artères pulmonaires.
L’analyse systématique des cavités cardiaques permettra de détecter la présence d’un thrombus ou d’une tumeur. De même, l’analyse fine du myocarde peut permettre de visualiser une hypoperfusion sous-endocardique synonyme de cardiopathie ischémique (figure 3).
Figure 3. Ne pas oublier d’étudier l’image autour des artères coronaires. Il y parfois de drôles de surprises qui curieusement peuvent passer inaperçues si l’analyse de l’examen n’est pas méthodique et systématique. Ici, une tumeur bronchique (A), un hématome adhérent de la pointe du VG (B), un myxome de l’oreillette gauche (C) et une hypoperfusion sous-endocardique antéro-apicale (D).
Apprendre le scanner cardiaque
Pour un cardiologue, qui plus est interventionnel, le cœur et son anatomie n’ont plus de secrets. Il faut donc surtout insister sur l’aspect technique, avoir bien compris les principes physiques de l’acquisition et du post-traitement. Il faut savoir indiquer au manipulateur radio le type d’acquisition à utiliser, les constantes radiologiques et la quantité de contraste ainsi que le débit d’injection du bolus. La qualité et la facilité du post-traitement dépendent essentiellement de la qualité de l’acquisition. Pour apprendre le scanner cardiaque, il faut donc participer à l’examen, ce qui n’est pas toujours facile partout.
Le post-traitement est une affaire de logiciel. En fonction du type d’acquisition utilisé il ne faut pas hésiter à reconstruire et à étudier une phase adjacente (± 5 %) qui permettra de faire disparaître un flou cinétique ou un défaut d’homogénéité.
Enfin, seule la confrontation des différents types d’imagerie permet de progresser. Dans ce sens il est indispensable de comparer et de réétudier les images du scanner et de la coronarographie quand celle-ci a été faite. Cette confrontation directe améliore la compréhension des erreurs, en obligeant à en rechercher la raison, et permet aussi de conforter son expertise quand les descriptions sont superposables (figures 4 et 5).
Figure 4. La confrontation directe des images scannographiques et angiographiques est un passage obligé pour tout cardiologue ou radiologue qui veut faire du scanner coronaire. Elle permet d’habituer l’œil et d’avoir une meilleure évaluation de la diffusion de la maladie athéromateuse du patient.
Figure 5. Le scanner coronaire, quand il est de bonne qualité apporte une aide précieuse à la procédure d’angioplastie comme sur cet exemple d’occlusion chronique de la coronaire droite proximale, sans collatéralité angiographique et dont le scanner confirme le caractère court et pointe une lésion du segment 3 qui sera aussi à traiter.
Le DIU d’imagerie cardiovasculaire en coupe actuellement organisé par les facultés de médecine avec l’appui des Sociétés Françaises de Cardiologie et de Radiologie permet d’acquérir les bases théoriques et de faire un stage pratique ou il est demandé à l’étudiant de valider 100 scanners cardiaques. C’est probablement suffisant pour comprendre les principes de la technique et de son post-traitement mais insuffisant pour habituer l’œil à cette nouvelle imagerie. Pour être réellement autonome, un minimum de 300 examens « confrontés » paraît un chiffre raisonnable. Aux États-Unis, il est demandé une formation pratique sur 150 examens pour être « séniorisé ».
La notion de Scanner Team
Une activité d’imagerie cardiaque en coupe ne peut se concevoir que pérenne et continue et ne peut donc pas reposer sur la bonne volonté d’un seul médecin.
Pour répondre à une demande, qui ne peut être que croissante si les examen s sont de belle qualité, il faut absolument que l’activité soit répartie sur plusieurs médecins qui pourront ainsi se remplacer mutuellement et s’entraider en cas d’image difficile à interpréter. Ainsi l’expérience aidant, un discours utile pourra se nouer avec les correspondants et pourra amener une vraie réflexion concernant la place à faire au scanner coronaire dans la vraie vie de son centre.
Conclusion
Le scanner coronaire n’est pas un examen difficile mais il ne supporte pas l’approximation. La technique doit être rigoureuse et attentive pour obtenir un examen de belle qualité dont l’étude sera rapide et contributive.
Cela passe par un apprentissage et un investissement personnel de tout candidat à ce type d’imagerie sur plusieurs centaines d’examens et par une confrontation permanente des différents types d’imagerie.
Le but est d’intégrer le scanner coronaire à la batterie d’examen à proposer au patient (figure 6) et d’éviter au maximum les examens non contributifs ou de mauvaise qualité qui, in fine, pourraient détruire la technique dans l’esprit de la communauté médicale et cardiologique.
Figure 6. Proposition d’algorithme d’intégration du scanner coronaire dans l’évaluation du patient symptomatique.
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