Publié le 29 fév 2012Lecture 7 min
Une perforation coronaire survenue au cours d’une angioplastie, traitée par embolisation
J.-B. ESTEVE, O. NALLET, S. CATTAN, CHI Le Raincy-Montfermeil
Nous rapportons l’observation d’un patient de 68 ans dont l'angioplastie coronaire s’est compliquée d’une perforation distale d’une branche secondaire, entraînant une tamponnade. La complication a été traitée par voie endovasculaire.
Cas clinique
La pathologie coronaire de ce patient se révèle en février 2010 par un angor d’effort motivant la réalisation d’une coronarographie. Cet examen objective une sténose serrée de l’artère circonflexe traitée par l’implantation d’un stent actif permettant d’obtenir un bon résultat angiographique final. Le reste du réseau est le siège de lésions intermédiaires relevant d’un traitement médical. La fonction ventriculaire gauche est conservée.
Les suites sont simples et le bénéfice clinique est certain puisque M. S. devient asymptomatique.
Un 1 plus tard, le patient est toujours sans symptômes. Une scintigraphie myocardique d’effort demandée s’avère positive électriquement avec une ischémie myocardique résiduelle sur l’ensemble de la paroi inférieure (3 segments sur 17).
Une coronarographie est donc réalisée. Le bon résultat sur l’artère circonflexe est confirmé. En revanche, sur l’artère coronaire droite, les lésions ont évolué puisqu’il existe deux sténoses serrées, une au premier et une au deuxième segment. Ces lésions sont simples et faciles d’accès, une angioplastie est réalisée dans le même temps.
La voie d’abord choisie est radiale gauche, avec un guide 6 F. L’artère coronaire droite est cathétérisée par un cathéter guide Amplatz AL1. Un guide d’angioplastie 0,014’’ BHW est utilisé en première intention mais il ne dépasse pas le trépied RVG-IVP du fait d’une artère coronaire droite tortueuse. Une prédilatation au ballon est effectuée en premier lieu sur les deux sténoses. La montée de l’endoprothèse sur la lésion la plus distale n’est pas permise, toujours en raison des tortuosités.
Un deuxième guide est alors monté, dans l’idée de favoriser la montée du stent par la technique du buddy-wire. Un guide Whisper est choisi qui monte facilement jusqu’en distalité du réseau postérolatéral du fait de ses propriétés hydrophiles.
Deux endoprothèses actives recouvertes d’évérolimus sont alors implantées sans difficultés en CD1 et CD2, permettant d’obtenir un très bon résultat angiographique sur les deux sites.
Au cours de la procédure, une perforation coronaire transitoire toute distale par le guide Whisper sur une branche secondaire du réseau postérolatéral a été objectivée.
En fin de procédure, une opacification tardive n’objective aucune fuite du produit de contraste dans le péricarde. Le patient est transféré en Unité de soins intensifs afin de bénéficier d’une surveillance rapprochée.
Les suites précoces sont marquées par une dégradation de l’hémodynamique associée à l’apparition de signes droits. Les contrôles échographiques confirment l’impression clinique : un épanchement péricardique s’est développé, réalisant un tableau de tamponnade à H2 de l’angioplastie coronaire.
De nouveau, M. S. bénéficie d’une coronarographie afin d’évaluer l’importance de la fuite coronaire. Le contrôle, réalisé par voie d’abord radiale 6 F, objective un bon résultat sur les angioplasties CD1 et CD2, mais il existe effectivement une petite fuite toute en distalité de la branche secondaire la plus postérolatérale de la rétroventriculaire gauche.
De nombreux gestes diagnostiques et thérapeutiques sont réalisés dans notre salle de cardiologie interventionnelle sur les artères périphériques. Ceci permet d’avoir à disposition du matériel permettant d’emboliser des artères distales de petit calibre. Il est décidé de traiter par embolisation cette perforation coronaire.
Le cathétérisme de l’artère coronaire droite se fait avec un cathéter guide Judkins JR4 qui permet de monter sans difficulté, jusqu’en distalité de cette branche secondaire responsable de la fuite, un guide BHW. Avant embolisation, un ballon de 1,5 x 12 mm est monté en amont de la fuite, il est gonflé à 10 atm durant 3 minutes afin de favoriser la cicatrisation de la brêche. Au contrôle, la fuite persiste. Un microcathéter FineCross™ 1,8 F est alors monté jusqu’à la partie moyenne de cette branche secondaire, le guide BHW est retiré, et deux coïls de 3 x 2,5 mm sont montés le long du microcathéter grâce à un guide 0,018’’. Ces coïls s’enroulent sur eux-mêmes en sortie du FineCross™, permettant d’interrompre le flux dans cette branche responsable de la fuite.
L’embolisation est un succès, il n’y a aucune fuite résiduelle.
Le patient a ensuite bénéficié d’un drainage péricardique par voie d’abord chirurgicale sous-xyphoïdienne en raison de l’épanchement péricardique avec retentissement hémodynamique, sans nécessité de geste de ligature coronaire. Les suites ont été simples.
Que retenir ?
Les guides hydrophiles
Le caractère hydrophile du guide Whisper lui permet de progresser rapidement et en douceur aussi bien dans les cathéters que dans les vaisseaux étroits et tortueux.
Lorsque le revêtement est mouillé avec une solution saline ou du sang, il devient glissant, ce qui réduit considérablement les phénomènes de frictions et empêche l’adhérence des plaquettes.
Les principaux guides d’angioplastie coronaire hydrophile sont les suivants : Whisper Guidant (Abbott Vascular), Fassdadsher, PT LS, MS, ES (Boston Scientific), etc.
Ces guides sont généralement utilisés en 2e intention dans les lésions complexes, ou sur des artères tortueuses. Ils possèdent une extrémité distale plus rigide pour franchir les lésions, avec un revêtement hydrophile pour faciliter la navigation du guide et une bonne réponse au torque.
Ils nécessitent une certaine prudence : ils sont à manier avec précaution, avec un contrôle permanent de l’extrémité distale du guide qui a tendance à glisser avec le matériel d’angioplastie et à entraîner des perforations distales.
La perforation coronaire
Mécanismes et gestion
Elle peut être provoquée dans différentes situations :
Création d’un mauvais chenal par le guide lors de la tentative de désobstruction d’une occlusion chronique ou aiguë, d’autant que des guides avec des degrés de rigidité très élevés sont utilisés dans ces situations. Différentes techniques (anchoring-wire, anchoring-balloon, buddy-wire, etc.) peuvent être utilisées selon les cas de figure pour éviter le mauvais chenal.
En cas de perforation, l’inflation d’un ballon en amont, dans la lumière de l’artère, occlusif et à faible atmosphère peut favoriser la cicatrication. En cas d’échec, si l’occlusion est aiguë, un stent couvert peut être implanté sur la brêche à l’aide d’une guide situé alors dans la lumière de l’artère. Il est difficile d’appliquer cette procédure dans un contexte d’occlusion chronique, puisqu’à ce stade, l’occlusion n’est pas franchie. La solution finale est alors chirurgicale.
Perforation distale par l’extrémité du guide, plus volontiers lorsque l’on utilise un guide hydrophile. Une fois le diagnostic d’épanchement ou de tamponnade établi, il est indispensable en première intention de réaliser une nouvelle coronarographie pour faire l’état des lieux. Le traitement de première intention est l’occlusion transitoire par l’inflation à faible pression d’un ballon en amont de la perforation, permettant de favoriser la cicatrisation de la brêche. Si la fuite persiste, le traitement est soit endovasculaire par embolisation s’il s’agit d’une artère à la fois accessible et de calibre et d’étendue modeste, soit chirurgical par ligature de l’artère coronaire responsable.
Perforation suite à l’impaction du stent ou à l’inflation du ballon d’angioplastie : le choix du stent ou du ballon par rapport à la taille de l'artère doit respecter un ratio de 1/1 au maximum.
En cas de perforation coronaire avérée après inflation du ballon ou impaction du stent, le premier geste à réaliser est de retirer le ballon ou le stent responsable (éventuellement sous contrôle scopique de façon à être certain que le guide reste en place), de monter un ballon à la taille de l’artère en amont de la perforation et l’inflater à faible atmosphère, de façon à ce qu’il soit occlusif et qu’il interrompe l’hémorragie. Ce ballon doit rester inflaté le temps de préparer un stent couvert qui sera implanté sur la zone perforée.
Une perforation peut également avoir lieu lorsque l’inflation est faite alors que le guide ne se situe pas dans la lumière de l’artère coronaire : avant inflation, en cas de doute, l’utilisation d’un microcathéter peut confirmer ou infirmer l’impression. Il suffit de le monter jusqu’à l’extrémité du guide, retirer ce dernier, et injecter de l’iode dans le microcathéter. Le diagnostic est évident selon que le produit de contraste est libéré dans la lumière artérielle ou dans un faux chenal.
Figure 1. Injection de la coronaire droite en début de procédure : une extravasation péricardique du produit de contraste est objectivée en distalité de la branche la plus postérolatérale de la rétroventriculaire gauche (RVG).
Figure 2. Avant la montée des coïls, injection sélective de la branche responsable à l'aide d'un microcathéter 0,018’’.
Figure 3. Après la montée des deux coïls, ceux-ci sont visibles dans la branche de la RVG.
Figure 4. Contrôle final objectivant l'interruption du flux dans la branche initialement responsable de l'extravasation péricardique.
Les enseignements
Les guides hydrophiles peuvent faciliter une angioplastie, mais peuvent être traumatiques. Ils doivent être surveillés de près et utilisés en deuxième intention.
La perforation coronaire est une complication rare mais grave à laquelle il faut penser en cas d’aggravation clinique du patient après revascularisation. Elle peut être visible immédiatement (perforation secondaire à l’inflation d’un ballon, à l’impaction d’un stent, ou encore à la création d’un mauvais chenal), mais peut également se manifester secondairement par une dégradation hémodynamique au décours d’une angioplastie (perforation distale par le guide d’angioplastie). La prise en charge de cette complication est spécifique à chacun des mécanismes.
Sur une perforation coronaire distale par guide, l’embolisation de l’artère perforée est une option techniquement envisageable, permettant d’éviter un geste chirurgical.
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