Publié le 20 déc 2017Lecture 4 min
Le crush : une technique à proscrire ?
Antoine GERBAY, Karl ISAAZ, CHU Saint-Étienne
Sortant d’un congrès d’angioplastie complexe et d’un débat sur l’intérêt du crush dans les techniques de bifurcation à deux stents et après avoir entendu les arguments d’un de nos collègues qui attaqua sa présentation par : « Comment je fais un crush ? Je ne le fais pas » et « Quand est-ce que je fais un crush ? Jamais », je me suis demandé s’il ne fallait pas remettre en question notre pratique locale et abandonner cette technique.
La technique
Le crush est une technique à deux stents qui consiste à stenter la branche fille d’abord en laissant dépasser quelques mailles dans l’axe principal pour s’assurer d’une bonne couverture de l’ostium de la branche fille. Puis, le stent est crushé « écrasé » soit par un ballon en 6F soit directement par un autre stent en 7F puis après refranchissement de la maille, une inflation en kissing balloon est réalisée.
La technique du crush a évolué au fil du temps. Du crush classique de Colombo, au mini-crush de Galassi puis le double kissing (DK) crush de Chen (consistant à rajouter une étape de kissing balloon supplémentaire après avoir crushé le stent de la branche fille par un ballon pour faciliter le kissing final). La dernière des techniques est celle qui rapporte les meilleurs résultats à long terme.
Les points faibles
Les points faibles théoriques de la technique sont nombreux.
• Notamment cette zone triangulaire avec défaut de couverture éventuel de la branche fille après le crush et le kissing balloon (figure 1).
• La double, voire triple couche de maille sur la bifurcation (figure 1) et son potentiel thrombotique et de resténose.
• La difficulté de refranchissement du guide à travers la maille distale pour réaliser le kissing balloon final.
Figure 1. Double ou triple couche de maille et zone triangulaire avec éventuel défaut de couverture.
Les avantages
Les avantages de cette technique sont également multiples.
La technique peut être réalisée en 6F.
Elle a l’avantage de stenter la branche fille en premier et donc de la « protéger » avant le stenting sur axe principal.
Elle permet d’aborder des bifurcations avec disparité de calibre entre les branches de divisions.
Je me suis demandé si notre habitude locale de réaliser des crushs dans certaines bifurcations était toujours appropriée ou si on aurait pu faire autrement. J’ai repéré plusieurs cas ces derniers mois ou le crush était inéluctable. Effectivement, dans certains cas de dissection ou d’anatomie particulière (angulation aiguë ou forte disparité de calibre entre branche mère et branche fille) le mini-crush s’impose.
• Le premier cas (figure 2) est un patient de 70 ans présentant un angor au moindre effort avec une scintigraphie retrouvant une ischémie étendue antéro-apicale. La coronarographie retrouve une lésion de bifurcation IVA-diagonale de type Medina 1.1.1 avec disparité de calibre entre les deux branches et angulation aiguë de la diagonale (figure 2). Après avoir mis en place un guide BMW dans IVA, la tentative de passage de guide dans la diagonale se solde par une dissection occlusive symptomatique de cette branche. Avec difficulté, mise en place d’un FIELDER XT dans la diagonale et rétablissement d’un flux TIMI 3 après inflation d’un MAVERICK 2,0/ 20 mm à 12 bars. Devant la dissection diagonale décision de mini-crush : implantation d’un XIENCE 2,25/12 mm à 20 bars crushé par QUANTUM 2,5/20 mm à 20 bars et mise en place d’un RESOLUTE 3.0/18 mm sur l’axe IVA puis BMW dans les deux branches et kissing balloon avec MAVERICK 2,25/20 mm à 18 bars et QUANTUM 3,0/ 20 mm à 18 bars. Mise en place d’un XIENCE 2,5/15 mm sur la lésion d’aval de l’IVA.
Figure 2. Occlusion diagonale sur dissection et disparité de calibre IVA-Diagonale imposant un crush.
• Le deuxième cas (figure 3) est un patient de 65 ans pris en charge par le SAMU pour un STEMI antérieur à H3 compliqué de plusieurs FV et de choc cardio-génique débutant.
La coronarographie retrouve une occlusion de l’IVA ostiale avec sténose du TCCG et de l’origine de la CX. Après passage du guide et inflation d’un MAVERICK 2,0 mm, aspect de dissection de la fin du TCCG englobant l’IVA ostiale et la CX ostiale. Décision de crush sur la bifurcation TCCG-IVA- CX puis de crush IVA-D1. Résultat angiographique satisfaisant au contrôle systématique à 6 mois.
Figure 3. A. Lésion critique de l’IVA ostiale remontant sur le TCCG avec ralentissement du flux d’aval et occlusion D1. B. Après inflation d’un ballon axe TCCG-IVA aspect de dissection de la bifurcation TCCG-IVA-CX. C. Premier crush TCCG-IVA-CX. D. Deuxième crush IVA-D1.
Les données cliniques
Un large nombre de publications sur le crush ou le mini-crush avec contrôle angiographique existent (tableau). Les données semblent rassurantes avec, pour les dernières études utilisant des stents de dernières générations, des taux de thrombose avoisinant les 2 % et des taux de resténose définie angiographiquement au contrôle systématique variant de 5 à 20 % suivant les séries.
Dans notre expérience(1), 113 procédures de mini-crush ont bénéficié d’un contrôle angiographique systématique à 6 mois. Le taux de resténose (défini angiographiquement par une lésion de plus de 50 %) est de 13 % (n = 15) (pour une grande majorité (n = 13) sur l’ostium de la branche fille), le taux de thrombose de stent de 0.,8 % tandis que 100 % des patients ont bénéficié d’un kissing balloon.
Conclusion
Le crush a une place dans notre arsenal technique pour traiter certaines bifurcations avec des résultats angiographiques et de suivi satisfaisants.
Il n’y a pas de réponse dogmatique pour l’angioplastie des lésions de bifurcation.
Plus que la technique choisie, c’est le résultat angiographique (ou mieux d’imagerie endocoronaire) et l’exigence d’un résultat parfait respectant les différentes étapes des différentes techniques qui assurent un résultat optimal.
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