Publié le 29 fév 2012Lecture 6 min
Stent biodégradable - Une évolution clinique ou technologique ?
D. CARRIÉ, N. BOUDOU, N. DUMONTEIL, T. LHERMUSIER, CHU Toulouse Rangueil
Le terme anglo-saxon BVS (bio resorbable vascular scaffold) traduit bien le fait que ces nouvelles prothèses totalement biodégradables permettent l’étayage du vaisseau mais ne sont nécessaires que de manière transitoire. La plupart des études ont démontré que le support vasculaire effectif est utile seulement de façon transitoire et que la majorité des resténoses survient entre 1 et 3 mois(1).
Pourquoi un stent totalement biodégradable ?
L'absence d’étayage permanent permet de restaurer une réponse naturelle et physiologique du vaisseau avec un remodelage positif tardif.
L’absence de réponse inflammatoire chronique permet de réduire la bithérapie antiagrégante plaquettaire et facilite la réintervention à distance par dilatation ou pontage aortocoronaire.
Enfin, la mise en place de cette prothèse biodégradable est compatible avec des examens coronaires non invasifs tels que l’IRM ou le coroscanner.
Composantes et mécanismes de résorption d’un stent biodégradable
La société Abbott a mis au point le système BVS ABSORB qui comprend un étayage biorésorbable en acide polylactique (PLLA), un coating totalement biorésorbable également en acide polyDL-lactique (PDLLA), une molécule active, l’évérolimus, et un système de « délivérabilité » identique à celui du stent XIENCE (figure 1).
Figure 1. Composants des systèmes BVS (bio resorbable vascular scaffold, Abbott).
La dégradation de l’acide polylactique se fait par hydrolyse des liaisons esters. L’eau pénètre préférentiellement les régions amorphes de la matrice polymérique. L’hydrolyse initiale entraîne une perte du poids moléculaire mais avec une conservation de la force radiale puisque celle-ci provient des domaines cristallins. Une fois que ceux-ci sont hydrolysés, il se produit une perte de masse (figure 2).
Figure 2. Dégradation de l’acide polylactique qui se fait par hydrolyse entraînant une perte de masse.
La résorption complète du stent se fait donc sur une période de 2 ans selon un processus naturel avec trois phases de revascularisation, de restauration de la structure naturelle du vaisseau et, enfin, de résorption du stent. Sur un modèle d’artère coronaire porcine, aucune inflammation n’est retrouvée autour des mailles du stent après implantation (figure 3). Entre 1 et 2 ans, le polymère est remplacé par une matrice extracellulaire, elle-même remplacée entre 2 et 3 ans par des cellules musculaires lisses naturelles.
Figure 3. Modèle d’artère coronaire porcine : pas d’inflammation autour des mailles du stent.
La société Biotronik travaille aussi sur un stent totalement biodégradable. La résorption de ce stent DREAMS (DRug-Eluting Absorbable Metal Scaffold) s’effectue en 3 phases (revascularisation, remodelage et bioabsorption) à partir d’un alliage essentiellement constitué de magnésium. Son hydrolyse libère au bout de 9 mois des cristaux lisses d’hydroxyapatite qui sont le terme ultime des produits de dégradation et de résorption de ce stent (figure 4). Un polymère également totalement dégradable sur 6 mois permet de délivrer la molécule active, le paclitaxel.
Figure 4. Dégradation et résorption du stent DREAMS.
Études cliniques
Les études de la famille ABSORB
Dès les années 2005 ont été implantés les premiers stents biodégradables en clinique humaine. L’étude ABSORB (cohortes A et B) évalue ce stent dans des lésions simples de novo, peu ou pas calcifiées, sans bifurcation, alors que l’étude ABSORB EXTEND à plus large échelle permet d’étayer des lésions plus longues avec parfois la possibilité de mettre en place deux stents en contigu avec chevauchement (tableau).
Les patients inclus sont extrêmement bien documentés sur le plan de l’imagerie notamment dans les deux premières cohortes avec des contrôles angiographique, IVUS et OCT (figure 5) à 6 mois et 2 ans, ainsi qu’un scanner coronaire à 18 mois et un suivi clinique sur 5 ans.
Figure 5. Étude ABSORB : images OCT d’un segment traité.
Sur le plan physiopathologique, les deux faits majeurs après implantation de ces stents biorésorbables sont la restauration de la vasoréactivité et l’amélioration du diamètre luminal du vaisseau au niveau du site implanté. Le segment traité répond à un stimulus physiologique comme un vaisseau natif et confirme bien la restauration du tonus vasomoteur à travers un endothélium fonctionnellement actif. De plus, il existe une augmentation du diamètre luminal et de la surface luminale tardive d’environ 18 % sans remodelage positif.
Sur le plan clinique, la cohorte A (n = 30 patients) présente un taux de succès primaire d’implantation de 100 % et un seul infarctus non Q à 6 mois. Il n’y a aucun événement nouveau entre 6 mois et 4 ans concernant les événements cardiaques majeurs et le taux de thrombose de stent.
Dans la cohorte B (n = 101 patients), il n’y a aucun décès ni thrombose de stent après 2 ans et un taux d’événements cardiaques majeurs à type d’infarctus avec ou sans onde Q voisin de 7 % et comparable à ceux des études SPIRIT.
De même sur le plan angiographique, la perte tardive luminale à 2 ans voisine de 0,35 mm est strictement superposable à celle obtenue avec le stent actif XIENCE dans les mêmes études de la famille SPIRIT.
Enfin, l’étude internationale ABSORB EXTEND doit inclure 1 000 patients avec des stents de 2,5 et 3 mm de diamètre et de 18 et 28 mm de longueur. La lésion à traiter ne doit pas être trop complexe et ne doit pas excéder 28 mm de long avec un diamètre compris entre 2 et 3,3 mm. Sur les 200 premiers patients inclus avec un suivi clinique à 6 mois, le taux d’événements cardiaques était similaire à celui de la cohorte B (2,5 % vs 5 %) alors qu’il y a 2 fois plus de patients instables (32 % vs 14,9 %), la longueur de la lésion est plus importante (11,42 vs 9,91 mm) et le pourcentage de chevauchement des stents plus élevé (6,5 %).
Malgré l’augmentation de la complexité des lésions, ces résultats confirment bien la consistance des premières données et sont très encourageants pour la poursuite du développement clinique.
C’est pourquoi, alors que l’étude ABSORB EXTEND n’est pas terminée en termes d’inclusions, débute ABSORB-II, étude de non-infériorité qui a randomisé les patients en deux groupes : stent biodégradable vs stent actif XIENCE.
Programme AMS puis DREAMS
Dans les années 2005, le stent nu biodégradable AMS (Absorbable Metal Scaffold) a été évalué dans l’étude PROGRESS-I. Les premiers résultats ont montré la faisabilité et la sécurité de cette nouvelle technologie au prix toutefois d’un taux de revascularisation de la lésion cible à 6 mois de 24 % et d’une perte luminale tardive de 1,08 mm. Depuis 4 à 5 ans, ce stent biodégradable a été optimisé : sa dégradation et donc sa résorption est plus lente, en 9 à 12 mois, pour diminuer la réaction inflammatoire et une molécule antiproliférative, le paclitaxel, a été associée au processus.
Le programme DREAMS a débuté avec l’étude BIOSOLVE-I. L’épaisseur des mailles du stent est de 120 microns. Elles sont recouvertes d’un polymère PLGA biodégradable de 1 micron délivrant le paclitaxel ; le système de délivrabilité, le PRO-Kinetic, permet une excellente biocompatibilité. Les diamètres de stent actuellement utilisés sont de 3,25 et 3,5 mm pour une longueur de 16 mm.
Sur un faible échantillon de 46 patients avec lésions simples, le suivi clinique à 6 mois ne retrouve aucun événement cardiaque majeur. Le taux de revascularisation de la lésion cible est de 4,3 % alors que le taux angiographique de perte luminale tardive est de 0,68 mm. Il n’y a aucune thrombose de stent et ces résultats très significatifs, avec 37 % de moins de perte tardive par rapport à l’étude PROGRESS-I, encouragent le constructeur à continuer dans cette innovation technologique.
La prochaine étape est de remplacer le paclitaxel par un « limus » afin d’arriver à un taux de perte luminale tardive aux alentours de 0,3 à 0,4 mm.
Conclusion
Après l’ère des angioplasties au ballon, des stents nus puis des stents actifs avec ou sans polymère, la cardiologie interventionnelle prend un nouvel essor avec l’apport prochain du stent totalement biodégradable.
L’espoir est donc grand de faire bénéficier nos patients coronariens, surtout s’ils sont jeunes, de cette nouvelle technologie qui devrait parmi ses nombreux avantages réduire à néant le risque de thrombose intrastent à moyen terme.
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