Publié le 30 mar 2022Lecture 10 min
HIGH TECH 2022
Julien JEANNETEAU, Unité de cardiologie interventionnelle, Clinique Saint-Joseph, Trélazé, Angers
Le congrès High-Tech 2022 s’est tenu en présentiel fin janvier au Palais du Pharo de Marseille. Ce fut l’occasion de faire le point sur les dernières études et nouveautés techniques dans le domaine de la cardiologie interventionnelle, et d’échanger à nouveau avec nos confrères.
Comme le veut la tradition, le congrès s’est ouvert avec un point sur l’activité coronaire et structurelle de l’année passée. L’activité coronaire de 2021 est superposable à celle de 2019, l’année 2020 ayant été impactée par la pandémie Covid-19. On espère que cette activité sera de mieux en mieux évaluée sur le plan national, au fur et à mesure que les centres rejoindront le registre France PCI. Le taux d’abord radial atteint un plateau à 91 %. Concernant l’activité structurelle, il est observé une augmentation du nombre de TAVI implantés (estimation +19 %), ainsi que des clips mitraux (+27 %). Les fermetures de foramen ovale perméable (FOP) sont également en hausse (+12 %).
▸ LA LECTURE INAUGURALE POUR LES 20 ANS DU TAVI
Elle a été assurée par le Pr A. Cribier. L’histoire du développement de cette technique, initialement semée d’embûches, est passionnante et extraordinaire. L’avenir du TAVI s’annonce radieux, avec une simplification de la procédure. Il est prédit une multiplication par 4 du nombre de prothèses implantées en France dans les 10 ans. On attend désormais une diffusion de cette technique, sachant que les délais d’attente d’un TAVI sont difficiles à évaluer et semble disparates d’une région à l’autre.
▸ LA SESSION TAVI
Elle était riche d’enseignements pour toute la communauté des cardiologues interventionnels.
Les dernières recommandations ESC 2021 ont élargi les indications : le TAVI est désormais proposé en première intention après 75 ans, ou en cas de haut risque opératoire, lorsqu’un abord fémoral est envisageable(1). Au cours de cette session, une heart team a mené les discussions et a démontré que l’âge seul ne suffit pas à décider du type d’intervention. Le bilan préopératoire d’un rétrécissement aortique serré doit comporter un scanner aorto-iliaque, même chez un sujet jeune. En effet, les critères anatomiques (taille et calcifications de l’a neau, calcifications de l’aorte ascendante, taille et tortuosité des axes ilio-fémoraux) participent grandement à la décision finale entre TAVI et chirurgie.
En cas de chirurgie et d’anneau aortique de petite taille, un élargissement de l’anneau postérieur devra être discuté afin d’éviter un mismatch de la bioprothèse et faciliter un valve-in-valve ultérieur.
En cas de TAVI, chez des patients avec des survies attendues de plus en plus longues, l’opérateur se devra d’être encore plus exigeant, en pensant à la possibilité d’une angioplastie coronaire ou d’une ré-intervention sur la valve, en ne tolérant aucune fuite paraprothétique, et en évitant au maximum l’implantation d’un stimulateur cardiaque. Sur le plan technique, les stratégies à mettre en œuvre ont été exposées : technique de la cusp overlap pour le positionnement de la valve (le plus souvent en OAD caudal), alignement commissural, postdilatation en cas de fuite résiduelle, etc.
Un choix de valve adapté
Afin d’optimiser les résultats au long cours, le choix de la valve doit être adapté à chaque patient sur des critères anatomiques recueillis au scanner. L’opérateur, ou l’équipe, doit ainsi maîtriser les indications et les techniques de pose des trois principales valves actuellement disponibles. À ce titre, la valve PorticoTM a été présentée lors d'un symposium sponsorisé par Abbott. Cette valve auto-expansible, capturable et repositionnable présente des avantages notables : elle permet un abord fémoral jusqu’à des calibres de 5 mm et dans des anatomies tortueuses, et la prochaine génération devrait permettre d’aborder des situations encore plus complexes ; elle permet d’obtenir de bons résultats sur le plan hémodynamique et pourrait être intéressante en cas d’anneau de petite taille. Les cellules de la partie supérieure de la prothèse sont larges permettant un accès facile aux coronaires et son positionnement est très stable, ce qui est particulièrement intéressant en cas d’hémodynamique précaire. Les valves et anneaux très calcifiés pourraient, en revanche, être un frein à son utilisation. Dans cette situation, une prédilatation est le plus souvent recommandée.
La durabilité des prothèses
Les données sur la durabilité des prothèses TAVI ne retrouvent aucun signal négatif, mais les survivants à 10 ans des premières procédures restent rares. La plupart des réinterventions sur les prothèses TAVI sont plutôt précoces et en lien avec des fuites paraprothétiques.
Concernant le traitement après TAVI, les dernières données de la littérature montrent qu’il n’y a pas d’indication à la prescription systématique d’anticoagulants oraux directs mais qu’ils peuvent être poursuivis en cas d’indication préopératoire (étude ATLANTIS présentée à l’ACC 2021 par J.-P. Collet).
▸ SESSION CARDIOLOGIE STRUCTURELLE HORS TAVI
• La fermeture des FOP
Elle devient désormais une procédure à très faible risque de complication pouvant être réalisée sous anesthésie locale.
• La fermeture des fuites paraprothétiques devient une nouvelle pratique de la cardiologie interventionnelle. Le rôle primordial de l’ETO et de la collaboration avec l’échographiste dans cette situation a été rappelé.
• Le MAC (mitral annulus calcification) est une entité clinique d’étiologie encore mal définie, grevant le pronostic des patients, et de gestion difficile tant sur le plan chirurgical que sur le plan percutané. À noter, la présence d’un MAC avec insuffisance mitrale pure ne contre-indique pas la pose d’un clip.
• Les clips tricuspides devraient avoir des indications exponentielles ces prochaines années. La population cible est très importante mais les indications doivent être sélectionnées. Les bons candidats seront notamment les patients présentant des fuites avec un défaut de coaptation centrale < 7 mm et un jet plutôt central ou antéroseptal. Un cathétérisme cardiaque droit est préconisé dans le cadre du bilan préopératoire d’un clip tricuspide. En effet, les patients ayant une hypertension pulmonaire sévère et de type précapillaire ont un moins bon pronostic. Dans l’étude TRILUMINATE, le bénéfice clinique à 1 an de la procédure est net, avec régression de la fuite et amélioration significative des volumes et de la fonction du ventricule droit(2). On attend les résultats de l’étude TriFR, et on espère un remboursement de cette technique.
• Les valves dédiées mitrales et tricuspides ont été présentées.
▸ SESSION CORONAIRE
Les thématiques habituelles ont été développées telles les lésions de bifurcation, l’usage des microcathéters ou des cathéters d’extension.
Les lésions non coupables dans le STEMI
Leur prise en charge est un sujet récurrent, testé par de nombreuses études. Les résultats de FLOWER-MI ont été présentés(3) : il n’y a pas de bénéfice à réaliser une FFR systématique dans cette situation. Cet outil semble toutefois très utile, au cas par cas, pour des lésions intermédiaires. Le bénéfice de la revascularisation complète dans le STEMI est désormais démontré. Les études cliniques ont validé une attitude de revascularisation complète dans le même temps opératoire. En pratique, et comme le montre l’étude FLOWER-MI, la revascularisation est plutôt réalisée en deux interventions, au cours de la même hospitalisation. Elle doit tenir compte de l’état clinique du patient, de la sévérité des lésions et de leur complexité.
Les stratégies de traitement antiagrégant plaquettaire après angioplastie
Elles sont complexes. La règle est de 6 mois de double antiagrégation plaquettaire (DAPT) dans le syndrome coronarien chronique, 12 mois dans le syndrome coronarien aigu. Pour autant, cette règle est susceptible d’être modifiée chez plus de 50 % de nos patients, avec des durées plus longues de DAPT chez les patients à haut risque ischémique ou, au contraire, des désescalades ou durées plus courtes chez les patients à haut risque hémorragique. Dans cette dernière situation, l’étude MASTER-DAPT(4), incluant plus de 4 500 patients traités par stent UltimasterTM (Terumo), dont près de 50 % pour syndrome coronarien aigu, montre que la durée de la DAPT peut être diminuée à 1 mois.
La mesure du QFR
Pour mémoire, le quantitative flow ratio (QFR) est une méthode d’évaluation des lésions coronaires dérivée de la FFR, mais réalisée uniquement par l’angiographie (2 incidences de 15 images/s, sans superposition). Outre l’absence de guide ou d’injection d’adénosine intracoronaire, cette technique a comme intérêt majeur la possibilité d’obtenir des informations de manière rétrospective, à partir du film de coronarographie. La mesure du QFR est également séduisante pour l’évaluation des lésions étagées. De plus, il existe de plus en plus de données pour valider son utilisation, sa corrélation avec la FFR, et sa valeur pronostique.
Les occlusions coronaires chroniques
Les concernant, contrairement aux calcifications, la longueur de l’occlusion ne semble plus être un facteur prédictif d’échec au vu des améliorations des guides et microcathéters. En cas de chape proximale non ambiguë, A. Avran conseille de tenter un passage de guide en antérograde en première intention, quelle que soit la longueur de l’occlusion. On notera la simplification de la technique des guides parallèles grâce aux nouveaux microcathéters dédiés. En cas d’échec par voie antérograde vraie lumière, il est nécessaire de savoir switcher rapidement vers des techniques rétrogrades ou de dissection-réentrée.
▸ 6 MINUTES POUR CONVAINCRE
Cette session a permis d’aborder des thématiques variées et de provoquer des échanges.
• L’approche radiale distale paraît séduisante afin d’éviter les occlusions radiales que nous mésestimons grandement, du fait de leur caractère asymptomatique dans l’immense majorité des cas.
• Le système Neovasc ReducerTM (Neovasc) est un outil intéressant pour traiter l’angor réfractaire : Il s’agit d’une endoprothèse en forme de sablier, implantée dans le sinus coronaire via la veine jugulaire, rétrécissant le sinus coronaire, à l’origine d’une augmentation de la pression dans le système veineux, et permettant ainsi une redistribution du flux sanguin coronaire vers les zones les plus ischémiques.
• Le système EKOSTM (Boston Scientific) a été présenté par L.-M. Desroche. Il s’agit d’un un cathéter d’infusion avec sonde à ultrasons permettant le traitement percutané de l’embolie pulmonaire aiguë. Il est vrai que les patients à risque intermédiaire haut ne bénéficient pas de la fibrinolyse et présentent pourtant des évolutions parfois péjoratives, en développant notamment des hypertensions pulmonaires postemboliques dans près de 15 % des cas. Le système EKOSTM permet une thrombolyse in situ sur une durée de 10 h, avec un cathéter dans chaque artère pulmonaire. Ce dispositif est coûteux et actuellement non remboursé en France. Les premières évaluations semblent toutefois séduisantes.
• Le POT-Puff, concept présenté par J. Adjedj, a été particulièrement apprécié. Il est proposé d’injecter une faible quantité de produit de contraste au moment de l’inflation du ballon lors d’un POT. Dans le cas où un passage de produit de contraste serait observé, on peut estimer que l’optimisation proximale du stent est imparfaite. Ce concept intelligent de POT-Puff a été validé dans une étude multicentrique en comparaison à l’OCT. Le signe du POT-Puff est bien associé à la malapposition du stent. À utiliser sans réserve au quotidien pour valider la qualité du POT dans le traitement d’une lésion de bifurcation.
▸ LES LÉSIONS CORONAIRES CALCIFIÉES
Cette session a été réalisée en collaboration avec le GACI. L’athérectomie rotationnelle, utilisée depuis les années 1990, est particulièrement indiquée dans ce cadre, notamment en cas de lésions longues, de calcifications superficielles ou intimales, d’artères de diamètre < 3,5 mm, et bien sûr en cas d’échec de franchissement d’un ballon.
La lithotripsie intracoronaire
Un nouvel outil est apparu dans nos cathlabs et paraît très utile : le ShockwaveTM (Shockwave Medical). Les études cliniques sont encore peu nombreuses, et un registre français est en cours de réalisation, mais l’utilisation en pratique est simple, et les résultats sont étonnants. Le plus souvent, quelques impulsions d’ultrasons permettent de lever une lésion résistante au ballon non compliant. Les bonnes indications de la lithotripsie intracoronaire sont les lésions focales, les calcifications épaisses et profondes, les ostia, les artères de grande taille, et les défauts d’impaction de stents.
L’athérectomie orbitale
C’est un autre outil qui pourrait bientôt être disponible en France, et est déjà utilisé depuis 2014 aux États-Unis. Cette technique permet une action sur la plaque intimale, comme le RotablatorTM, mais avec une possibilité d’atteindre la concavité des artères tortueuses. De plus, elle permet une atteinte plus en profondeur, à l’image de la lithotripsie, par fracture de la plaque. Nous disposons donc d’une véritable boîte à outils pour traiter les lésions calcifiées, à laquelle on peut ajouter les ballons OPN et le cutting ballon. Cela nous incite à mieux caractériser la plaque calcifiée avant ou pendant la procédure d’angioplastie (scanner, imagerie endocoronaire).
L’association RotablatorTM/lithotripsie, Rotatripsy ou Rotawave, est parfois nécessaire pour permettre d’implanter un stent dans de bonnes conditions : le debulking par RotablatorTM pour abrasion de la plaque calcifiée, associé à la lithotripsie pour fragmentation de la plaque. L’enquête sur l’activité coronaire réalisée par D. Blanchard confirme que ces deux outils de traitement des lésions résistantes sont complémentaires : l’usage du RotablatorTM en France est stable depuis quelques années (5 240 procédures en 2021), malgré la forte apparition de la lithotripsie intracoronaire (1 909 procédures).
▸ LES CAS CLINIQUES
Comme toujours, ils ont permis d’aborder de nombreux sujets comme la planification d’une intervention par impression 3D, l’angor vasospastique, ou encore la gestion d’un thrombus au niveau du tronc commun distal. Le cas clinique « structurel » ayant remporté le vote du public était un cas d’obstruction de la chambre de chasse ventriculaire gauche après TVMI, traité par dilatation de la chambre de chasse puis alcoolisation septale. Le cas clinique « coronaire » était un cas de fracture d’une sonde d’athérectomie rotationnelle, récupérée à l’aide d’un ballon et d’une extension de cathéter.
L’esprit synthétique et pratique des présentations, le cadre, la participation, font du congrès High Tech un lieu incontournable de formation et d’échanges entre cardiologues interventionnels.
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