Publié le 30 mar 2023Lecture 9 min
High Tech Cardio 2023
Julien JEANNETEAU, Unité de cardiologie interventionnelle, Clinique Saint-Joseph, Trélazé, Angers
Le congrès HighTech Cardio s’est tenu du 1er au 3 février 2023, dans une ambiance printanière, au Palais du Pharo à Marseille.
Ce congrès comporte des sessions plénières, des symposiums organisés par l’industrie, des forums pratiques, et une zone avec de multiples exposants. Cette année, la session paramédicale a fait son retour. Cela a été l’occasion de parler du casque de réalité virtuelle, de l’expérience de l’ambulatoire, de l’écologie en salle de coronarographie, ou encore de la place de la robotique dans nos pratiques.
LES CHIFFRES DE L’ACTIVITÉ DE CARDIOLOGIE INTERVENTIONNELLE
Le nombre d’angioplasties est en baisse de 2 % : il s’agit de la première année de baisse en dehors de la période Covid. Cette baisse est peut-être à mettre en parallèle avec l’augmentation du recours à la FFR. Le nombre de coronarographies reste stable. D’après les données des centres ayant participé à l’enquête, une angioplastie est faite ad hoc dans 61 % des cas en dehors du syndrome coronarien aigu. L’abord radial est stable à 90 %. Le recours à l’athérectomie rotationnelle est stable alors que celui à la lithotripsie augmente (3 345 sur l’année 2022). L’utilisation des ballons actifs est en forte hausse et représente désormais entre 6 et 7 % des angioplasties coronaires. L’imagerie endocoronaire reste très peu utilisée (1,4 % des angioplasties, taux très bas par rapport aux autres pays industrialisés), sans doute lié à l’absence de remboursement. Concernant l’activité structurelle, on observe une croissance de la fermeture de FOP et d’auricules gauches. La croissance la plus forte concerne le MitraClip™ (Abbott) – 1 660 procédures en 2022, hausse de 14,5 % par rapport à 2022 – et le TAVI – hausse de plus de 10 %.
LES ÉTUDES DE LA CARDIOLOGIE INTERVENTIONNELLE
Certaines d’entre elles ont déjà fait l’objet de présentations dans les numéros précédents de Cath’Lab.
FAVOR III
L’étude multicentrique chinoise FAVOR III(1) a randomisé près de 4 000 patients coronariens stables ou instables, entre angioplastie « angio-guidée » ou angioplastie « QFR-guidée ». Elle montre que la quantitative flow ratio (QFR) a modifié la stratégie chez près d’un quart des patients. Dans le groupe « QFR-guidée », moins de stents étaient implantés, et le taux d’événements cardiovasculaires était significativement plus faible avec une réduction des événements en partie liée aux infarctus périprocéduraux. Pour mémoire, cet outil intéressant, permettant de s’affranchir du guide FFR et de l’adénosine, nécessite une angiographie de qualité avec deux incidences distinctes de 25 degrés au minimum, et avec des graphies d’au moins à 12,5 images par secondes. Il n’est pour l’heure pas validé avec du 4 F.
UNIVERSAL
L’étude UNIVERSAL(2) a testé l’utilisation en routine de l’échographie pour guider la ponction fémorale, avec mise en place d’un désilet 6 F dans la plupart des cas. Il n’y a pas de bénéfices par rapport à une ponction sans échographie, en termes de saignement ou de complications vasculaires. Toutefois, dans le groupe ponction guidée, les praticiens ne passent pas plus de temps pour ponctionner l’artère fémorale, et il y a significativement moins de ponctions multiples ou de ponction veineuse associée. Le vote à main levée dans la salle a montré une augmentation croissante de l’utilisation de l’échographie pour ponction artérielle dans nos salles de cathétérisme.
REVIVED-BCIS2
L’étude REVIVED-BCIS2(3) a déjà fait l’objet de nombreux débats depuis sa publication. Pour mémoire, l’angioplastie coronaire n’améliore pas le pronostic des patients coronariens stables avec altération de la FEVG. Les limites de l’étude ont été rappelées : il s’agissait de patients sans angor dans deux tiers des cas, tritronculaires dans seulement 40 % des cas, aucune quantification d’ischémie n’était prévue avant l’angioplastie, et le suivi médian n’était que de 3,4 ans, soit inférieur à celui pour lequel le bénéfice de la revascularisation avait été démontré avec les pontages. Concernant les événements, le nombre d’infarctus est quasi identique entre les deux groupes, mais 37,8 % des infarctus sont périprocéduraux dans le groupe angioplastie ; de plus, les revascularisations non programmées sont survenues dans 2,9 % des cas dans le groupe angioplastie versus 10,5 % dans le groupe traitement médical. Quoiqu’il en soit, cette étude remet en question nos pratiques.
PROTECTED TAVR
L’étude PROTECTED TAVR(4) pose la question de la protection cérébrale au cours d’un TAVI par le dispositif Sentinel™ (Boston Scientific) capturant les débris dans le TABC et l’artère carotide commune gauche. Cette étude, avec un suivi court et un manque de puissance, ne retrouve pas de bénéfice à l’utilisation systématique de ce dispositif, y compris dans les sous-populations présumées à plus haut risque d’AVC (valve calcifiée, terrain vasculaire, etc.). D’autres données seront bientôt disponibles sur l’intérêt de ce dispositif. POST-PCI L’étude POST-PCI(5) tente de répondre à la question de l’intérêt du test d’ischémie après angioplastie coronaire. Chez 1 700 patients asiatiques, une stratégie de dépistage systématique de l’ischémie myocardique à 1 an n’est pas associée à une diminution des événements cardiovasculaires à 2 ans. À noter, pour près de 20 % des patients, une épreuve d’effort seule était pratiquée. Quoiqu’il en soit, cette étude, associée à l’étude ISCHEMIA, montre que la valeur pronostique de l’ischémie myocardique reste incertaine, notamment en cas de coronaropathie stable, et qu’il faut certainement proscrire la programmation d’un test d’ischémie systématique à distance d’une angioplastie coronaire.
CARDIOLOGIE STRUCTURELLE
Dans les sessions dédiées à la cardiologie structurelle, l’accès coronaire post-TAVI a été largement développé. En cas de pose d’une prothèse auto-expansible, l’intérêt de l’alignement commissural a été rappelé. En cas de TAVI valve-in-valve, le problème de fond est le risque d’occlusion coronaire, la première valve se comportant comme un stent couvert, séquestrant les sinus, et le plan à risque étant déterminé par la hauteur des feuillets. Ce risque est particulièrement élevé avec les bioprothèses chirurgicales stentées avec des feuillets cousus à l’extérieur du stent. Dans ce cas, un élément intéressant à recueillir au scanner est la distance entre le montant de la future prothèse et l’ostium de la coronaire (VTC, virtual transcatheter heart valve to coronary, avec un seuil < 4 mm en faveur d’un risque majoré d’obstruction coronaire). En cas d’obstruction attendue au scanner, le ShortCut™ (Pi-Cardia) paraît séduisant. Il s’agit de découper le feuillet suspecté de générer l’obstruction à l’aide d’un cathéter, sous contrôle scopique et sous échographie transœsophagienne. Cela semble être une belle alternative à la cheminée et au BASILICA. Enfin, au moment de la pose de la première valve TAVI, les difficultés d’accès aux coronaires doivent être anticipées : ainsi, B. Chevalier suggère de privilégier une valve intra-annulaire, à stent court, quand l’espérance de vie prédite du patient est supérieure à l’espérance de vie prédite de la prothèse.
C. Delhaye a présenté des cas de dilatation des artères iliaques avec modulation des plaques calcifiées à l’aide de ballons de lithotripsie de 6 à 7 mm de diamètre. Des données préliminaires montrent que cette technique semble efficace, associée à peu de complications, et qu’elle permet, dans la plupart des cas, d’éviter une voie accessoire(6).
À l’opposé de ces procédures plus complexes, H. Eltchaninoff a présenté le « TAVI simplissime » : ponction échoguidée, abord radial secondaire, stimulation sur guide ventriculaire gauche, lever précoce, sortie précoce. En l’absence de difficultés anatomiques révélées par le scanner, le TAVI est désormais une technique mature, avec un taux de succès de 99,2 % par voie fémorale, selon les données de France TAVI présentée en début de congrès.
L’ANGIOPLASTIE DU TRONC COMMUN
Concernant l’angioplastie du tronc commun, le bénéfice de l’angioplastie guidée par échographie endocoronaire est net et démontré sur la mortalité toute cause(7). Le guidage 7 F est utilisé par la majorité des praticiens de l’assistance dans cette situation. La planification de la procédure et la préparation de la lésion sont les points clés de la procédure. L’athérectomie orbitale semble être séduisante en cas de bourgeon calcaire. La lithotripsie est aussi un outil intéressant, permettant de garder plusieurs guides. Par la suite, les stratégies de stenting sont désormais bien définies, même si les pratiques diffèrent d’un centre à l’autre en cas d’implantation de deux stents.
LES LÉSIONS NON COUPABLES DANS LE STEMI
La prise en charge des lésions non coupables dans le STEMI est un sujet évoqué à chaque congrès de cardiologie interventionnelle. Les résultats de FLOWER-MI avait été présentés l’année dernière mais, depuis, l’étude FRAME-AMI(8) a été publiée. Contrairement à FLOWER-MI, cette étude retrouve un bénéfice net de l’angioplastie guidée par la FFR sur les événements cardiovasculaires. Il n’y a donc pas de surrisque à réaliser une FFR à la phase aiguë d’un syndrome coronarien. Parmi les limites de l’étude, on note un taux d’événements particulièrement élevé dans le groupe angioplastie sans FFR. Cette étude confirme toutefois l’importance d’une revascularisation complète dans le syndrome coronaire aigu. Mais est-ce un traitement de l’ischémie résiduelle ou un traitement de plusieurs plaques vulnérables ? L’étude COMPLETE-2, avec la sous-étude comprenant une imagerie OCT, répondra peut-être à cette question.
LES RÉDUCTEURS DU SINUS CORONAIRE
Environ 120 réducteurs du sinus coronaire ont été implantés en France en 2022. Ce dispositif semble séduisant chez des patients avec angor réfractaire, sous traitement maximal, avec ischémie documentée, et sans possibilité de revascularisation. Les premiers résultats cliniques sont positifs dans l’attente des résultats du registre de la SFC FRANCE REDUCER, dans lequel tous les centres peuvent inclure leurs patients, afin d’améliorer les connaissances sur ce dispositif et d’obtenir peut-être un remboursement définitif.
LE COROSCANNER
T. Unterseeh nous a incité à nous intéresser au coroscanner. Une « culture de la coronaire » paraît effectivement indispensable pour analyser cet examen, et surtout prendre la décision adéquate pour le patient. Le post-traitement se simplifie et ne prend désormais que quelques minutes avec les derniers outils utilisant l’intelligence artificielle. La FFR scan devient aussi disponible en France. L’activité est en plein essor, notamment pour dépister les syndromes coronariens chroniques. Les délais sont très variables d’un centre à l’autre. La problématique actuelle est l’accès des cardiologues au scanner, ainsi que les internes de cardiologie dans les CHU, avec de fortes disparités entre les établissements. Enfin, le parcours patient est sans doute à repenser, et à protocoliser avec les radiologues, afin d’éviter l’absence d’avis cardiologique au cours de la prise en charge.
LES CAS CLINIQUES
Pour clôturer le congrès, des cas cliniques intéressants ont été présentés et P. Commeau nous a rappelé que la certification périodique allait devenir obligatoire. Dans ce cadre, il est très probable que l’accréditation HAS sera un point clé pour assurer la certification. Pour l’heure, moins de 10 % des cardiologues interventionnels sont accrédités HAS, mais ce chiffre est en hausse. Pour mémoire, l’accréditation repose sur 3 piliers : déclarer des événements indésirables, mettre en oeuvre un suivi des recommandations et réaliser des activités comme la participation à des congrès, des RCP, des RMM. L’accréditation peut également se faire en équipe (plus d’information sur le site de l’ODP2C et sur la plateforme SIAM2).
Le congrès High-Tech 2023 aura permis de nombreux échanges entre cardiologues interventionnels, dans un cadre toujours aussi agréable et convivial. Rendez-vous l’année prochaine !
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