Focus-Nouvelle technique
Publié le 31 aoû 2008Lecture 10 min
Le stent Genous™ : avantages d’une endoprothèse coronaire biocompatible
G. DAMBRIN, X. FAVEREAU, G. DUTHEIL, P. DE CASSIN, Centre médicochirurgical Parly II, Le Chesnay et clinique Bergouignan, Évreux
Les préoccupations récentes quand à la tolérance et à la sécurité des stents actifs justifient le développement d’autres pistes de recherche pour les stents coronaires. Le stent idéal serait celui qui associerait un très faible taux de resténose et donc de réintervention, et l’absence d’événement thrombotique précoce et à distance de la procédure.
C’est dans ce contexte qu’un nouveau type de stent coaté a été mis à notre disposition. Le stent Genous™est recouvert d’une matrice de polysaccharide sur laquelle sont fixés des anticorps anti-CD34 spécifiques des cellules progénitrices des cellules endothéliales. Le stent Genous™ n’est pas conçu sur le concept d’une délivrance de substance cytotoxique ou cytostatique mais plutôt sur celui d’une facilitation et d’une accélération des capacités de cicatrisation naturelles du vaisseau afin d’obtenir rapidement une parfaite hémocompatibilité du stent implanté.
Les EPC : cellules progénitrices des cellules endothéliales
Les cellules progénitrices des cellules endothéliales ou EPC (endothelial progenitor cells), sont des cellules souches circulantes, produites par la moelle osseuse et dérivées des hémangioblastes. Elles ont la faculté de se multiplier, de migrer dans le courant vasculaire et de se différencier en cellules endothéliales matures. Elles sont recrutées (attirées) sur le site d’une lésion vasculaire et vont participer à sa cicatrisation.
L’intérêt thérapeutique potentiel des cellules progénitrices des cellules endothéliales est apparu à la fin des années 1990 dans divers domaines médicaux. L’utilisation des anticorps anti-CD34 accroît l’adhésion des EPC sur le site et accélère la réparation vasculaire. Après une angioplastie, cette ré-endothélialisation rapide doit permettre de diminuer à la fois l’hyperplasie néo-intimale (effet inhibiteur des cellules endothéliales fonctionnelles sur la prolifération des cellules musculaires lisses) et le risque de thrombose.
Il est à noter que le nombre d’EPC circulantes est naturellement bas, mais variable d’un sujet à l’autre. Chez le patient coronarien stable, le nombre d’EPC circulantes varie suivant le nombre de facteurs de risque. Un niveau élevé d’EPC circulantes reflète la sévérité de l’atteinte endothéliale vasculaire et s’accompagne d’un mauvais pronostic à distance(1).
Au cours de l’infarctus du myocarde (IDM) aigu, le taux d’EPC augmente de façon transitoire dans le sang circulant en raison de l’atteinte vasculaire. Il est possible de moduler le nombre et l’activité des EPC circulantes de façon pharmacologique, en particulier avec les statines, ce qui constitue une stratégie thérapeutique intéressante(2).
Le concept du stent Genous™
Le stent Genous™(OrbusNeich, Medical BV), est conçu sur une plateforme de stent en acier 316 L (R stent). Des anticorps anti-CD34. sont attachés via un revêtement biocompatible (polysaccharides) très fin (< 0,5 micron). Ces anticorps vont permettre le recrutement et la fixation de cellules circulantes progénitrices des cellules endothéliales (EPC) accélérant l’endothélialisation du stent.
L’obtention d’une hémocompatibilité précoce du stent va diminuer la réaction inflammatoire locale et la prolifération secondaire de fibres musculaires lisses, facteur de resténose. Le bénéfice attendu est également une diminution du risque thrombotique aigu et subaigu.
L’obtention d’une hémocompatibilité précoce du stent serait susceptible de limiter le processus de resténose mais également le risque thrombotique aigu et subaigu.
Le programme d’études cliniques
La tolérance et l’efficacité du stent Genous™ ont été évaluées par un programme d’études baptisé HEALING (Healthy Endothelial Accelerated Lining Inhibits Neointimal Growth).
Après une première implantation en 2003 (MJ Kutryk), les résultats du registre HEALINGFIM(3), regroupant 16 patients traités avec un stent Genous™, recevant du clopidogrel (Plavix®) pendant 1 mois et suivis sur les plans clinique et angiographique ont été publiés en 2005. Les résultats étaient satisfaisants avec 1 seul événement : 1 patient traité pour resténose à 6 mois.
Cette étude a précédé la mise en place d’un registre multicentrique HEALING II. Dans ce registre regroupant 63 patients avec des lésions de novo traitées avec un stent Genous™, les taux de nouvelle revascularisation et d’événement cardiaque majeur à 6 mois étaient respectivement de 6,3 et 7,9 %. Aucun événement thrombotique subaigu et tardif n’a été noté malgré un traitement par bithérapie antiagrégante limitée à 1 mois. Enfin, cette étude a mis en évidence l’influence du niveau d’EPC circulantes sur les résultats en termes de resténose intrastent et a confirmé l’existence d’un taux d’EPC plus élevé chez les patients traités par statines.
L’objectif du registre multicentrique e-HEALING réalisé en 2007 (coordonné par Winter et Silber) était d’observer les résultats en termes d’efficacité et de tolérance du stent Genous™ dans la « vie réelle ». Il a permis d’inclure 4 997 patients sur 144 centres. L’angioplastie était réalisée pour un angor instable dans 42,3 % des cas.
Les résultats du suivi à 12 mois (sur 1 640 patients) et rapportés à l’ACC 2008 sont très favorables (tableau) avec un taux d’événements cardiaques majeurs de 9,3 % et de nouvelle revascularisation du vaisseau cible (TVF, objectif primaire) de 5,4 %. Les taux de thrombose aiguë et subaiguë sont très faibles. Sur les 1 640 patients suivis à 12 mois, le risque de thrombose tardive est de 0,5 %.
Chez 338 patients les plus à risque (lésion complexe avec flux coronaire TIMI 0 ou 1) et avec un suivi complet à 12 mois, le taux de thrombose aigu et subaigu était de 0,9 % et celui de thrombose tardive de 0,3 %.
Applications cliniques
Les conséquences bénéfiques attendues de cette endothélialisation rapide du stent Genous™ sont un faible risque thrombotique précoce et tardif et un taux de resténose intrastent plus faible. Une autre implication pourrait être une durée minimale nécessaire de bithérapie antiagrégante plus courte après l’implantation du stent. Ces différentes hypothèses sont évaluées dans des études en cours ou achevées.
Le stent Genous™ dans les lésions thrombotiques
Une étude monocentrique a décrit l’utilisation du stent Genous™ pour l’angioplastie primaire dans l’IDM ST+(4). Les 120 patients inclus recevaient une bithérapie antiagrégante durant seulement 1 mois. À 12 mois, le taux d’événements cardiaques majeurs était de 9,2 % avec 5 % de réintervention pour resténose. Il est survenu 1 thrombose aiguë et 1 thrombose subaiguë, mais pas de thrombose tardive.
Comparaison entre le Genous™ et les stents actifs
L’étude monocentrique TRIAS HR pilot (Winter, EuroPCR 2008) a comparé 246 patients randomisés entre stent Genous™ et Taxus™ (121 et 125 patients respectivement). Les lésions traitées étaient à haut risque de resténose : occlusions chroniques, longues lésions (> 23 mm), petits vaisseaux (< 2,8 mm) ou patients diabétiques. La durée du traitement par bithérapie aspirine + clopidogrel recommandée était de 1 mois dans le groupe Genous™ et 6 mois dans le groupe Taxus™.
Pendant les 12 mois de suivi, sont survenues une thrombose de stent dans le groupe Genous™ (6e heure) et 4 dans le groupe Taxus™ (24e heure, J10, J155 et J200). Tous les patients étaient sous bithérapie. Le taux de réintervention (TLR) était de 11,6 et 8,7 % respectivement (NS).
Donc dans ce groupe à haut risque de resténose, il semble qu’un taux de réintervention légèrement plus élevé dans le groupe Genous™ est la contrepartie d’un risque d’événement grave (thrombose et infarctus) plus faible que dans le groupe Taxus™ (différence non significative).
Les résultats encourageants de cette étude préliminaire vont être évalués dans une nouvelle étude randomisée (Genous™ vs Taxus™) multicentrique et européenne : TRIAS.
Une bithérapie antiagrégante plus courte ?
Un des intérêts de l’endothélialisation plus rapide liée au stent Genous™ pourrait être une diminution de la durée du traitement par bithérapie antiagrégante nécessaire après l’angioplastie.
Des études faites sur des modèles animaux (Kutryk, 2008), ont montré que l’endothélialisation du stent Genous™ débutait dès la première heure et était complète à la 48e heure (figure).
Figure. Implantation dans une artère coronaire de porc. À 1 heure : endothélialisation débutante du Genous™ (Kutryk MJ et al, 2008).
Dans une première étude clinique (Kutryk, EuroPCR 2008), le stent Genous™ a été utilisé chez 14 patients ne pouvant recevoir une bithérapie antiagrégante (allergie à un des deux antiagrégants, hémorragie menaçant le pronostic vital ou chirurgie urgente à réaliser). Le suivi sur 17 mois en moyenne a montré de bons résultats avec l’absence de thrombose de stent, d’infarctus ou de décès cardiologique. Le taux de TLR était de 14 %.
Une autre étude clinique en cours évalue la tolérance d’une bithérapie antiagrégante courte (2 voire 1 semaine) après l’implantation d’un Genous™ (sur des branches coronaires secondaires).
L’intérêt est évident pour les situations à risque rencontrées en pratique clinique lors desquelles il faut trouver un compromis entre risque ischémique et nécessité d’un geste chirurgical urgent.
L’intérêt d’un tel stent semble évident pour les situations à risque où il faut trouver un compromis entre le risque ischémique et la nécessité d’un geste chirurgical urgent.
Notre expérience du stent Genous™
Depuis début 2007, 75 patients ont été traités dans notre institution (Centre médicochirurgical Parly II) avec au moins un stent Genous™. Nous avons privilégié certaines indications : lésions thrombotiques et syndrome coronaires aigus (SCA [n = 59]), et patients pour lesquels en raison d’un risque hémorragique élevé, le traitement antiagrégant plaquettaire devait être simplifié (traitement par AVK ou intervention chirurgicale programmée [n =16]). Parmi les 59 patients traités pour un SCA, l’artère traitée était occluse (TIMI † 1) dans 22 % des cas. La procédure a été un succès dans 58 cas ; 1 patient de 89 ans traité à H24 d’un infarctus antérieur est décédé à J3 d’un choc cardiogénique réfractaire malgré la reperfusion de l’artère occluse. Après 6 mois de suivi, il y a eu 2 décès supplémentaires : un décès précoce secondaire aux complications de l’arrêt cardiorespiratoire extrahospitalier initial et une mort subite après 1 mois (un patient de 85 ans traité pour une occlusion ostiale de l’IVA avec choc initial). Il est survenu une seule thrombose de stent avérée à J15 chez un patient ayant un syndrome inflammatoire sévère (syndrome de Dressler). Il n’y a pas eu de nouvelle revascularisation pour resténose dans ce sous-groupe. Sur la population totale des 75 patients, 3 patients ont dû être traités pour une resténose du stent Genous™ (2 angioplasties au ballon, 1 patient traité avec un stent actif).
Cette expérience préliminaire semble confirmer la bonne tolérance et la sécurité du stent Genous™ sur une population à très haut risque.
Conclusion
Dans un contexte de craintes liées aux risques tardifs potentiels des stents actifs et aux problèmes liés à la poursuite d’une bithérapie antiagrégante plaquettaire prolongée, le stent Genous™, basé sur un concept d’immunoaffinité sélective et de cicatrisation rapide, semble être un outil novateur pour notre pratique de cardiologie interventionnelle.
Les résultats des premières études cliniques confirment la très bonne tolérance de ce stent et semblent montrer de bons résultats en termes de nécessité de nouvelle revascularisation de la lésion cible.
Les résultats des études randomisées à grande échelle en cours, comparant Genous™et stent actif, s’ils confirment cette efficacité, permettront de préciser la place de cette nouvelle endoprothèse dans notre arsenal thérapeutique.
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