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Paramédical

Publié le 20 oct 2019Lecture 6 min

Mission Cœur sur le Caillou

Fanny VILLANOVA, IDE, Centre hospitalier de Jossigny

Connaissez-vous cet endroit perdu dans le Pacifique Sud que l’on appelle le Caillou ? Il s’agit en fait de la Nouvelle-Calédonie, territoire de la France d’outre-mer, sur lequel vivent principalement les descendants des peuples du pacifique : les mélanésiens ou « Kanaks », les descendants des Français d’Europe « les Caldoches » et des métropolitains. C’est dans cette île du bout du monde, dans la capitale de la Grande Terre Nouméa, que j’ai eu la chance de faire partie de la quatrième mission Cœur de l’Institut Mutualiste Montsouris (IMM) organisée par les Drs M. Debauchez et C. Caussin.

Le Centre hospitalier territorial (CHT) Gaston-Bourret de Nouméa appelé aussi Médipôle (figure 1) est doté d’un pôle de cardiologie. N’ayant pas de chirurgie cardiaque, ce pôle est constitué d’un service d’hospitalisation conventionnelle, de 10 lits d’USIC, d’un hôpital de jour, et d’une salle de cathétérisme. Les patients nécessitant des actes de chirurgie cardiaque programmés ou en urgence doivent être évacués par avion en Australie ou sur l’Hexagone. Ce transfert sanitaire a un coût important pour la CAFAT (Caisse de protection sociale de Nouvelle-Calédonie), mais aussi un délai de prise en charge rallongé et des conséquences parfois délétères pour les patients. Depuis 2018, les Drs Debauchez et Caussin mettent en place des « missions » permettant au Médipôle de réaliser certains actes sur site à moindre coût, et d’offrir ainsi une prise en charge des patients à proximité de leur domicile et de leur famille. Figure 1. Médipôle Nouméa. La mission Le Médipôle ne dispose pas de personnel formé pour la réalisation de l ’ensemble des interventions structurelles et chirurgicales ni pour la gestion postopératoire des patients, immédiate et à court terme. La mission se compose donc de : – une équipe médicale et paramédicale complète comprenant une équipe chirurgicale composée de deux chirurgiens cardiaques, d’un interne en chirurgie cardiaque, d’un anesthésiste, de deux infirmiers de bloc opératoire (IBODE), d’une infirmière anésthésiste (IADE) et d’un perfusionniste, et une équipe de cardiologie interventionnelle constituée de deux cardiologues interventionnels et de deux paramédicaux de salle de cathétérisme. – une 3e équipe dite « d’hospitalisation » renforce les deux précédentes et assure en collaboration avec l’équipe du CHT la prise en charge postopératoire des patients. Elle est constituée d’un réanimateur, d’un cardiologue et de deux IDE formées aux soins intensifs de cardiologie. Outre ces missions de proximité destinées au patient, les objectifs permettent un transfert de compétences médicales et paramédicales vers les personnels soignants du CHT. Ainsi, pour chaque acte, un anesthésiste, un IADE et un IBODE du CHT sont habillés en salle d’intervention avec les équipes de l’IMM et sont ainsi formés à ces procédures chirurgicales (remplacement valvulaire, pontage aortocoronarien, Bentall, etc.). Ouvert spécifiquement pour la mission, un service de 14 lits permet à deux IDE d’hospitalisation d’être présentes (une de jour et une de nuit) pour aider et former les paramédicaux du CHT à la prise en charge des patients lors de leur sortie de réanimation (figure 2). Figure 2. Transfert de compétence entre les équipes de l’IMM et du CHT. Sélection des patients La sélection des patients se fait après un staff médicochirurgical entre le CHT et l’équipe de l’IMM. Les dossiers des patients sont ensuite soumis à la commission médicale de la CAFAT qui donne son accord final. Il est donc possible de voir le programme se modifier en début de mission en raison des décisions prises par cette commission, mais aussi en raison de problèmes médicaux chez les patients staffés au moment de la mission. Au programme de la mission Côté chirurgie Côté chirurgie cardiaque, les équipes travaillent sur deux salles de chirurgie au bloc opératoire. Une trentaine d’interventions ont été réalisées sur 12 jours, soit environ 3 interventions par jour, avec au programme des pontages aortocoronariens, des remplacements de valves aortique, mitrale et tricuspide, des Bentall, ainsi que le remplacement de crosse aortique. Côté cardiologie interventionnelle Pour le versant cardiologie interventionnelle, nous avons réalisé une partie de nos examens (TAVI : transcatheter aortic valve implantation ; TMVI : transcatheter mitral valve implantation, dilatation mitrale) au bloc opératoire, et l’autre partie (FOP : fermeture de foramen oval perméable ; CIA : communication intra-auriculaire, dilatation mitrale ; CTO : occlusion coronaire chronique) en salle de cathétérisme. Nous avons réalisé le premier TMVI en Nouvelle- Calédonie, 1 TAVI par voie carotidienne, 5 TAVI par voie fémorale, 2 dilatations mitrales, 2 fermetures de FOP/CIA, et 1 CTO sur 6 jours (figures 3 et 4). Figure 3. Procédure de TAVI par voie carotidienne. Figure 4. Procédure de CTO IVA. En haut, occlusion chronique de l’IVA ; en bas, résultat final après désobstruction de ce vaisseau par voie antérograde. La cardiologie interventionnelle de Nouméa (figure 5) Figure 5. Équipe paramédicale de l’Unité de cardiologie interventionnelle de Nouméa. La salle de cathétérisme du CHT n’est pas située au sein du bloc opératoire mais localisée juste à côté. L’équipe de cardiologie interventionnelle est constituée actuellement de 3 cardiologues interventionnels, 5 IDE et 1 manipulateur en électroradiologie médicale (MERM). En 2018, 1 706 coronarographies et 755 angioplasties coronaires ont été réalisées. La localisation du centre est soumise à une contrainte géographique ayant une incidence sur la logistique du matériel indispensable pour ces différentes activités. Une IDE dédiée à la gestion du matériel passe une commande hebdomadaire, temps qui peut être raccourci pour les endoprothèses (commandes 2 fois par semaine). En même temps, cette contrainte repousse les délais de livraison de 3 à 4 semaines, le stock devant ainsi être plus conséquent et calculé pour une période d’un mois. Contraintes de la mission Les contraintes matérielles Elles se résument essentiellement à 3 étapes. Le programme étant susceptible d’être modifié, il faut prévoir une quantité suffisante de matériel. • La 1re étape C’est l’envoi de ce matériel par avion en container depuis la France vers la Nouvelle-Calédonie dans un délai d’au moins 15 jours avant le début de la mission. Pour cette raison, les équipes de chirurgie cardiaque et de cardiologie interventionnelle établissent une liste de matériel (valves, cathéters, instruments chirurgicaux, sondes, ballons, etc.), que la pharmacie de l’IMM se charge de préparer et d’expédier. • La 2e étape C’est la réception et le stockage dans le service de pharmacie du CHT, dans un local dédié pour la mission. Ce sont les IDE de la mission qui s’occupent de préparer les armoires avec tout le matériel nécessaire qui sera acheminé au bloc opératoire ou en salle de cathétérisme par le biais de chariots automatisés. • La 3e étape Lors de cette dernière étape, le matériel est retourné et stocké à la pharmacie comme en étape 2 après la mission. Un inventaire complet est réalisé à la pharmacie en présence de la personne référente, avec vérification des dates de péremptions, afin de pouvoir ajuster au mieux le matériel à envoyer pour la mission suivante. Les contraintes environnementales Côté cardiologie interventionnelle, les interventions réalisées au bloc opératoire ont lieu dans une salle de vasculaire dépourvue de baie de cathé. Nous avons ainsi dû nous adapter et utiliser une des machines de contrepulsion de la salle de cathétérisme pour avoir un ECG et une pression artérielle en visuel tout au long des procédures. Nous avons également dû nous habituer à l’utilisation du logiciel du bloc opératoire et à la traçabilité du matériel. En salle de cathétérisme, ne travaillant que sur une seule salle, nous avons dû nous adapter à une réorganisation du service en faisant passer en priorité les patients de l’hôpital de jour et les éventuelles urgences. Avantages de la mission Au-delà des contraintes, cette mission a été une expérience professionnelle et personnelle très enrichissante. Elle a permis de : – collaborer et transmettre des compétences et des connaissances avec le personnel du CHT ; – développer ses capacités d’adaptation, que ce soit en termes de matériel, mais également environnementale ; – apprendre et découvrir de nouvelles techniques ; – créer des liens avec les équipes de chirurgie et de cardiologie interventionnelle ; – découvrir les us et habitudes locales (en Nouvelle-Calédonie, tout le monde se tutoie et s’appelle par son prénom, même entre les soignants et les patients…). Conclusion Cette 4e mission Cœur a été un succès pour l’ensemble des patients pris en charge, et n’a connu aucune complication. Bien plus qu’une mission, il s’agit d’une aventure humaine et professionnelle exceptionnelle, qui permet de transmettre et d’échanger des savoirs et des compétences, tant d’un point de vue professionnel que personnel.

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