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Mise au point

Publié le 15 oct 2023Lecture 11 min

Prise en charge des complications vasculaires du TAVI par voie fémorale

Jean-Yves PAGNY, Hôpital Saint-Joseph, Paris ; Hôpital Européen Georges Pompidou, Paris

Les indications de TAVI sont de plus en plus larges du fait des bons résultats à terme avec un nombre d’accidents de procédure très limité.
Pendant la procédure et une fois la valve implantée, la voie d’abord fémorale et les axes aorto-iliaques peuvent être source de complications vasculaires. Celles-ci sont classées en complications « majeures » qui impriment un pronostic péjoratif et complications « mineures » sans effet significatif sur le pronostic. Les taux de complications vasculaires majeures au début de l’expérience des TAVI s’élevaient à 15 % environ pour actuellement descendre dans les séries les plus favorables à 3,5 %. Les complications vasculaires mineures sont retrouvées dans les études récentes les plus optimistes dans 10 % des cas.

Les progrès du matériel d’implantation des valves réduisant le diamètre des introducteurs, la meilleure connaissance des systèmes de fermeture mais aussi l’expérience des opérateurs expliquent cette meilleure maîtrise des complications. Les médecins interventionnels gardent à l’esprit qu’une complication mineure si elle n’est pas traitée rapidement et efficacement peut très vite dégénérer en complications majeures, en nécessitant par exemple une transfusion. Comment éviter et comment traiter ces complications ?   LES MESURES PRÉVENTIVES   Les mesures préventives se font en deux temps.   L’analyse de l’angioscanner Elle est déterminante pour évaluer les risques liés au passage du matériel : • L’appréciation devra porter en particulier sur le diamètre des axes iliofémoraux, les sinuosités et la prévision d’une fermeture de la fémorale par suture ou par un système type MANTA®. Les sinuosités iliaques seront péjoratives si les calcifications artérielles sont circonférentielles et de taille limite pour le diamètre du désilet • Une sténose serrée si elle est localisée sur un axe iliaque peut être levée par une angioplastie au ballon avant la montée du désilet puis l’implantation d’un stent au moment du retrait du désilet. Certains à l’instar des procédures coronaires vont faciliter les passages du désilet avec la technique Shockwave mais il n’est pas certain au regard du coût de ce matériel que le couple ballon-stent fasse moins bien. • Le point de ponction : le diamètre de la fémorale commune est un élément majeur de même que la présence de calcifications sur la paroi antérieure de celle-ci qui risquent de faire « déraper » les aiguilles des ProGlidesTM (ou ProstarTM, Abbott) • Sur l’aorte abdominale, des plaques « molles » d’aspect emboligène et surtout sur l’aorte thoracique ces mêmes plaques ou un aspect de concavité serrée en clé de sol de l’aorte « horizontale » (figure 1), seront des facteurs supplémentaires pour décider de ne pas passer par voie fémorale. Figure 1. Forte angulation entre l’aorte ascendante et l’aorte descendante qui fait prendre un risque de rupture de la crosse aortique au moment du franchissement de la valve.   La ponction fémorale Ce geste peut paraître insignifiant, pourtant il aura des conséquences sur la qualité de la fermeture du point de ponction en fin d’examen. Il doit donc être minutieux avec des règles à respecter.   • Comment ponctionner l’artère fémorale – Au milieu de la face antérieure de l’artère avec un angle de 45° voire encore un peu plus vertical entre l’axe de la fémorale commune et celui de l’aiguille de la ponction. Les ponctions un peu latéralisées ou trop horizontales donc tangentielles à la paroi de l’artère vont rendre moins efficaces les systèmes de fermeture. – Sur la tête fémorale dans ses 3⁄4 inférieurs. En effet, c’est le seul site sur laquelle l’artère fémorale est compressible car au contact d’un plan dur alors qu’au-dessus ou au-dessous, le plan en arrière de l’artère est mou donc la compression sera inefficace (figure 2). Chez les patients un peu forts la ponction au bon niveau de l’artère fémorale commune implique une entrée cutanée de l’aiguille nettement au-dessus du pli de l’aine, inversement chez les patients maigres le site cutané de ponction se situera en dessous du pli de l’aine. – À 1 cm au moins de la bifurcation fémorale profonde/fémorale superficielle car en cas de saignement post-fermeture un stent couvert pourra être implanté efficacement. Trop près de la bifurcation, une fuite post-fermeture nécessitera soit une réparation chirurgicale, soit un stent couvert qui compromettra l’une des deux branches. Il nécessitera d’emboliser le 1er cm de celle occluse par le stent couvert pour ne pas avoir par la persistance de la fuite par la collatéralité rétrograde (figure 3). Une réparation chirurgicale peut être à ce niveau une bonne solution. Figure 2. A et B : point d’entrée de la ponction dans l’artère fémorale entre les lignes rouges. C : ponction en regard de la tête fémorale : compression (rond rouge) efficace. D : point de ponction trop haut ou trop bas : compression inefficace. Figure 3. Saignement actif sur un point de ponction trop proche de la bifurcation fémorale profonde (FP), fémorale superficielle (FS) ; un stent couvert (en bleu) ne peut pas être étanche du fait d’une alimentation rétrograde de la FP autour du saignement d’où la nécessité de l’occlure avec un plug (ou des coils) avant l’implantation du stent couvert.   • Plusieurs techniques sont possibles pour assurer la ponction fémorale au bon endroit : – Ponction sous échographie mais avec obligatoirement un contrôle en scopie pour s’assurer d’une entrée dans l’artère fémorale au niveau des 3⁄4 inférieurs de la tête fémorale. – Ponction sous scopie avec petite injection de contraste par une sonde montée depuis la voie controlatérale fémorale ou depuis l’artère radiale.   La fermeture fémorale Elle est effectuée actuellement par deux systèmes. • Un système de sutures percutanées avec deux ProGlidesTM insérés en pre-closing avec une orientation des « sabots » à 45° l’un de l’autre. Il faudra fermer la fémorale en laissant le guide en place et en comprimant quelques minutes. Si le saignement persiste, un AngioSealTM ou un FemoSealTM (Terumo) peut être inséré sur le guide pour compléter l’étanchéité. • Un système de plug de collagène ou disque positionné en extravasculaire mais plaqué sur la paroi artérielle grâce à une ancre ou un disque résorbable intravasculaire, les deux étant serrés au plus près de la paroi artérielle par un nœud coulant (système MANTA®, Teleflex). Un contrôle de l’étanchéité sera systématique par injection de contraste avec opacification idéalement en « soustraction » à la fois de l’axe iliaque (oblique controlatéral à 30°), mais aussi de la zone de fermeture de la fémorale (oblique homolatéral à 45°).   LE TRAITEMENT CURATIF DES COMPLICATIONS VASCULAIRES   En fin de procédure Au moment du contrôle systématique de l’abord fémoral par lequel la valve est implantée, les complications retrouvées sont : – des dissections soit de l’axe iliaque (primitive ou externe), soit de la fémorale commune, dissections plus ou moins occlusives ; – des occlusions complètes de la fémorale commune ; – des saignements actifs à partir du point de ponction : peu important, une compression simple peut suffire surtout si la ponction est bien en regard de la tête fémorale (figure 4). Si le saignement est important une procédure pour obtenir l’étanchéité devient nécessaire. Figure 4. Suffusion après suture percutanée : compression simple.   L’intrication de ces complications est possible en particulier une occlusion complète peut être due plus à une dissection qu’à des thrombi intraluminaux. Les traitements font appel aux mêmes techniques d’implantation de stents couverts ou non couverts. Ils seront implantés par voie fémorale controlatérale avec un désilet d’au moins 40 cm qui permet de franchir la bifurcation iliaque. La zone à traiter est franchie avec prudence, guide souple si possible, à défaut, guide hydrophile préformé sur une sonde légèrement angulée. Il faut vérifier avec cette sonde que la sortie de la lésion se fait bien dans la bonne lumière (figure 5). Après avoir échangé le guide de franchissement contre un guide 0,35’’ long, proche de 3 m, le stent pourra être implanté. Figure 5. Occlusion iliaque externe et fémorale commune au retrait du désilet et de la fermeture par ProGlidesTM ; possible dissection occlusive avec thrombi ; recanalisation avec un guide souple et une sonde pour vérifier la sortie en intraluminal ; implantations de stents non couverts autoexpansifs de diamètre 1 mm supérieur à celui de l’artère.   • Quelques particularités – Un stent autoexpansif (couvert ou non) sera choisi préférentiellement sur la tête fémorale et un peu en amont de la tête du fait du risque de compression définitive d’un stent ballon-dépendant par la pression des doigts à son niveau ou par l’antéflexion de la hanche. Inversement les stents autoexpansifs retrouveront leur forme initiale une fois la pression exercée stoppée (figure 6). Figure 6. A : sténose serrée de la fémorale commune postsuture percutanée (ProstarTM) ; B : déploiement d’un stent autoexpansif non couvert ; C : restitution du calibre normal.   – La taille du stent sera basée sur la mesure de l’artère au scanner : un stent ballon dépendant aura le diamètre de l’artère (en sachant que le stent peut accepter éventuellement un ballon de taille supérieure de 1 ou 2 mm), un stent autoexpansif sera systématiquement choisi avec 1 ou 2 mm de diamètre en plus (figure 7). Les tailles d’introducteurs nécessaires et le diamètre maximal du stent utilisé sont importants à connaître. Les stents de 4 cm de long couvriront un point unique de saignement. Figure 7. A : stents couverts ballons-dépendants : taille du désilet nécessaire et diamètre maximal après sur-dilatation ; B : stents couverts ballons-dépendants : taille du désilet nécessaire et diamètre maximal après sur-dilatation.   – Le positionnement du stent par rapport à la bifurcation fémorale sera optimal sur une incidence en oblique homolat rale de 45°. Ce sera d’autant plus important qu’il s’agit d’un stent couvert. En cas de ponction trop proche de la bifurcation, l’étanchéité ne sera obtenue qu’avec un stent couvert qui se termine dans l’un des deux axes fémoraux superficiel ou profond (après avoir évalué leur importance respective par l’ischémie provoquée). L’axe qui sera occlus par le stent couvert devra auparavant être occlus pour ne pas avoir d’alimentation rétrograde du saignement (figure 3). Une réparation chirurgicale sera discutée. – Le choix stent couvert ou non couvert se fait en fonction du mécanisme identifié : saignement ou non. Il faut garder à l’esprit que la perméabilité des stents couverts est nettement moins bonne que celle des stents non couverts ; un saignement actif du point de ponction nécessitera la couverture par le stent couvert d’au minimum 1 à 2 cm au-dessus et 1 à 2 cm en dessous de ce saignement (figure 8). En l’absence de saignement, un stent non couvert sera suffisant (figure 6). Figure 8. Saignement actif (flèche) après fermeture avec un système MANTA® ; ponction à distance de la bifurcation fémorale profonde/superficielle ; implantation d’un stent couvert autoexpansif qui laisse libre la bifurcation puis ballon intrastent pour une parfaite application du stent sur les parois.   – Cas particulier : lors de la procédure de TAVI si le désilet initial est difficile à amener dans l’aorte abdominale du fait de « frottements importants », cela doit faire craindre une dissection iliaque. Un contrôle angiographique avant la fermeture cutanée de l’artère, en descendant le désilet le plus proche possible de la fémorale commune permettra d’identifier une éventuelle dissection. Si le désilet est occlusif, il est possible d’aspirer la voie latérale du désilet pendant l’injection sus-jacente. En cas de dissection, elle sera traitée en rétrograde à partir de ce même désilet. La procédure est plus aisée dans ce sens-là.   Au décours de la procédure La surveillance des patients après TAVI se concentre principalement sur la valve, les troubles de conduction, le péricarde et les signes neurologiques. Mais il faut garder à l’esprit que le membre ponctionné doit être également surveillé systématiquement pour dépister un saignement ou une ischémie du membre inférieur. • Les signes cliniques révélateurs d’un saignement sont parfois évidents : douleur au point de ponction, hématome se majorant avec ou sans instabilité hémodynamique. Mais, les signes cliniques peuvent être trompeurs : malaise vagal, instabilité hémodynamique avec ou sans hématome au point de ponction principal, mais aussi au niveau du point de ponction fémoral controlatéral s’il y en a eu un. Une ponction trop haute peut saigner dans le rétropéritoine et être invisible cliniquement. Dès qu’une suspicion de saignement est évoquée, il faut immédiatement comprimer manuellement la fémorale et c’est l’un des avantages d’une ponction initiale réalisée sur la tête fémorale. Parallèlement le traitement des conséquences hémodynamiques (atropine, remplissage, etc.) et douloureuses (antalgiques) sera mis en œuvre avec l’identification de l’étiologie : Doppler, angioscanner voire directement artériographie par voie controlatérale. Il faut garder à l’esprit qu’une compression longue, si la ponction a été réalisée sur la tête fémorale est efficace et peut suffire à régler le problème. • Une ischémie du membre peut apparaître et la cause sera recherchée par Doppler, angioscanner et/ou artériographie par voie controlatérale. Une dissection occlusive avec éventuels emboles de thrombus distaux sera traitée comme précédemment avec des stents. Les thrombi se lyseront une fois le flux réapparu. Une thromboaspiration ne peut se faire efficacement qu’en antérograde et nécessiterait donc de ponctionner la fémorale là où le désilet pour l’implantation de la valve vient d’être retiré. Le passage intravasculaire du collagène du MANTA® peut faire craindre une ischémie. En l’absence d’ischémie, il peut être traité médicalement (figure 9) peut-être avec des anticoagulants en espérant une résorption progressive du collagène. Une surveillance régulière clinique et par Doppler est nécessaire. Figure 9. Collagène du MANTA® faisant obstruction en intravasculaire dans la fémorale commune sans signe clinique d’ischémie : traitement par AOD avec résorption progressive. A : opacification fémorale commune droite en OAD 45°obstruction par le collagène intravasculaire ; B : scanner à J3 : même aspect ; C : amélioration au Doppler à 3 mois et toujours aucun symptôme.   À distance de la procédure Dans les heures ou jours qui suivent une procédure, la survenue d’une douleur violente brutale au pli de l’aine est très suspecte d’apparition de saignement avec le plus souvent formation d’un faux anévrisme. L’apparition d’un hématome ou de douleurs trainantes sur le scarpa font également suspecter la formation d’un faux anévrisme. Quand le saignement est brutal, la compression manuelle sous antalgique souvent sous atropine est le premier geste à faire en même temps avec les mesures à visée hémodynamiques et bien-sûr la recherche de la cause : Doppler, angioscanner voire artériographie directe controlatérale en cas de facteur hémodynamique. Le traitement de la fémorale sera le même qu’en phase aiguë. Dans les autres cas, il faut d’emblée faire un écho-Doppler du scarpa et/ou un angioscanner qui préciseront au mieux le faux anévrisme : – sa taille ; – son site : sur la fémorale commune, superficielle, profonde ou au niveau d’une branche ; – sa distance par rapport à la bifurcation en fémorales profonde et superficielle ; – s’il existe encore un saignement actif au sein du faux anévrisme et le diamètre du pertuis qui l’alimente. La taille du faux anévrisme va guider le traitement en sachant que la présence d’antiagrégants + des anticoagulants bien sûr va retarder sa fermeture. Figure 10. A : échographie d’un faux anévrisme circulant 1 semaine après fermeture fémorale par ProGlideTM ; B : ponction directe du faux anévrisme avec un cathlon, opacification du faux anévrisme et du reflux dans la fémorale commune (avant injection de thrombine).

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