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Mise au point

Publié le 30 nov 2013Lecture 5 min

Radioprotection : y a-t-il des bornes à ne pas dépasser ?

O. BARa, C. MACCIAb, F. MALCHAIRc a. Clinique Saint-Gatien, Tours b. CAATS, Bourg-la-Reine c. Zephyra, Liège (Belgique)

Alors que les principes de justification des actes et d’optimisation de leur réalisation sont bien connus de notre groupe professionnel, nous savons également que le principe de limitation de l’exposition aux rayonnements ionisants ne s’applique jusqu’à présent qu’aux équipes médicales au titre de la radioprotection du personnel.
En effet, dans le contexte de la cardiologie interventionnelle, on considérait jusqu’à présent que le bénéfice médical induit pour le patient était toujours supérieur au risque encouru et qu’il ne devait pas y avoir de limite d’exposition pouvant conduire à priver le patient de ce bénéfice immédiat ou à court terme.
Le développement des actes interventionnels complexes et l’apparition dans le monde entier d’effets déterministes sévères (lésions cutanées par exemple) ont conduit les spécialistes (ASN, IRSN) à une réflexion au sujet de l’introduction de contraintes de doses par l’utilisation de la notion de niveau d’alerte dosimétrique et d’arrêt éventuel d’une procédure en temps réel, basée sur les relations effectivement observées entre les quantités dosimétriques affichées au niveau de l’installation (AK : Air Kerma, PDS : produit dose-surface) et les effets cutanées constatés. 

Le produit dose-surface (PDS) Le produit dose-surface, mesuré par une chambre d’ionisation placée à la sortie du tube RX, est une grandeur physique complexe qui s’exprime en Gy x cm2 et qui permet d’estimer la quantité globale d’énergie délivrée au patient. Elle ne permet cependant pas de déduire directement la dose reçue à la peau du patient dans les procédures interventionnelles. L’Air Kerma (AK) L’apparition des capteurs plans conduisant à une numérisation immédiate de l’image a permis de connaître précisément les dimensions du faisceau de rayons X incident utilisé et donc de déterminer la dose délivrée par unité de surface aussi petite que 1 cm2 pour chaque incidence. L’Air Kerma, exprimé en mGy, est calculé en un point situé à 15 cm en dessous de l’isocentre de l’arceau en considérant le faisceau comme étant fixe ; ce point, appelé « PRI » (point de référence interventionnel), correspond théoriquement à l’endroit où le faisceau rencontre la surface d’entrée du patient (peau). En pratique courante, la valeur de l’Air Kerma constitue souvent une surestimation de l’exposition cutanée et ne reflète pas la dose réellement reçue par la zone de peau la plus exposée, car les incidences radiographiques ne sont pas toutes superposées. Les seuils proposés tiennent compte de cette surévaluation. Cependant, dans le cas des CTO, du fait d’un faible nombre d’incidence, l’Air Kerma est plus représentatif de la dose à la peau.   Utilisation de l’Air Kerma Il est recommandé de mettre en place une surveillance en temps réel de l’Air Kerma, principalement pour les procédures complexes (CTO par exemple), et d’informer l’opérateur lorsque les niveaux d’alerte prédéterminés sont atteints. Niveau d’alerte Il correspond à un niveau de dose dont le dépassement significatif (deux à trois fois) conduirait à des niveaux de risque d’apparition d’effets quasi certains. Le but de ce niveau est d’interroger l’opérateur sur sa stratégie médicale : s’il pense atteindre son objectif à court terme, il peut poursuivre la procédure, mais s’il existe une incertitude importante sur l’issue de celle-ci, il doit envisager son interruption. Niveau d’arrêt de la procédure Il correspond à un niveau de dose pour lequel un dépassement conduit certainement à un effet déterministe dont la gravité sera proportionnelle à la dose réelle qui ne peut être calculée en temps réel sur les équipements actuels. L’arrêt de la procédure sera décidé en tenant compte de l’ensemble des risques relatifs au patient. En pratique Un protocole avec traçabilité indique aux techniciens de surveiller la valeur de l’Air Kerma devant être communiquée à l’opérateur en cas de franchissement des seuils prédéterminés. Premier niveau d’alerte AK = 5 000 mGy • Adapter, dans la mesure du possible, la procédure en cours = optimiser les pratiques • Décider de poursuivre ou d’interrompre la procédure en fonction de la dose prévisible pouvant être délivrée avant d’atteindre l’objectif thérapeutique. Deuxième niveau d’alerte AK = 10 000 mGy • Achever rapidement la procédure ou l’interrompre en évaluant les risques médicaux.   Après la procédure • Mettre en place un suivi du patient dès que la dose à la peau, estimée à partir des indicateurs de dose disponibles, peut dépasser 3 Gy sur une région (calcul réalisé par le physicien médical). Ces valeurs, données à titre indicatif, doivent être déterminées en collaboration avec le physicien responsable du plan d’organisation de la radiophysique médicale (PORPM) obligatoire dans tous les centres de cardiologie interventionnelle. Conclusion La survenue d’effets déterministes doit être combattue sans relâche et nous avons à notre disposition des moyens performants pour évaluer les doses délivrées, y compris durant le temps même d’une procédure. Ces notions récentes de niveaux d’alerte et d’arrêt doivent être, dès à présent, mises en application dans chaque centre après discussion entre l’équipe médicale, le radiophysicien et la PCR afin d’éradiquer les effets déterministes cutanés qui restent injustifiables au regard du bénéfice des procédures médicales en cause, qui sont presque toujours programmées et donc gérables de manière prévisionnelle. Un protocole écrit devrait être établi avec une traçabilité des procédures à risque permettant une évaluation des pratiques et leur optimisation. Enfin, ces protocoles visant à limiter les effets déterministes ne doivent pas faire oublier le risque stochastique, plus difficile à évaluer, mais qui doit être pris en compte dans l’indication de la procédure.   Les dessins sont de notre collègue Marc-Antoine Isorni  

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