Publié le 30 sep 2010Lecture 6 min
Taxus® et tronc commun coronaire gauche
D. CARRIÉ, CHU Toulouse Rangueil
L’amélioration technologique, l’expérience des opérateurs ainsi que les multiples séries de registres ou d’études cliniques avec le stent actif nous permettent aujourd’hui de mieux positionner l’angioplastie dans le choix de la revascularisation myocardique des lésions du tronc commun coronaire gauche.
Données spécifiques avec le stent Taxus®
C’est probablement avec ce stent actif que nous avons le plus de résultats cliniques et angiographiques à court et moyen termes.
De nombreux registres depuis le début des années 2000 confirment la bonne faisabilité et la bonne sécurité des stents actifs Cypher® et Taxus® dans les lésions du tronc commun gauche, mais c’est bien évidemment l’étude SYNTAX publiée dans le New England Journal of Medicine en 2009 qui reste la référence majeure en termes de résultats scientifiques.
À partir de 1 800 patients tritronculaires, avec ou sans lésion associée du tronc commun coronaire gauche, randomisés en deux groupes, chirurgie de pontage versus stent actif Taxus®, cette étude nous a permis de définir un score Syntax en fonction de la sévérité des lésions angiographiques, et notamment, la présence d’une lésion du tronc commun gauche, de bifurcations, de calcifications, d’occlusions chroniques, de thrombus voire de tortuosités… et d’établir une corrélation anatomoclinique à moyen terme concernant les événements cardiaques majeurs.
Dans le groupe « lésion du tronc commun isolée ou associée à d’autres lésions coronaires avec un score Syntax allant de 0 à 32 », l’angioplastie coronaire avec stent actif Taxus® fait jeu égal avec le pontage aortocoronaire (18,3 % vs 20,5 %) en termes d’événements cardiaques majeurs et de revascularisations itératives (figure 1).
Figure 1. Taux dʼévénements cardiaques majeurs à 2 ans dans le groupe « tronc commun » avec un score Syntax bas ou intermédiaire.
C’est ainsi que les nouvelles recommandations nord-américaines publiées dans Circulation en 2009 admettent comme une alternative à la chirurgie le traitement des lésions du tronc coronaire gauche par angioplastie avec stent actif (classe IIb B) à condition que les patients soient à faible risque de complications avec des conditions anatomiques favorables à un tel geste interventionnel.
Existe-t-il une spécificité française ?
Ce terme est peut-être un tant soit peu prétentieux, mais force est de constater que les cardiologues interventionnels français ont participé activement au positionnement du stent actif dans les lésions du tronc commun.
Entre mai 2003 et juin 2005, 4 centres français ont participé à l’étude Pilote TAXUS. Près de 300 patients en dehors de la phase aiguë d’infarctus ou d’un choc cardiogénique et qui présentaient une ischémie documentée (angor stable ou instable) associée à une sténose de novo de plus de 50 % du tronc commun étaient revascularisés par stent actif Taxus®. Ces patients étaient à risque du fait de leur âge (69 ans d'âge moyen), de leur diabète (29 %), d'une insuffisance rénale (28 %) et plus globalement de leur EuroScore (38 % de patients avaient un EuroScore ≥ 6) avec 25 % d'atteintes tritronculaires. La stratégie de stenting des lésions distales du tronc commun utilisée dans ce registre a fait appel au T-provisional stenting : il s’agit de ne pas poser systématiquement 2 stents sur les lésions de bifurcation IVA/circonflexe qui représentent environ 70 % des lésions du tronc commun mais d’implanter uniquement un seul stent à cheval sur le tronc distal et l’ostium de la branche mère. Un deuxième stent vers l’ostium de la branche fille n’est mis en place que si le résultat angiographique après kissing balloon est incomplet ou qu’il existe une dissection menaçante.
Après 2 ans de suivi (Circulation 2009), il y a eu 5,4 % de décès cardiaques et un taux combiné d'événements cardiaques majeurs de 15,8 % dont 0,7 % d’AVC. Le taux de revascularisation de la lésion cible était de 8,7 %. Quant au taux de thromboses de stent du tronc commun prouvées et probables, il était de 0,7 %. L'incidence globale des thromboses certaines, probables ou possibles se situait à 3,8 % avec un risque majoré chez les patients chez lesquels la branche secondaire avait été stentée en cas de lésions de bifurcation (RR = 9,6 ; 1,2-77,7 ; p = 0,035).
À partir de ces premiers résultats tout à fait encourageants, l’étude FRIEND a débuté fin 2005 (23 centres français). La Société française de cardiologie s’est portée « promoteur » de ce travail qui a inclus plus de 150 patients en 6 mois. Toujours avec la même technique du T-provisional stenting dans plus de 90 % des cas pour les troncs distaux, le taux de resténose par suivi angiographique systématique à 9 mois était extrêmement bas : à moins de 5 %. Sur une population de sexe masculin dans 83 % des cas, d’âge moyen de 68,3 ans dont 5 % de diabétiques, 46 % de lésions associées tritronculaires et 69 % d’atteinte distale du tronc commun, les résultats cliniques, favorables à 1 an (EuroIntervention 2009), se maintiennent à 3 ans avec un taux de mortalité globale de 6,7 %, un taux d’événements cardiaques majeurs de 21 % dont 2 % d’infarctus non Q, 3,3 % d’infarctus transmural, 2 % d’AVC et 1,4 % de chirurgie de pontage aortocoronaire. À l’opposé, dans l’étude SYNTAX où chaque équipe était libre de sa technique d’implantation (T-stent, culotte, crush, Y, 1 ou plusieurs stents, etc.) sous réserve d'utiliser les mêmes stents Taxus®, le taux d’événements cardiaques majeurs était déjà, à 1 an, de 13,7 % dans le bras angioplastie versus 15,8 % dans le bras chirurgie. De plus, il existe une grande hétérogénéité (figure 2) entre les centres recruteurs confirmant bien l’importance de l’expertise chirurgicale ou interventionnelle dans les résultats à moyen terme. Même si ces derniers résultats ne seront jamais publiés, la figure 3 individualise à 1 an le taux d’événements cardiaques majeurs dans le sous-groupe des centres français par rapport au reste des centres européens et nord-américains.
Figure 2. Répartition des événements cardiaques majeurs à 1 an (chirurgie et angioplastie) en fonction des différents centres inclus dans lʼétude SYNTAX.
Figure 3. Taux dʼévénements cardiaques majeurs à 1 an dans le sous-groupe français de lʼétude randomisée SYNTAX par rapport aux autres centres européens et nord-américains.
Bien que sans réelle valeur scientifique en termes de significativité, il est toujours intéressant de noter que le taux global d’événements cardiaques majeurs est de 10,8 % versus 18,8 % dans le bras interventionnel alors que les résultats sont sensiblement similaires entre les deux groupes (14,7 % vs 12 %) dans le bras chirurgical.
Quels patients peut-on dilater ?
Nous avons donc aujourd’hui des données scientifiques importantes qui nous aident considérablement dans le choix du type de revascularisation myocardique de lésions du tronc commun coronaire gauche. Le score Syntax (score angiographique et donc de complexité de l’angioplastie) est sûrement à côté de l’EuroScore un élément majeur dans l’aide à la décision : élevé (> 32) et donc favorable à la chirurgie, bas (< 22) et plutôt favorable à l'angioplastie. Pour les scores intermédiaires (22 à 32), l'évaluation globale du patient, les signes de co-morbidité associés tels que le diabète ou l’insuffisance rénale ainsi que l'expérience de chaque centre en angioplastie et en chirurgie seront autant de facteurs décisionnels pour l’une ou l’autre des deux techniques.
Si la discussion médicochirurgicale penche pour l'angioplastie, cʼest la stratégie de stenting optionnel de la branche secondaire (T-provisional stenting) qui doit être privilégiée.
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